Il y aurait donc eu une forme d’hallucination collective. Depuis trois jours, la presse et les réseaux sociaux relaient en boucle l’histoire de ces deux familles agressées à Toulon parce que les deux femmes«portaient des shorts». Ce que certains ont rapidement lié à une expression de l’islam radical, ne tolérant pas des femmes court vêtues… Sauf qu’on apprend ce vendredi matin dans Nice Matin que de shorts… il n’y avait pas.
Plus encore : la tenue, à en croire une des femmes présentes, «n’était pas en cause». «Nous n’étions pas en short. Nous étions en tenue de sport. Un premier jeune nous a mal parlé et puis les choses ont rapidement dégénéré alors que nous étions en famille et avec nos enfants …» L’article assure que les intéressés ont été surpris de la médiatisation de l’affaire. De fait, selon les informations de Libé, les deux femmes étaient en legging...
Mais d’où sort donc ce short ? 
C’est cet article de Var Matin, daté de mardi soir, qui l’évoque en premier : 
Une invention (Var Matin parle d'une erreur consécutive à un échange entre la police et un journaliste) qui a été reprise illico par la presse locale puis nationale.
En revanche, nul short dans les déclarations du procureur de Toulon, Bernard Marchal, qui a évoqué l’affaire mercredi : «Ce qui a déclenché l’affrontement, a-t-il expliqué au micro de France Bleu Provence, c’est la tenue vestimentaire, qui n’avait rien d’extraordinaire, des femmes ; un prétexte pour les insulter et provoquer l’incident. Les conséquences sont préoccupantes : un homme a été roué de coups, un autre a eu 30 jours d’interruption de travail.»

A l’AFP, le même procureur a parlé d’une «provocation à caractère sexuel pour provoquer la réaction des hommes» : «Une dizaine de jeunes ont crié "pute" et "vas-y, mets-toi toute nue". Les conjoints leur ont demandé de respecter leurs femmes et cela a provoqué une rixe. Les trois hommes ont été frappés violemment au visage sous les yeux des enfants, les femmes ont été légèrement bousculées.»
Mais surtout, que la tenue des femmes soit un short ou pas, à aucun moment le procureur n’a évoqué de motivations religieuses. Mercredi, France 3 Provence expliquait d'ailleurs : «La cause de ces faits est-elle religieuse ? Ou est-ce des propos sexistes ? L’enquête ne peut pas encore le déterminer.»
Peu importe pour le FN, la fachosphère, ou d’autres commentateurs trop pressés comme Philippe Bilger, qui ont immédiatement embrayé en décrétant une motivation religieuse et en parlant de police islamiste, de charia ou de rigorisme haineux…
Il semble donc, si l’on se fie au témoignage de ce matin, qu’il n’en soit rien. Puisqu’il n’y a pas de short, selon une des principales intéressées, et surtout parce qu’aux dires de la victime, la tenue «n’était pas en cause». Ce qui n’enlève aucune gravité à l’agression, d’une grande violence. Mais ce qui en dit long sur les obsessions du moment. 
Et en matière d'obsession menant à la désinformation, difficile de ne pas attribuer la palme à cette tribune de Lydia Guirous (LR) dansValeurs Actuelles :
Voici les premières lignes, qui contiennent à peu près autant de contre-vérités que de phrases : «Agressée à Genevilliers parce qu’elle portait une jupe, agressée à Reims parce qu’elle bronzait dans un parc public en maillot de bain, agressée en Charente-Maritime parce qu’elle bronzait sein nus, agressées à Toulon parce qu’elles faisaient du roller en short avec leur famille. Fallait-il que ces femmes portent djellaba et voile pour être respectées ? Y-aurait-il désormais un code vestimentaire à respecter dans certains quartiers de France ? Hier les femmes jeunes et moins jeunes subissaient les insultes et le harcèlement de rue. Aujourd’hui la haine de la femme libre a atteint une nouvelle étape, la violence physique en réunion, souvent devant leurs enfants et leur mari, passés à tabac également par ces barbares islamistes.»
A Reims, le parquet a insisté pour dire qu'il n'y avait aucun motif religieux. Pour l'agression en Charente Maritime, la Charente Libre a dû préciser dans une note que «l’agression n’a aucune connotation religieuse». Et pour ce qui est de Toulon, la piste religieuse ne semble donc guère plus étayée. 
Cédric Mathiot