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mardi 11 décembre 2018

Une élue LRM fait entrer l’homoparentalité à l’Assemblée nationale - le 9.11.2018


Une élue LRM fait entrer l’homoparentalité à l’Assemblée nationale
Laurence Vanceunebrock-Mialon, à Montluçon (Allier), le 26 octobre. PASCAL AIMAR POUR « LE MONDE »
Laurence Vanceunebrock-Mialon, députée et mère de deux enfants nés par PMA, a participé aux travaux préparatoires avant la future loi sur la bioéthique
PORTRAIT
La dernière fois que Laurence Vanceunebrock-Mialon s’est sentie une mère de seconde zone ? Elle réfléchit un court instant. « L’an dernier, je partais au Portugal avec ma femme et ma cadette, issue d’une précédente union. A l’aéroport, on m’a demandé une autorisation de sortie de territoire signée de mon ex-compagne, parce que rien n’indique que je suis la mère de ma fille », raconte la députée (La République en marche) de l’Allier. A 48 ans, c’est la deuxième femme siégeant dans l’Hémicycle à assumer publiquement son homosexualité. « Sans ce papier, je n’avais pas le droit de partir en vacances avec elle. »
En France, depuis 2013 et la loi sur le mariage pour tous, l’épouse de la mère biologique, la « mère sociale », peut désormais adopter l’enfant qu’elle n’a pas porté et établir ainsi une filiation. Mais les couples homosexuels qui ne sont pas mariés n’ont pas cette possibilité. Laurence Vanceunebrock-Mialon, séparée depuis 2007, a eu deux filles avec son ancienne compagne. Les deux femmes en ont porté chacun une. « Mon ex et moi n’avons donc aucun droit sur l’une des deux », résume-t-elle.
« Nous sommes un peu des sous-citoyens, mais je compte bien y remédier », dit tranquillement celle dont les proches soulignent à l’unisson la détermination pour défendre ses idées. Son combat du moment tient en trois lettres : PMA, pour procréation médicalement assistée. La possibilité pour toutes les femmes d’y accéder, y compris les homosexuelles et les femmes seules qui en sont aujourd’hui exclues, est l’une des promesses de campagne d’Emmanuel Macron. Elle sera discutée dans la future loi sur la bioéthique, selon toute vraisemblance à l’agenda parlementaire en 2019.
Pour Laurence Vanceunebrock-Mialon, qui appartient à cette vague de nouveaux députés élus en 2017, s’engager dans le travail autour de ce texte était une évidence. A l’été 2018, elle a rejoint la mission d’information parlementaire sur la révision de la loi relative à la bioéthique qui vient tout juste d’achever ses travaux. « Si elle ne s’engage pas là-dessus, alors qu’elle connaît toutes les difficultés des familles homoparentales, qui le fera ?, interroge sa femme, Audrey, qu’elle a épousée en 2014. Et pourtant, on n’a pas de drapeau arc-en-ciel à la maison, on est strictement banales. Mais toute notre vie est marquée par l’homophobie, alors s’il faut devenir un porte-drapeau bien qu’elle soit plutôt d’un naturel assez discret, pourquoi pas », souligne-t-elle dans un rire.
Et s’il y a des coups à prendre au passage, Laurence Vanceunebrock-Mialon, qui pratiqua longtemps le rugby à un haut niveau, « n’a pas peur ». Fonctionnaire de police pendant plus de vingt-cinq ans avant de devenir députée, cette native du Pas-de-Calais en a vu d’autres.
Après avoir fait ses armes pendant huit années « très formatrices » au sein de la brigade anticriminalité (BAC) de Bobigny, elle est mutée à Lille, où elle passera les années les plus passionnantes de sa carrière. Mais aussi les quinze jours les plus difficiles. « Quand j’ai réussi à intégrer la BAC de Lille, j’étais la première femme. Au début, personne ne me parlait. Il y avait une atmosphère très virile, je ne me sentais pas du tout à ma place. » Puis, à la faveur d’une interpellation sur une importante affaire de délinquance, « mes collègues se sont rendu compte que j’étais présente, que j’assurais, y compris sur le plan physique ». Elle passe alors, comme elle le dit en souriant, « du statut de paria à celui de mascotte ».

Prendre les devants

C’est pendant sa période lilloise que Laurence Vanceunebrock décide avec sa compagne d’alors d’avoir leur première fille, qu’elle portera. Elle naît en 2000, après trois tentatives de PMA en Belgique. Ses proches connaissent sa situation de famille, mais pas ses collègues d’alors. « Etre une femme, c’était déjà quelque chose, alors lesbienne », laisse-t-elle en suspens. Une de ses meilleures amies depuis plus de vingt ans, également fonctionnaire de police, abonde : « Les choses ont évolué aujourd’hui, mais il y a dix-huit ans, ce n’était pas facile d’afficher son homosexualité dans la police. »
En arrivant quelques années plus tard dans la commune de Bellenaves dans l’Allier, à la faveur d’une opportunité professionnelle de sa conjointe, Laurence Vanceunebrock-Mialon préfère prendre les devants. « Je suis allée voir la directrice d’école pour expliquer la situation, que notre fille avait deux mamans, et tout s’est très bien passé », se souvient-elle. Une deuxième fille, mise au monde cette fois-ci par sa compagne, naît en 2004. Quatorze ans et une séparation plus tard, les parents ont mis en place une garde alternée, et chacune a refait sa vie.
« On parle beaucoup à la maison, y compris de nos particularités, mais les filles le vivent très bien. Elles se fichent complètement de savoir qui est leur géniteur. Ce qui est problématique pour elles, c’est plutôt le regard que pose la société sur leur famille. » En 2013, lors des débats sur le mariage pour tous, l’aînée avait 13 ans. « Elle a été très marquée de voir tant de haine quand on regardait le journal télévisé », regrette la députée, avant d’ajouter, optimiste : « Mais tout ça va changer, et j’espère qu’un jour, je n’entendrai plus parler de ma sexualité, parce que ce sera devenu un non-sujet. »

Bioéthique : la majorité essaie de déminer la contestation en amont
La mission d’information parlementaire s’est achevée mercredi
Une soixantaine d’auditions, plus de cent cinquante intervenants, des heures de débats et un seul incident notable. Voilà pour le compte rendu chiffré de la mission d’information parlementaire sur la révision de la loi relative à la bioéthique qui a achevé, mercredi 7 novembre dans la soirée, son cycle d’auditions. Son rapport, attendu pour fin novembre, proposera une synthèse de ces échanges ainsi que des recommandations pour la prochaine loi.
« On a entendu des points de vue différents, mais presque toujours dans un climat de respect », se félicite le rapporteur de la mission, le député du Rhône (La République en marche, LRM) Jean-Louis Touraine. Et de saluer la qualité des témoignages entendus, qu’il s’agisse « des enfants nés de la procréation médicalement assistée [PMA], ou ceux des femmes qui se sont rendues à l’étranger pour faire congeler leurs ovocytes dans l’optique d’une procréation future », une pratique très encadrée en France par l’actuelle loi bioéthique et proposée seulement pour des raisons médicales, ce qui pourrait évoluer.
Pendant plusieurs semaines, des scientifiques, des médecins, les représentants de nombreuses associations et lobbys se sont succédé dans les salles de l’Assemblée pour exposer à la vingtaine de députés composant la mission parlementaire l’état des recherches ou des avis sur des sujets aussi complexes que l’intelligence artificielle, la génétique, la recherche sur les cellules souches ou les neurosciences. Et tout cela « dans un climat d’une extrême courtoisie » donc, dixit M. Touraine.

Eviter les débats enflammés

Seule exception à la règle, le 24 octobre, lors de la prise de parole de la présidente de La Manif pour tous, Ludovine de La Rochère, qui milite contre l’extension de la PMA aux femmes seules et aux couples de lesbiennes. Opposé à sa venue, le député Guillaume Chiche (LRM) l’a accusée de « véhiculer la haine crasse qu’est l’homophobie », mettant en cause la responsabilité de son mouvement dans les récentes agressions homophobes. « Amalgames », a balayé la militante, en réclamant « le report de toute initiative législative, pour permettre de poursuivre les débats dans la plus grande sérénité ».
Bien qu’elle fût isolée, la passe d’armes prouve que, sur la généralisation de la PMA à toutes les femmes, les positions demeurent irréconciliables, et ce, malgré le feu vert donné ces derniers mois par la plupart des instances (Conseil d’Etat, Conseil national d’éthique, Défenseur des droits). Il ne fait plus de doute désormais qu’elle figurera dans le projet de loi, n’en déplaise à ses opposants.
Soucieux d’éviter à tout prix les débats enflammés comme ceux qui avaient accompagné l’examen de la loi sur le mariage pour tous lors du quinquennat précédent, l’exécutif a décidé récemment de mettre en place un nouveau groupe de travail, composé de députés et de sénateurs, chargé de préparer le travail parlementaire et d’aplanir les sujets de discorde. Cette instance à la forme inédite commencera ses travaux dans les semaines qui viennent, après la remise du rapport de la mission parlementaire, repoussant de fait la date de présentation du projet de loi en conseil des ministres. Annoncée jusqu’à présent avant la fin de l’année, elle n’interviendra très certainement pas avant début 2019.

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