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dimanche 7 décembre 2025

L'ECLAIREUR - Le consentement : du leurre à l’atomisation - Dimanche 7 décembre 2025

 

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Le consentement : du leurre à l’atomisation

TRIBUNE - De la liberté dans le consentement "libre et éclairé ", et de son usage hors du champ médical. Par Mathilde Jaffre.

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Le principe de “consentement libre et éclairé”, qui ne s’applique pas seulement au champ médical, est-il vraiment libre, interroge Mathilde Jaffre ? L’auteur, également contributrice à la revue Antipresse de Slobodan Despot, revient dans cette réflexion sur cette notion, sur ses limites et ses dévoiements. Qu’elle éclaire au travers de l’actualité.

Alors que le projet de loi de financement de la sécurité sociale 2026, une des deux lois (avec le projet de loi des finances) nécessaire au fonctionnement de l’Etat doit être adoptée avant le 31 décembre 2025 et que des articles capitaux sont en discussion, la course contre la montre fait craindre un passage en force. Le gouvernement a exclu le recours à l’article 49.3 de la Constitution ? Il reste l’article 47.1. Déni du consentement ? Déni démocratique.

Dans notre rubrique Réflexions libres, les propos des auteurs n’engagent qu’eux-mêmes et ne reflètent en aucun cas les opinions de L’Eclaireur, au-delà de notre choix, que nous jugeons nécessaire, de leur donner la parole dans un soucis de pluralisme et de meilleure compréhension du monde.

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Des événements récents m’ont acculé dans de sombres recoins de ma pensée. La notion de « consentement libre et éclairé » se conçoit dans le domaine de la santé. Mais ne pourrait-elle pas s’étendre à toutes les sphères de notre existence ?

Février 2025. Une information me saisit ; l’utilisation de mon compte personnel de formation (CPF¹), est conditionnée à la création de mon identité numérique. Il n’y a aucune échappatoire. Concomitamment, je découvre que le compte rendu d’un examen médical ne peut plus être envoyé par courriel. Il est dorénavant expédié sur le dossier médical partagé, c’est-à-dire le carnet de santé numérique vanté par l’assurance maladie pour ses nombreux avantages. Ayant refusé de créer ce dossier, je me sens de nouveau pressée et l’atrabile monte. Fort heureusement, mes jambes et mon véhicule thermique me permettront de venir chercher en main propre ce fichu papier ; à l’ère du tout numérique et de la disgrâce du CO2, cette situation est ubuesque !

Ces exemples mettent en évidence une volonté incessante de nos institutions de nous astreindre à nous dématérialiser ; consentement non libre mais parfaitement éclairé sur les objectifs de cette coercition ; nous voici embarqués de force pour une nouvelle destination sociétale ; une nouvelle ère où l’humain ne sera plus qu’un numéro perdu dans un nuage informationnel. « Je n’suis pas un numéro, je suis un homme libre ! » s’égosillait Numéro 6². Ce cri présagerait-il de notre ultime protestation ou nous insurgerons-nous contre « l’État Unitaire »³, prophétisé par Zamiatine, pour revenir à notre identité, nos racines, notre humanité ?

L’État nous pousse inéluctablement à consentir à cette nouvelle identité en verrouillant tout, insensiblement. Les récalcitrants seront étiquetés et condamnés à vivre en marge de la société. Cette discrimination systémique ira bien au-delà de notre capacité à prendre part à la vie civile et politique d’un État ; elle impliquera une nouvelle classe d’individus : les sous-hommes, des êtres inférieurs, indésirables, impurs ou inutiles, voués à être exterminés pour le plus grand bien de la collectivité. Tel l’ogre dévorant ses propres filles , l’État nous annihile insidieusement jusqu’à nous effacer.

Étymologiquement, consentir provient du latin consentire, ressentir ensemble, formé de cum, avec et sentire, sentir, penser. Selon Le Petit Larousse , consentir signifie « accepter que quelque chose se fasse ; autoriser ». Le Littré, dictionnaire ancien paru à la fin du XIXe siècle, propose une définition plus complète : « se rendre à un sentiment, à une volonté, à une obligation. » Se rendre à une obligation relèverait donc d’un consentement. Cette définition pointe du doigt une problématique majeure dont nos institutions se repaissent dramatiquement, en particulier durant la crise sanitaire pourvoyeuse d’injonctions et d’obligations au détriment du droit fondamental à l’information ; encore faut-il que cette information soit vraie et que cette vérité ne soit pas falsifiée.

Les bases actuelles du devoir d’information et de recueil du consentement du patient furent fixées par l’arrêt Teyssier rendu le 28 janvier 1942. Suite à un accident de voiture, le patient nommé Teyssier subit une intervention chirurgicale qui se solda quelques mois plus tard par une amputation. Le médecin fut jugé pour manquement à son devoir d’information envers son patient sur les risques potentiels de l’intervention. L’arrêt soutint que tout chirurgien doit obtenir le consentement du patient avant de pratiquer une opération, sauf en cas de force majeure. Ces bases sont moralement louables.

Le « consentement libre et éclairé » est une notion récente qui mérite d’être analysée. La loi Kouchner du 4 mars 2002 a modifié le Code de la santé publique en son article L.1111‐4 rédigé comme suit : « Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment ». Attardons-nous tout d’abord sur les mots « libre » et « éclairé ». « Libre » signifie qu’il ne doit pas être obtenu sous la contrainte et « éclairé » qu’il doit être précédé d’informations loyales, claires et adaptées au degré de compréhension du patient.

Le consentement est-il réellement libre lorsque le patient, sous l’emprise de la blouse blanche, est sidéré par l’annonce d’un diagnostic alarmant et d’une thérapie non moins inquiétante ? L’information donnée au patient doit être claire, or le jargon médical est-il intelligible par un individu n’ayant aucune connaissance médicale ? Toutefois, quelques médecins font preuve de pédagogie du fait d’un talent naturel que la majorité ne possède pas. Par ailleurs, le paternalisme résiduel des sachants profite-t-il au malade ? Infantilisé, abruti par un langage abscons, menacé en cas de rébellion, le patient choqué se soumet ; le consentement libre et éclairé devient une notion diantrement obscure.

Le consentement promu par le droit de la santé s’avère être un leurre. À défaut de responsabiliser le patient, il promet une décharge de responsabilité professionnelle. « Étant informé des risques inhérents à l’acte médical et ayant donné son consentement, il (le patient) n’est alors plus fondé à demander la réparation de l’aléa thérapeutique effectivement survenu ». Avec l’arrivée du consentement dans le droit de la santé et l’émergence des protocoles de soin, la relation de confiance entre le médecin et son patient fut balayée et remplacée par une relation de soin. Or, nous savons combien la confiance induit un effet placebo essentiel dans le processus de guérison. La relation humaine est vilipendée au profit d’une relation contractuelle. Le patient signe au bas d’une page et consent pour le meilleur ou pour le pire.

Ce consentement dit libre et éclairé gangrène notre société. Auscultons ce fameux droit à la sexualité des enfants, très en vogue. Afin de protéger ces jeunes êtres de certaines déviances sexuelles, il devient urgent de leur enseigner le Kamasutra et de les exposer à la pornographie. Ainsi éclairés, ils pourront consentir librement à tout attouchement, léger ou déshonnête, proposé par un adulte, voire un pair.

La philosophe et psychologue clinicienne Ariane Bilheran souligne avec force que « l’enfant est totalement vulnérable face au monde de l’adulte, il n’a pas les ressources intellectuelles, psychiques, émotionnelles, pour faire face à la violence du monde adulte, et n’en connaît pas les codes. […] L’enfant n’est pas en mesure de donner un quelconque consentement. Il est donc toujours sous la contrainte en matière de sexualité, quand bien même il dirait y consentir (sans manipulation de l’adulte), puisqu’il n’a pas accédé à une maturité sexuelle » .

Les enfants, non développés physiquement, psychiquement, biologiquement, sont dans l’incapacité d’apprécier une situation et d’y consentir en raison de leur immaturité. Le consentement implique une responsabilité et un engagement ; or l’enfant n’est pas en mesure d’assumer une telle charge, c’est pourquoi son statut de « citoyen en devenir » ne lui donne pas les mêmes droits qu’un adulte. À nouveau, le consentement se révèle un leurre permettant à de sombres individus d’exercer leur pouvoir en toute impunité sur des êtres candides, influençables, prêts à se soumettre.

Avec l’endiguement de toutes formes de spiritualité et la perte de la foi, l’homme est devenu peureux ; peur de vivre, peur de mourir. L’État, le bon parent attentif, lui promet un puissant remède : le « droit à mourir dans la dignité ». Un droit illusoire. La mort, tout comme la conception ou la naissance, est inhérente à l’existence. Elle est un passage empreint de dignité. Elle est une simple réalité humaine qui n’entache pas le respect de soi. L’Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité (ADNM) milite pour « que chacun puisse, à sa stricte demande, bénéficier d’une mort consentie, sereine et digne ».

Peut-on réellement consentir à mourir ? La souffrance n’est-elle pas digne ? Les personnes fragilisées par la maladie, la douleur, un choc traumatique sont malléables. Dans une société pervertie et déspiritualisée, elles deviennent un poids. Les satrapes n’auraient aucune difficulté à les inciter à « consentir à mourir » ; un eugénisme qui tairait son nom. Les anciens, les handicapés, les « psychiatriques » retrouveraient leur dignité apparemment perdue en consentant à être suicidés. Et demain, à qui le tour ? Dans un pays fondé sur les valeurs chrétiennes, on marche sur la tête ! Cette atomisation de l’individu au profit du collectif est ignoble et scandaleuse.

Lorsque les mots sont vidés de leur sens et dévoyés, l’infamie gagne. L’individu contraint et dépossédé de son identité se fond dans une masse soumise à l’idéologie perverse d’un pouvoir tout-puissant et délirant. La lecture reste un indéniable rempart à cette déliquescence. Evgueni Zamiatine, George Orwell, Aldous Huxley, Fiodor Dostoïevski, Ray Bradbury, Hannah Arendt et bien d’autres ont été des témoins précieux ; ils ont su nous léguer leur connaissance, leur sagesse, leur clarté d’esprit pour nous permettre de nous extraire de cette masse et prendre de la hauteur.

« J’ai écrit pour ceux qui ne savent pas seulement marcher, défiler au pas cadencé – mais qui ont des ailes pour voler. » Evgueni Zamiatine, préface du roman Nous, décembre 1922.

Mise en pratique

- Le 17 mai 2025, les députés ont approuvé la création d’un « droit à l’aide à mourir », une euthanasie qui tait son nom. Ainsi le patient d’infortune pourra se suicider avec la bénédiction de la société en s’administrant lui-même la substance létale, sauf cas de force majeure. Le 24 mai, un amendement relatif à l’article 17 a été adopté par 79 députés - 120 votants sur les 577 censés nous représenter. Nous savons que l’hémicycle est déserté depuis belle lurette, la forfaiture peut donc s’organiser diligemment.

Quelle est la teneur de cet amendement ? Ce texte propose de punir « de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende le fait d’empêcher ou de tenter d’empêcher de pratiquer ou de s’informer sur l’aide à mourir par tout moyen, y compris par voie électronique ou en ligne, notamment par la diffusion ou la transmission d’allégations ou d’indications de nature à induire intentionnellement en erreur, dans un but dissuasif, sur les caractéristiques ou les conséquences médicales de l’aide à mourir. » (Art. L. 1115-4. – I.)

Le délit d’entrave sera donc puni d’une peine considérable. À bas la vie, vive la mort ! Le compte-rendu de la séance est abject. Ce sujet grave est bafoué par des joutes verbales où les mauvais jeux de mots, les gausseries et les railleries feraient pâlir n’importe quel individu pourvu d’un sens moral. Mais « le droit n’est pas la morale ! » clame la députée Marie Récalde.

Revenons au consentement du patient en proie aux pires tourments. Fragilisé par la douleur, le handicap (physique ou mental) ou le défaut de soin, l’offre miséricordieuse de soulagement absolu et inamissible permettra-t-elle au patient de consentir de façon libre et éclairée à cette mort providentielle ? Si cette proposition doucereuse est départie de toute possibilité de prise en charge en soins palliatifs  – trop onéreuse pour la société – le patient n’aura plus d’échappatoire et consentira par désespérance et « devoir » social. Et puisque personne ne pourra s’opposer à ce « consentement » en raison du délit d’entrave, la « victime »  se suicidera et libérera - ô joie ! - un lit ... rentable.

La démocratie française est devenue une farce ; une farce quotidienne qui garnie piquamment l’ignominie devenue normalité. Le 27 mai 2025, le texte est voté en première lecture ; un texte flou, sujet à interprétations et à extensions comme déjà vu à l’étranger ; 305 députés ont décidé que la mort prévaut sur la vie et les soins.

- Le 14 octobre 2025, le projet de loi de financement de la sécurité sociale 2026 est présenté à l’Assemblée nationale. Dans ce texte, l’article 20 prévoit des obligations vaccinales contre la grippe et contre la rougeole. Ces obligations concernent certains professionnels de santé, les « personnels des établissements de santé et des établissements ou services sociaux et médico‑sociaux » et certains publics cibles. Initialement rejeté par l’Assemblée nationale, il a été rétabli par le Sénat le 23 novembre, tout en excluant les résidents des Ehpad de son champ d’application. Avant que le 5 décembre l’Assemblée nationale ne rétablisse et adopte la version initiale, plus étendue donc.

Si ce PLFSS 2026 n’est pas adopté dans un certain laps de temps, l’État prévoit d’utiliser l’article 47-1, un article de la Constitution jamais utilisé depuis sa création en 1996, qui permet de passer outre les chambres en cas de blocage parlementaire. Or, cet article 20 suscite des débats éthiques et scientifiques. D’une part, notons que des obligations vaccinales sont introduites dans une loi de financement. Ceci soulève quelques questions constitutionnelles, non ? Que deviendront les professionnels qui refuseront ces vaccinations ? Seront-ils suspendus, dépourvus de tous droits, comme en 2021 ?

D’autre part, l’article 20 « porte atteinte à l’intégrité physique (Habeas corpus) (article 7 Déclaration des droits de l’homme et du citoyen), à l’intimité de la vie privée (article 2 DDHC ; décision du 23 juillet 99 du Conseil constitutionnel n°99-416 DC) ainsi qu’à la liberté de conscience (article 10 DDHC) », dénonce Debout la France dans une pétition. Cet article pourrait ouvrir la porte à « une vaccination généralisée à tous les publics pour pouvoir accéder aux établissements de santé », craint le mouvement.

Il y a comme un arrière goût de ce que nous avons vécu durant les années Covid. Une fois de plus, le « consentement libre et éclairé » est bafoué. Le processus législatif étant en cours, nous n’avons plus qu’à attendre de savoir à quelle sauce nous serons mangés...

Pour approfondir

Le texte adopté de la proposition de loi « relative au droit à l’aide à mourir » : à lire ici.

Lectures recommandées

- Ariane Bilheran, Psychopathologie du totalitarisme, Guy Tredaniel, 2023.

- Proposition de loi – Droit à mourir dans la dignité

Le consentement médical en droit français par Claudine Bergoignan-Esper

1

Le CPF remplace le DIF (Droit individuel à la formation) depuis 2014.

2

Patrick McGoohan interprète Numéro 6, dans la série britannique Le Prisonnier (1967).

3

Evgueni Zamiatine, Nous (ou Nous autres selon l’éditeur. Titre original : Мы), Actes Sud, 2021.

4

En référence au conte de Charles Perrault, Le petit Poucet.

5

Le petit Larousse illustré, 2013.

6

Ariane Bilheran, L’imposture des droits sexuels. Ou la loi du pédophile au service du totalitarisme mondial, Bookelis, 2021 pour la 5e édition.

7

Trois pour cent des patients pris en charge en soins palliatifs veulent mourir ; après une semaine, ils ne sont plus que 0,3% car ils ont été écoutés et entendus dans leurs besoins - source https://x.com/philippejuvin/status/1927426566386057422

8

Lapsus éclairant de Catherine Vautrin - ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles : https://x.com/VictorSinclair3/status/1925517129073205406

Un article invité par
Mathilde Jaffre
Après avoir travaillé dans le cinéma et l’audiovisuel, je me suis dédiée aux soins et à l'écriture, dans une perpétuelle curiosité et une constante quête de sens.

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Directrice de la publication : Patricia Cerinsek

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