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mardi 11 décembre 2018

Le plan du gouvernement pour renouer avec les départements - le 9.11.2018

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Le plan du gouvernement pour renouer avec les départements
Les élus jugent que le compte n’y est pas, malgré un soutien affiché de 250 millions d’euros en 2019
Faire la démonstration de l’« esprit girondin » du gouvernement dans l’enceinte de l’ancien Couvent des Jacobins à Rennes. Telle est la gageure que Jacqueline Gourault va devoir tenir au 88e congrès de l’Association des départements de France (ADF), qui se déroule du 7 au 9 novembre au palais des congrès de la capitale d’Ille-et-Vilaine. Alors qu’Emmanuel Macron entend se réconcilier avec les élus locaux, la nouvelle ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales s’est vue confier, le 16 octobre, un énorme portefeuille avec une obligation de résultat.
Mme Gourault a été missionnée pour renouer, en priorité, le dialogue avec les départements après qu’un accord financier avait achoppé en juin entre Matignon et l’ADF. « Le pacte girondin avance au rythme de la cagouille, comme on appelle les escargots dans les Charentes », se désolait, mercredi, Dominique Bussereau, le patron de l’ADF et président de Charente-Maritime.
La sénatrice Gourault, issue du MoDem, a mis toutes les chances de son côté. Elle a négocié avec M. Bussereau un plan qu’elle a, à sa demande, mis noir sur blanc dans une lettre de trois pages, signée le 7 novembre avec Sébastien Lecornu, ministre chargé des collectivités territoriales. « Les propositions ont été discutées depuis plusieurs semaines avec M. Bussereau et confirmées par écrit dans ce courrier », précise-t-elle.

Effort sans précédent

M. Bussereau a soumis cette missive, mercredi, au bureau politique de l’ADF pour qu’il l’avalise. Mais « nous considérons que c’est un acompte, mais que le compte n’y est pas, explique au Monde l’ancien ministre de l’agriculture. Il faut continuer à discuter ». L’ADF devra se prononcer, vendredi, sur le plan par le vote d’une motion.
Si sa lettre n’a pas rassuré le bureau de l’ADF, Mme Gourault garde espoir de convaincre lors de son discours devant le congrès, vendredi, que l’Etat est prêt à un effort sans précédent pour aider les départements. Le plan décrit dans la lettre – à laquelle Le Monde a eu accès – vise à satisfaire la principale demande des départements qui réclament une compensation financière de l’Etat pour combler la hausse des dépenses qu’ils consacrent aux bénéficiaires du Revenu de solidarité active, aux personnes âgées qui perçoivent l’Allocation personnalisée d’autonomie ou aux allocataires de la Prestation de compensation du handicap.
Sur 18,6 milliards d’euros consacrés à ces trois allocations, l’ADF estime à 9,3 milliards d’euros le montant des dépenses qui restent à la charge des départements, soit plus de 15 % de leur budget de fonctionnement. Dans leur lettre, Mme Gourault et M. Lecornu proposent 115 millions d’euros pour 2019. La somme a été inscrite ans le projet de loi de finances rectificative pour 2018, adopté en conseil des ministres mercredi. « Ce fonds de stabilisation sera mis en œuvre pendant trois ans », promettent les deux ministres. « Alors que les gouvernements précédents avaient alloué une somme pour un an, le fonds est reconductible », fait valoir l’entourage de Mme Gourault.
Le duo ministériel s’engage également à abonder cette somme d’un fonds de « 135 millions d’euros en 2019, 177 millions en 2020 et 208 millions en 2021 » pour financer le « plan de lutte contre la pauvreté et d’accès à l’emploi », dont la création a été annoncée le 13 septembre par M. Macron. « Ces financements seront apportés aux départements volontaires afin d’accompagner la dynamique de leurs dépenses en matière d’accompagnement social », indique le courrier. Au total, « c’est un nouveau soutien financier direct de 250 millions d’euros dès 2019 avec une montée en charge jusqu’à 323 millions d’euros en 2021 que le gouvernement entend mobiliser », poursuivent les ministres signataires.
Le deuxième volet du plan prévu concerne le financement de l’accueil des mineurs non accompagnés (MNA) étrangers dont la prise en charge incombe aux départements. « Ils devraient être 40 000 fin 2018, contre 25 000 en 2017 »,rappelle M. Bussereau. Outre une aide de 141 millions d’euros pour les MNA dans le projet de loi de finances pour 2019, MmeGourault et M. Lecornu s’engagent à accorder l’aide forfaitaire de 6 000 euros de l’Etat à une proportion plus grande de mineurs isolés. Il abondera cette politique par une enveloppe de 35 millions d’euros supplémentaires en 2019.
Mais la lettre rappelle aussi que les départements se sont engagés par la voix de l’ADF, à mettre eux-mêmes la main à la poche. Au printemps, l’idée de créer un fonds de solidarité entre départements riches et pauvres a été validée par l’ADF. « Dans une logique de parité [avec l’effort de l’Etat] cette péréquation pourra s’établir à 250 millions d’euros par an », écrivent Mme Gourault et M. Lecornu. Cette entraide devrait bénéficier à « une bonne quarantaine de départements en grande difficulté », affirme au Monde la ministre.
C’est sur ce mécanisme de solidarité que l’accord entre le gouvernement et l’ADF achoppe. Les départements riches ne souhaitent pas cotiser pour les plus pauvres sans avoir obtenu ce que M. Bussereau appelle un « zakouski fiscal ». L’exécutif a jusqu’ici fait la sourde oreille aux doléances fiscales de l’ADF. « Les recettes des droits de mutation perçues par les départements connaissent une très forte dynamique », fait valoir Mme Gourault. Les droits de mutation à titre onéreux (versés aux notaires en cas de transaction immobilière) « représentent une manne de 11,6 milliards en 2017 contre 7,3 milliards en 2013. Ils devraient avoir augmenté de 3 % fin 2018 », calcule son entourage. Une cagnotte qui permet des transferts redistributifs entre départements, sans nécessiter un coup de pouce fiscal, estime Matignon et l’Elysée.
A ce stade, le gouvernement ne prévoit pas de consentir quelque avancée supplémentaire. Mais Mme Gourault reconnaît qu’« on ne peut réparer en une fois la dégradation de la situation des départements qui s’est aggravée en une dizaine d’années. Notre plan prévoit donc des clauses de revoyure ». « Nous ne nous contenterons pas de mots d’amour. Nous voulons des preuves d’amour », prévenait ces derniers jours, M. Busserau. En maintenant la pression, le patron de l’ADF entend conjurer les divisions au sein de son association entre partisans et opposants à un accord avec le gouvernement. « Il faut se méfier des congrès qui se tiennent à Rennes ! », glisse le patron de Charente-Maritime, qui garde le souvenir politique des déchirements fratricides du PS, en 1990, dans la cité bretonne.

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