jeudi 25 février 2016

Mais que cherche Mme Aubry ?


        Mais que cherche Mme Aubry ?

LE MONDE | 
     Martine Aubry, le 14 janvier à la mairie de Lille.

Editorial du « Monde ».

 Le réquisitoire de Martine Aubry est le point d’orgue d’une séquence délétère que le pays subit depuis trois mois. La déchéance de nationalité a attisé les tensions et fracturé la gauche. La démission de Christiane Taubira a fragilisé le gouvernement. Le remaniement a été une occasion manquée d’ouverture. Loin d’offrir un habile cocktail de flexibilité et de sécurité, la refonte du code du travail a été présentée si maladroitement qu’elle est ressentie comme une régression par les salariés. Et elle a brisé la relation de confiance avec les syndicats réformistes. Après une courte embellie au lendemain des attentats du 13 novembre 2015, François Hollande est retombé dans des abîmes d’impopularité. Tout se déglingue et le président perd pied.
Campant sur la posture de procureure qu’elle affectionne, la maire de Lille a sonné la charge : « Ce n’est plus simplement l’échec du quinquennat qui se profile, a-t-elle écrit dans Le Monde du 25 février, mais un affaiblissement durable de la France qui se prépare, et bien évidemment de la gauche. » Mme Aubry a frappé dans un vide politique : le président est en voyage aux antipodes. Il n’y a pas eu cette semaine de conseil des ministres et le Parlement est en vacances. François Bayrou parle d’une « guerre civile à l’intérieur du gouvernement et de la majorité ». La formule du président du MoDem est un peu excessive mais il y a une part de réalité. Mme Aubry a fait entendre un message de rupture alors que la gauche est en miettes, que la majorité a explosé et que le Parti socialiste est au bord de l’implosion.
Huit mois après avoir signé, au congrès de Poitiers du PS en juin 2015, la motion majoritaire avec Manuel Valls, la rivale malheureuse de M. Hollande à la primaire de 2011 ne voit dans la politique du gouvernement qu’une sorte de trahison au « serment » du Bourget, prononcé par le futur président le 22 janvier 2012, qui « fonde [sa] légitimité » depuis 2012. Mme Aubry vise le pacte de responsabilité, la déchéance de nationalité, la politique à l’égard des migrants, la refonte du code du travail.

« Sortir de l’impasse »


Dotée de peu de troupes dans le PS, fragilisée dans sa région perdue par la gauche, et dans sa fédération qu’elle ne contrôle plus, elle a rejoint Christian Paul, le meneur des frondeurs, et l’ancien ministre Benoît Hamon. Elle marque ainsi son passage dans l’opposition au sein de la gauche qui vise plus le gouvernement, accusé de saper les fondements des « idéaux du socialisme », que le président, qu’elle ménage encore un tout petit peu.
Mme Aubry avance peu de propositions pour « sortir de l’impasse », en dehors d’un plaidoyer général pour « des vraies réformes, synonymes de progrès économique, social, écologique et démocratique ». Les questions demeurent. Que veut MmeAubry ? Quelle est l’alternative ? La maire de Lille est une sociale-démocrate et elle se revendique d’une gauche « moderne » et « progressiste ». Elle ne cherche ni à être présidente de la République, ni première ministre. Elle n’ira pas concourir à une hypothétique primaire de la gauche où, à ses yeux, M. Hollande, s’il se représente, « n’a pas besoin d’aller ».
Alors que faire ? Face à la décomposition de son camp, le président se place au-dessus de la mêlée, comme François Mitterrand en 1988 quand il jouait la carte de « la France unie ». Mais, s’il veut se succéder à lui-même, il devra aussi réapprendre à parler à sa gauche.

En savoir plus sur:  http://www.lemonde.fr/politique/article/2016/02/25/mais-que-cherche-mme-aubry_

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