lundi 27 juillet 2015

Où va le POI ? :Crise au Parti ouvrier indépendant Première partie - auteur Félix Niesche


Où va le P.O.I ?

Crise au Parti ouvrier

 indépendant

Première partie




Le dernier parti véritablement trotskiste, au sens où sa référence reste toujours le Programme de transition rédigé par Léon Trotsky en 1938, et qui se définit d’abord par son appartenance à la IVe Internationale, re-proclamée par eux en 1993, est au bord de la scission.
L’affaire paraît sérieuse. Leur site Internet est laissé en friche depuis des mois, et les éditos de Daniel Gluckstein (ci-contre, dirigeant qui a succédé à Pierre Boussel, dit Lambert) ont disparu depuis le 1er juillet de l’hebdomadaire Informations ouvrières (IO).
En Vérité cette crise est à l’origine celle du CCI, c’est à dire le Courant communiste internationaliste, section française de la IVe Internationale, courant qui vertèbre le POI, lui fournissant moult cadres et l’essentiel de son corpus doctrinaire.
Depuis l’annonce de cette disputio scolastique trotskiste on a pu lire des tombereaux d’injures de la part de l’« extrême gauche ». La haine à l’encontre du trotskisme dit lambertiste est vivace à la gauche de la gauche.
Notre propre courant de pensée n’est à cet égard pas en reste, il est de bon ton de considérer le trotskisme comme un des multiples avatars de la divinité du N.O.M.
On dira volontiers «  les néo-cons trotskistes américains » , le « trotskiste Cambadélis » , etc., etc., j’en passe et des trop tristes.
Le très mystérieux « entrisme » trotskiste aurait tellement bien marché que le Système serait noyauté de pépins trotskistes, que le kyste trotskiste aurait gangrené les institutions, la clique politicienne et sa chienne lécheuse médiatique.
Tout de même, un peu de suite esthétique dans les schémas mentaux, à défaut de cohérence intellectuelle, aurait dû laisser apercevoir une plus grande similitude de type entre eux et nous, qu’entre eux et les NPA.
On avait même pu voir, au tout début de la création d’E&R, quelques ex-lambertistes nous rejoindre, pas pour longtemps il est vrai. Mais l’idée de passer du NPA à Réconciliation nationale est une impossibilité ontologique. On peut changer d’opinions, mais pas changer d’être.
Or le NPA ne se réclame absolument plus du trotskisme, il y a belle lurette que le portrait du « Vieux » a été remisé au rayon des antiquités avec les autres dead white European males, et que sa doctrine a été jetée aux orties. Cependant que le CCI du POI en fait encore et toujours son credo.
En outre le NPA a soutenu l’intervention en Libye, les groupes islamistes radicaux contre Assad en Syrie, le coup d’État nazi en Ukraine, comme hier il soutenait l’UCK mafieuse du Kosovo. Contrairement à une idée reçu il ne milite pas pour la rupture avec l’Union européenne, mais pour sa « réorientation sociale ».
Au POI c’est exactement le contraire.

Un petit peu d’histoire trotskiste


On pense habituellement que l’histoire du mouvement trotskiste est impossible à suivre, tellement les scissions et les scissions de scissions forment un réseau inextricable de chapelles et de sectes plus souterraines les unes que les autres.
Comme au IIe siècle après NS Jésus-Christ la multiplication des sectes dites gnostiques rendait, dit-on, la compréhension du gnosticisme impossible.
L’histoire du mouvement communiste est un décalque séculier de l’histoire du christianisme.
Mais en vérité, pour sortir de ce labyrinthe vers un peu clarté, il suffit d’imiter Thésée et de saisir le bon fil conducteur. Celui qui part de Trotsky en personne, et de la IVe Internationale.
À partir de là on découvrira deux grands courants fondateurs, divorcés et à jamais brouillés sur la garde de la théorie du « Vieux » et de son enfant l’Internationale n°4.
En effet, Trotsky avait pronostiqué qu’au sortir de la Deuxième Boucherie, la vague révolutionnaire renverserait la dictature stalinienne. Or, au contraire, cette dernière sortira renforcée de l’après-guerre.
Ainsi, au début des années 50, les dirigeants Michel Pablo, Livio Maïtan et Ernest Mandel vont initier une ligne liquidatrice qui reconnaissait un rôle progressiste au stalinisme, car ce dernier « construit le socialisme à sa manière », une manière plus lente et plus bureaucratique, mais sûre, « pendant des siècles de transition ».
Bluffés par les riantes « réalisations » du socialisme policier derrière le Rideau de Fer, cette tendance prônait la dissolution des petites sections trotskistes et l’entrisme dans les Partis communistes, afin de pousser ces derniers à aller le plus à gauche possible. Une politique de roquet.
En 1951 le congrès mondial de la IVe Internationale avalise et cercueil cette révision déchirante du programme, et transforme l’Internationale en un Secrétariat unifié (SU), sorte de club de rencontre pour trotskistes stalinisés qui se retrouveraient là, à date fixe, pour causer de l’état d’avancement du Camp socialiste malencontreusement bureaucratisé vers des lendemains qui chantent.
En théorie, le SU remplaçait la lutte des classes par la lutte des camps (socialiste contre capitaliste). Un trotskisme de Guerre froide.
Cette tendance obtint la majorité, sauf dans la section française, le Parti communiste internationaliste, dirigé par Pierre Lambert.
D’où l’appellation contrôlée de pablisme pour les uns, et de lambertisme pour les autres.
La puissante (relativement aux effectifs du trotskisme), section américaine, le Socialist Worker Party [SWP], sous l’impulsion de James Cannon, fidèle entre les fidèles et ami de Trotsky, entrera aussi en guerre ouverte contre Pablo.

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James P. Cannon

James Cannon diffusera une Lettre aux trotskistes du monde entier, et au-delà, pour dénoncer le pablisme, et réaffirmera la validité de la doctrine traditionnelle, à savoir le caractère intrinsèquement contre-révolutionnaire du stalinisme, et la nécessité de bâtir des partis révolutionnaires en dehors des PC officiels.
Sur cette base intangible, la majorité de la section française (PCI), le SWP américain, constituèrent ensemble en 1953 le comité pour la reconstruction de la IVe Internationale (CORQI).
Et ce n’est qu’en 1968, sous l’impulsion de la révolte de la jeunesse contre la guerre du Vietnam et de la révolte anti-bureaucratique de Prague, que le courant pabliste français claquera la porte du PCF, fondera la JCR, la jeunesse communiste révolutionnaire, qui deviendra avec la candidature d’Alain krivine, la Ligue communiste, puis sous la férule du facteur Besancenot, le glorieux NPA.
Quant au courant lambertiste, il démarre, nous l’avons vu, du Parti communiste internationaliste en 1950 pour aboutir à l’actuel CCI du POI, en passant par l’AJS, l’OCI, le Parti des travailleurs.
Donc, on peut être légitimement fondé à dire que le trotskisme véritable c’est le lambertisme, quelles que soient par ailleurs ses spécificités, et son style très particulier.
Par rapport au corpus doctrinaire trotskiste, les lambertistes sont en quelque sorte les traditionalistes, et les pablistes du NPA les modernistes.
Je n’ai pas tenu compte ici de la secte Lutte ouvrière, qui a rompu avec la IVe Internationale bien avant guerre. Mais ils seraient, dans cette analogie avec la doctrine catholique, les Témoins de Jéhovah du trotskisme.

Les renégats caustiques



Petite parenthèse à propos du Mélenchon, du Jospin, du Cambadélis.
Or donc, si l’on en croit la rumeur ils seraient toujours des lambertistes impénitents et agissants dans les institutions.
Au lieu qu’en réalité ces gens-là, du moins les deux derniers, furent des taupes mitterrandiennes dans le lambertisme, des renégats qui préférèrent rejoindre le PS, avec ses perspectives de carrière plus roses, et ses militantes plus alléchantes.
Dire Jospin ou Cambadélis trotskistes, c’est idiot. Autant qu’appeler un parricide du nom de son père, dans le but de rendre ce dernier responsable de son propre assassinat.
Qui ne voit que cette manière de comprendre les choses n’est pas à la gloire des lambertistes, qui passent leur temps à se faire arnaquer.
Et plutôt que de se représenter feu Lambert en train de tirer toutes les ficelles en coulisse en faisant gniak gniark gniark, on ferait mieux de voir à quel point il s’est fait rouler, et à deux reprises, par un Mitterrand bien plus retors que lui.
Pour quelle obscure raison Cambadélis, ce fils de diamantaire, ce bourgeois, qui n’a peut-être jamais serré la main d’un authentique ouvrier, a-t-il toujours été favorisé par Lambert ?
Mystère et Boussel Lambert.
Il est vrai que Lénine lui même a favorisé la montée en puissance de Staline, le fossoyeur de son œuvre, ce dont il se repentit amèrement. Ce doit être dans les gènes du bolchevisme.
Thierry Meyssan :
« En 1989, l’ancien chef du Renseignement états-unien en Europe, Irwing Brown, révélait aux journalistes Roger Faligot et Rémi Kauffer avoir recruté Jean-Christophe Cambadélis lorsqu’il militait chez les trotskistes lambertistes. 25 ans plus tard, M. Cambadélis est devenu Premier secrétaire du Parti socialiste français. »
Ah si vous aviez vu la tête des militants du PCI lambertiste en 1986, quand Cambadélice s’est tiré en emportant l’UNEF-ID et la caisse !
Si vous aviez entendu ce qu’ils disaient en off sur ce personnage !
À tel point qu’un jour je leur dis — Mais enfin vous avez une organisation internationale ! Pourquoi ne pas faire venir ici quelques Brésiliens, pour un séjour très bref...
Ils me rétorquaient avec ce dédain de professeurs rouges qui les caractérise, qu’il ne fallait pas confondre l’Internationale prolétarienne avec une association de malfaiteurs, la IVe Internationale avec la bande à Bonnot !
Mitterrand, l’ami de Bérégovoy, de Grossouvre, de Jean-Edern Hallier, n’avait pas ce genre de scrupule, tout à l’honneur des lambertistes bien sûr..
En cela les trotskistes restent bien les épigones du fondateur de l’Armée rouge.
Quand on lui posait la question suivante, qu’il qualifiait de « si courante et si naïve » :
— « Pourquoi monsieur Trotsky, n’avez vous pas utilisé en son temps l’appareil militaire contre Staline ? »
Voici ce qu’il répondait :
« Il n’y a aucun doute qu’accomplir un coup d’État militaire contre la fraction Zinoviev-Kaménev-Staline aurait pu se faire alors sans aucune peine et n’aurait même pas coûté d’effusion de sang ! Mais le résultat d’un tel coup d’État aurait été une accélération des rythmes de cette même bureaucratisation et bonapartisation, contre lesquels l’opposition de gauche entrait en lutte. »
Penser le contraire témoignait, toujours selon Trotsky, « qu’on ne sait pas réfléchir aux causes historiques générales de la victoire de la bureaucratie soviétique sur l’avant-garde révolutionnaire du prolétariat ».
Elles ont bon dos les causes historiques.

Les deux factions en présence


Mais revenons à l’actualité qui nous occupe ici, savoir la fracture possible du POI, et de la section française de la IVe Internationale.
Elle a des similitudes avec la crise historique des années 50 en ceci que c’est finalement toujours la querelle des anciens et des modernes.
Ce qui se passe au POI est une normalisation, une liquidation de sa vieille garde, « de la majorité des dirigeants [qui] sont de vieux permanents, une quarantaine en tout, par ailleurs essentiellement des hommes bien virilistes » comme l’exprime gaillardement Nina Pradier du NPA pour s’en féliciter.
Dans le même ordre d’idée, madame Marie-Edmonde Brunet du bureau national du POI écrivait dans le n°359 d’Informations ouvrières : « J’avais fait part de mon désarroi au secrétariat permanent où j’avais dit que je n’avais pas spécialement une vocation de potiche ! »
Doléance entendue puisque l’éditorial du dernier numéro de IO sera signé de sa main, qui n’est pas de porcelaine, à la place du coutumier Édito de Daniel Gluckstein, blaqueboulé.
Or donc, Daniel Gluckstein a été suspendu pour crime de lèse-monolithisme parce qu’il a osé formaliser une tendance non statutairement prévue hors congrès, mais tout de même signée par plus de 600 membres du CCI, parmi les plus chevronnés.
La tendance s’ intitule « Revenir à une politique de construction de parti ». Tout le programme est dans le titre. S’il faut revenir à une politique de construction du parti c’est donc qu’elle a été abandonnée.
Et dans le POI cette tendance a été approuvée par les deux autres secrétaires nationaux, Jean Markun (dirigeant de la CGT) et Gérard Schivardi, maire de Mailhac et ancien candidat à la présidentielle de 2007. 
Pour les contrer, Marc Gauquelin, un autre dirigeant trotskiste du Courant communiste internationaliste et rédacteur d’IO, lors du bureau national du POI du 4 juillet a mis sur pied une structure ad hoc : le « secrétariat permanent », qui remplace pour le moment l’ex-direction nationale Gluckstein-Markun-Shivardi.

À suivre.

Dans la seconde partie nous étudierons les deux orientations en présence.
Où va le POI ? Certainement vers la scission.
Notre thèse étant :
1. Que cette crise provient de la pression du milieu sur les militants du POI
2. Que cette pression est la conséquence de la ligne du Front unique et d’ouverture au Parti de gauche.
3. Et plus fondamentalement du basculement de la situation politique après les tueries de Charlie Hebdo.
Voir aussi, sur E&R :

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