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mardi 11 décembre 2018

Hommage à Francis Lai le 9.11.2018

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Francis Lai
En 1981. RALPH GATTI/AFP
Compositeur
Il était un des plus mémorables mélodistes français ayant œuvré pour le cinéma. Quelques-uns de ses thèmes ont fait le tour du monde, à commencer par celui de Love Story qui lui valut un Oscar en 1971. Auteur de la musique d’Un homme et une femme, de l’air primesautier de La Bicyclette, deux friandises concoctées avec son ami parolier Pierre Barouh (1934-2016), Francis Lai est mort, mercredi 7 novembre, à Paris, à l’âge de 86 ans.
Connu pour son association au long cours avec le cinéaste Claude Lelouch, il laisse une bonne centaine de partitions de films. Francis Lai avait aussi mis sa sensibilité au service de la chanson, travaillant pour Edith Piaf dès 1960 avec L’Homme de Berlin. D’une grande discrétion, ce compositeur nocturne excellait dans l’art le plus difficile : la simplicité.
Fils d’horticulteurs d’origine italienne, Francis Lai est né le 26 avril 1932 à Nice. L’autodidacte fait d’abord ses gammes à l’accordéon, écumant dès ses 16 ans les bals populaires de la côte. Il tente ensuite sa chance à Paris, à La Taverne d’Attiloplace du Tertre, où il rencontre le collaborateur de ses premières chansons, le poète Bernard Dimey, avant de devenir accordéoniste de Piaf – par la suite, ses deux interprètes féminines d’élection seront Nicole Croisille et Mireille Mathieu.

Compagnonnage avec Lelouch

C’est grâce à Pierre Barouh que Lai rencontre Claude Lelouch en 1965. Sa première bande originale pour un long-métrage sera un coup de maître avec cet éternel chabadabada (en fait dabadabada), entêtant, et pour cause : la même note, chantée par Barouh et Nicole Croisille, est répétée dix fois. Le film, qui remporte la Palme d’or du Festival de Cannes en 1966, le Golden Globe et l’Oscar du meilleur film étranger, marque le début d’un compagnonnage avec Lelouch reposant sur une méthode originale : la musique est composée en amont du tournage et utilisée sur le plateau.
Parmi la trentaine de films qui les associeront, Vivre pour vivre (1967), Un homme qui me plaît (1969, avec un élégiaque Concerto pour la fin d’un amour), L’aventure c’est l’aventure(1972, dont Johnny Hallyday interprète la chanson-titre), Le Bon et les Méchants (1976) ou Les Uns et les Autres (1981), collaboration entre Lai et celui auquel on le rapproche, pour leur supposée « légèreté », Michel Legrand.
Auparavant, une musique de Francis Lai s’est immiscée partout, hôtels internationaux, aéroports, attentes téléphoniques… Ali McGraw et Ryan O’Neal auraient-ils fait verser tant de larmes sans le thème ultraromantique de Love Story, le mélo d’Arthur Hiller, thème dont s’empare aussitôt l’internationale du easy listening, d’Andy Williams à Richard Clayderman, en passant par Henry Mancini et Engelbert Humperdinck ? Et dire que Lai, au départ, avait refusé la proposition… Il devient le deuxième Français, après Maurice Jarre, à décrocher l’Oscar récompensant une partition originale.
Vénéré par les mélomanes allemands et nippons (la chanson Bonsoir tristesse, interprétée par la Québécoise Nicole Martin, triomphe au Yamaha Music Festival de Tokyo en 1977), Lai a encore longtemps titillé les tympans des téléspectateurs français, sans que ceux-ci n’en aient forcément conscience. C’est à lui que l’on doit les premiers génériques de la troisième chaîne de l’ORTF, née en 1972. Ses Etoiles du cinéma seront déclinées à l’envi, notamment dans la splendide – mais trop courte – version violoncelle-guitare pour le « Cinéma de minuit ».
A l’inverse d’un Maurice Jarre, le compositeur n’aura pas fait carrière à Hollywood, pour ne pas s’y être installé et avoir refusé le contrat d’exclusivité que lui offrait Universal. C’est à un film français qu’il devra son plus grand succès commercial (7 millions d’albums vendus) en 1977, avec les effeuillages synthétiques accompagnant Bilitis, la niaiserie saphique de David Hamilton.
On peut leur préférer, dans Francis Lai Anthology (Play Time/FGL Productions), coffret paru en 2016, les audaces organiques de La Course du lièvre à travers les champs (1972) ou le majestueux adagio de La Baby Sitter (1975), deux films de René Clément. Cité dans le livret, Henri Verneuil rendait au musicien le plus beau des hommages : « A mes yeux, Francis Lai est l’aristocrate de la mélodie. Longtemps après avoir oublié l’histoire, on se souvient encore de sa musique, ce qui est terriblement agaçant pour un metteur en scène ! »

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