L'actualité du lundi 03/03/2014
La UNE
  Influences Par DIDIER PÉRON
Resnais n’a
jamais été à l’aise avec la glorification de la figure de l’auteur telle
qu’elle s’est installée depuis la Nouvelle Vague. Sans doute restait-il
à l’écart de la bande des Cahiers du cinéma faute de pouvoir tout à
fait partager leur sectarisme esthétique et leur obsession du nom propre. Sa
curiosité le poussait de toute façon à toujours chercher les
publications obscures, les illustres inconnus, à écouter les
faces B des 45-tours, les chutes de slapstick muets jetés dans les
poubelles du cinéma… Lui-même ne signait ses films que du bout
des lèvres, en inscrivant au générique «réalisé par…» ou «mise en scène…».
Mélangeant les influences d’avant-gardes et les choses désuètes, dans un double
mouvement d’amour du présent et de crainte d’abîmer ce qu’il nous reste du
passé, il y a du grand récupérateur de causes perdues
et de cadavres dans les placards chez Resnais, collectionneur,
classificateur, maniaque, taxidermiste fou et laborantin conceptuel. «C’est par le manque qu’on dit les choses. Le
manque à vivre, le manque à voir. C’est par le manque de lumière qu’on dit
la lumière […]. C’est une règle absolue», écrivait Marguerite Duras en
1982. Ce manque, Resnais le ressentait, sans doute depuis l’enfance
solitaire, étouffée dans cette Bretagne où il crut bien périr d’ennui. Il
savait qu’il pouvait le transmettre, le sublimer par la puissance d’hypnose des
images, des voix, de la musique, du montage. La collure
entre chaque plan élabore pour l’imaginaire un grand drap blanc sous
lequel se glisser tout entier et disparaître.
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