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vendredi 7 décembre 2018

Quand la guerre s’abat sur une famille de Gaza _ le 7.11.2018


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Quand la guerre s’abat sur une famille de Gaza
Le film comporte des séquences d’animation supervisées par le graphiste Simone Massi. STEFANO SAVONA/PICOFILMS
Stefano Savona évoque le drame vécu par le clan Samouni en 2009
SAMOUNI ROAD
En janvier 2009, les survivants de la famille Samouni ont connu une notoriété planétaire. Au début du mois, 29 membres de leur clan avaient été tués par les tirs et les bombardements de l’armée israélienne, entrée dans la bande de Gaza dans le cadre de l’opération « Plomb durci ». Les Samouni ont été interviewés, filmés, puis oubliés.
Documentariste italien, Stefano Savona s’attache à déployer leur histoire au long de ce film complexe, fait d’images tournées à Gaza un an après l’offensive militaire, de séquences d’animation supervisées par le graphiste Simone Massi et de reconstitutions numériques de l’épisode militaire. Stefano Savona, qui avait gagné Gaza en janvier 2009 pour y tourner sous les bombardements, ne prétend pas à la neutralité. Mais la richesse des moyens qu’il s’est octroyés pour raconter l’histoire des Samouni lui permet de mettre en scène une histoire riche, contradictoire, marquée par la tragédie sans s’y réduire tout à fait.

Gravures oniriques

D’abord parce que cette famille palestinienne a longtemps joui du privilège – si chèrement payé en 2009 – de vivre sur sa terre. Les Samouni sont depuis des générations des paysans, établis à Gaza avant la partition, avant que le territoire n’accueille des centaines de milliers de réfugiés. Ils y avaient des oliveraies, des vergers. Les séquences animées de Simone Massi, gravures oniriques en noir et blanc, évoquent ce lignage paysan, le mélange inextricable des travaux des champs et des rites religieux. Ces images idéales sont à la fois des souvenirs et comme une uchronie agreste imaginant ce qu’aurait été la vie si…
Les séquences réalisées en 2010 ramènent à la réalité d’une terre ravagée, où la reconstruction se heurte aussi bien à l’embargo qui pèse sur la bande de Gaza qu’aux rivalités bureaucratiques entre les instances palestiniennes. La politique, l’histoire et la géographie ne sont pas ici enseignées. Elles surgissent au fil des souvenirs glanés pendant le tournage de 2010. Particulièrement édifiants sont les efforts des différentes factions pour s’approprier la mémoire des victimes, devenues « martyrs » par la grâce de la propagande, et les efforts désordonnés des survivants pour tenter d’y échapper.
Peu à peu se forme une image du clan Samouni. On devine les liens qui s’étaient tissés avec Israël avant la fermeture des frontières de Gaza (un des hommes du clan a tenté d’appeler son ancien patron pour persuader les soldats qu’il n’était pas membre du Hamas), les différends qui divisaient les fratries, on voit la patience d’un couple de fiancés qui arrivent jusqu’au mariage malgré la mort des chefs de leurs deux familles. La figure la plus marquante reste celle de la jeune Amal, laissée pour morte pendant plusieurs heures après un bombardement, blessée à la tête, qui a attendu des heures que les secours parviennent jusqu’à elle. C’est peut-être elle qui fait le mieux le lien, avec la candeur et la colère d’une enfant, entre ce qui a été et le présent.

Caméras thermiques

Stefano Savona n’a pas voulu évoquer les événements de janvier 2009 par le seul truchement des témoignages. L’attaque israélienne sur le quartier où vivaient les Samouni est montrée à travers des images qui ont l’aspect des vues prises par les caméras thermiques embarquées sur des drones en usage chez les militaires.
Ces silhouettes blanches sur fond gris qui s’évanouissent dans une déflagration évoquent l’Irak, l’Afghanistan. Elles sont devenues les emblèmes des conflits high-tech. Mais, ici, elles ne sont que fiction, images numériques qui ressemblent à celles qu’auraient pu prendre des opérateurs israéliens, comme d’innombrables réalisateurs hollywoodiens se sont amusés à le faire. Même s’il s’appuie sur les témoignages des survivants, sur les rapports des organisations humanitaires, le procédé met en danger le film qui, de toute façon, n’avait pas besoin de cette démonstration.
Documentaire italien de Stefano Savona (2 h 08).

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