Translate

dimanche 19 mars 2017

HISTOIRE et MEMOIRE - La Galerie de l'Histoire - PIERROUNET, LE REBOUTEUX DE L’AUBRAC

HISTOIRE et MEMOIRE

https://www.facebook.com
[La Galerie de l'Histoire] PIERROUNET, LE REBOUTEUX DE L’AUBRAC

   
Christian LE Moulec
19 mars, 22:51
PIERROUNET, LE REBOUTEUX DE L’AUBRAC 


Pierre Brioude (1832-1907), plus connu sous le surnom de Pierrounet, découvre très jeune qu’il possède un don : remettre en place les membres démis ou fracturés des animaux dont il a la charge. Des bêtes, il passera aux hommes et deviendra le plus célèbre rebouteux du Massif Central... 
Né à Nasbinals (Lozère), Pierrounet a sa vie toute tracée : il sera paysan comme ses parents et comme la presque totalité des gens de son village. Dès l’âge de dix ans, il intègre l’été la vie des burons, ces solides bâtisses de granit couvertes de lauzes et perdues au milieu des immensités de l’Aubrac . On y surveille les troupeaux, on y aide les vêlages, et surtout l’on y fabrique le fromage avec le lait trait dans les pâturages d’estive et ramené au buron dans de lourdes gerles (tenaces récipients de grande contenance) en bois. Pierrounet y gagne ses galons de paysan-berger, passant au fil des ans de l’état de roul, chargé des tâches subalternes, à celui de cantalès, le plus noble, à la fois patron du buron et maître-fromager. Il atteint là le sommet de la hiérarchie ad hoc ! Entretemps, l’adolescent est successivement devenu bédelier, autrement dit chargé des veaux, puis pastre, soit gardien du troupeau et responsable de l’élaboration de la tomme. 
C’est là, dans ces rudes tâches de buronnier, qu’il découvre très vite le don qui va lui assurer une incroyable notoriété : remettre sur pattes les animaux blessés ! Et ça marche, sur veaux, vaches, bœufs, moutons, poulains, etc. Il n’a alors que 17 ans. 
Des bêtes aux hommes, il n’y a qu’un pas, dit-on. Il le franchit, réduit les entorses, luxations, entorses, et tout et tout, dont sont victimes les gens du canton. Les médecins sont rares sur le plateau. Ils coûtent chers et sont souvent impuissants. Du coup, la réputation de Pierrounet s'étend bien au-delà du canton de Nasbinals, de l’Aubrac, de la Lozère et même de la France entière ! 
Brioude n’exige rien en échange de ses services. Pourtant, les dons affluent. En 1858, Pierrounet laisse tomber l’état de cantalés pour devenir cantonnier ; ce qui lui laisse plus de temps pour s’occuper de ses patients. Il intervient partout où cela est nécessaire, aussi bien dans les salles d’auberge qu’au cœur des monts d’Aubrac. 
Passent les années et grandit la réputation du rhabilleur, comme on dit céans. On vient même du Canada et des Etats-Unis. Il faut loger tous ces gens. Ainsi, grâce à Brioude, trois hôtels sont construits à Nasbinals. De plus, un service de voiturage à cheval est mis en place pour relier la gare d’Aumont à Nasbinals. 
Il lui faut de l’aide pour réduire certaines luxations et fractures. Pas de problème, des assistants, dont sa fille aîné qui le suivra jusqu’à sa mort, viennent à la rescousse. Mais les médecins du cru ne sont pas contents du tout. Aussi, le tribunal de Marvejols le condamne-t-il pour « exercice illégal de la médecine ». La condamnation demeure cependant sans effet. La population est entièrement acquise à Pierrounet. En outre, ce dernier s’estime investi d’une mission quasiment sacrée ; un don du Ciel reçu alors qu’enfant il avait réparé une croix hosannière (monument constitué d’un soubassement en pierre sur lequel est une colonne surmontée d’une croix et qui surmonte généralement une fosse commune ou un ossuaire) cassée par des bergers en goguette. 
Une anecdote a la peau dure aujourd’hui encore en Aubrac. Brioude, un beau jour, est convoqué par les doctes professeurs de la Faculté de Médecine de Montpellier. Sachant que ces prestigieux personnages allaient l’abreuver de savantes questions aux fins de le ridiculiser, il prit les devants. Il sort de sa blouse un agneau dont il luxe les membres. Le pauvre animal git sur le sol, incapable du moindre mouvement. Pierrounet met l’assemblée au défi de remettre l’agneau sur pattes. Drapées dans leur certitude, les éminences crient de concert « impossible » ! Pierrounet saisit la bête et, après quelques manipulations, voilà notre agneau qui tout joyeux gambade dans l’amphithéâtre… 
Mais tout a une fin. Brioude meurt le 8 mars 1907. Dans tout Nasbinals et le canton, on dit " De que faroù lou monde, aro que Pierrounet est mort ?" Que feront les gens, maintenant que Pierrounet est mort ? 
Pierre Brioude est toujours présent dans la mémoire des habitants de Nasbinals, sous la forme d’un buste de bronze posé sur un socle de granit où figurent symboliquement des béquilles. Cette œuvre du sculpteur Joseph Malet montre, dans ce pays âpre et sévère où chaque sou est durement gagné, à quel point Pierrounet, enfant du pays, est tenu en haute estime ! 
Ci-dessous : 
Une gerle. 
Nasbinals. 
Un buron d’Aubrac. 
Statue de Pierre Brioude à Nasbinals. 
Carte de Lozère.

     

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire