C'est l'un des fleurons de Sanofi. Construite en 1973, l'usine normande de Val-de-Reuil (Eure) est le premier site de production de vaccins contre la grippe dans le monde. Le laboratoire pharmaceutique français a annoncé mi-octobre un investissement de 170 millions d'euros pour ériger un nouveau bâtiment. Destiné à la fabrication du Vaxigrip Tetra, le dernier-né des vaccins antigrippaux du groupe, il devrait être inauguré en 2022. Déjà commercialisé dans 24 pays, ce vaccin protège de quatre souches de grippe, contre trois pour le Vaxigrip " classique ". Il n'est pas encore disponible en France, où le groupe est en train de négocier son prix avec les autorités.
Sanofi, qui produit 200 millions de doses de vaccins contre la grippe, est déjà l'un des grands bénéficiaires des campagnes d'immunisation lancées par les autorités de santé chaque année au début de l'automne. Ses différents vaccins antigrippaux lui ont rapporté 1,5 milliard d'euros en 2016 – en progression de 15 % par rapport en 2015 – et représentent un tiers des ventes de sa division vaccin, Sanofi-Pasteur.
Les résultats des trois premiers trimestres de 2017, dévoilés jeudi 2 novembre, confirment cette tendance : les ventes de vaccins antigrippaux ont ainsi atteint 1,08
milliard d'euros pour les neuf premiers mois de l'année, en hausse de 2,4 %. Le groupe tricolore produit 40 % des vaccins antigrippaux distribués dans le monde.
Ses vaccins sont produits " à l'ancienne ", à partir d'un virus grippal cultivé sur des œufs de poules provenant de fermes d'élevage spécialisées. Mais pour garder une longueur d'avance sur ses concurrents, le groupe a acquis en août une biotech américaine spécialisée dans la fabrication de vaccin antigrippal à partir de cellules génétiquement modifiées. Fondé en 1983 dans le Connecticut (nord-est des Etats-Unis), Protein Sciences a obtenu, en octobre, l'autorisation de commercialiser aux Etats-Unis son vaccin antigrippal quadrivalent Flublok, le premier à être fabriqué avec cette technologie. Le groupe réfléchit au dépôt d'un dossier d'enregistrement en Europe.
L'enjeu des prochaines années pour les laboratoires pharmaceutiques est de développer des vaccins contre la grippe avec une
" couverture élargie " à plus de souches et sur plusieurs saisons, alors qu'aujourd'hui ils doivent être renouvelés chaque année pour s'adapter au virus. La perspective d'un vaccin universel contre la grippe est jugée
" irréaliste " par David Lœw, vice-président exécutif de Sanofi-Pasteur.
" Nous menons des recherches, mais nous pensons qu'un développement prendra encore au moins dix ans ", a-t-il expliqué lors d'une conférence de presse le 12 octobre.
" Un énorme potentiel "Pour convaincre les payeurs – publics et privés – de prendre en charge son vaccin, l'argumentaire du groupe met en avant l'impact sur la santé publique (décès prématurés, complications, hospitalisations), mais aussi des données économiques. Rien qu'en France, la facture pour la saison 2013 s'était élevée à 220 millions d'euros en additionnant le coût des consultations chez le médecin, des médicaments et des arrêts de travail, rappelle ainsi le groupe dans une " étude " pharmaco-économique publiée en 2014. Tous les scientifiques ne sont pas convaincus. Une tribune publiée en 2013 dans
The BMJ – journal médical de renom – s'interrogeait ainsi sur la validité des statistiques utilisées par les autorités pour quantifier la " menace grippe ".
Le marché français des vaccins antigrippaux devrait atteindre, cette saison, 9,3 millions de doses commercialisées. La campagne de vaccination mise en œuvre par l'Assurance-maladie a commencé début octobre et se terminera fin janvier. Trois acteurs se partagent les ventes : Mylan (Influvac), Sanofi (Vaxigrip) et Pierre Fabre (Immugrip). Pour la saison 2016-2017, plus de 7 millions de boîtes ont été remboursées par l'Assurance-maladie pour un coût de 26 millions d'euros (le vaccin est pris en charge à hauteur de 65 %). Le plus vendu a été l'Influvac (3,7 millions de boîtes), suivi de près par le Vaxigrip (3,4 millions de boîtes).
Cette année-là, 11 millions de personnes étaient invitées à se faire vacciner (principalement les personnes âgées de plus de 65 ans). Un peu moins de la moitié d'entre elles ont effectivement suivi ce conseil, précise le ministère de la santé dans un document rendu public le 4 octobre. Or le taux de vaccination optimal recommandé par l'Organisation mondiale de la santé est de 75 %.
" Outre-Atlantique, les patients ont la possibilité de se faire vacciner dans les pharmacies, alors que cela démarre tout juste en France, observe David Lœw.
Il reste un énorme potentiel de progression et nous anticipons une augmentation sur les dix années à venir. "
Pour la troisième année consécutive, l'Assurance-maladie diffuse un spot télévisé destiné à rappeler l'importance de la vaccination antigrippale. D'une durée de vingt secondes, il se conclut par le slogan :
" Ne laissons pas la grippe nous gâcher l'hiver. "
Chloé Hecketsweiler
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