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vendredi 7 décembre 2018

ECONOMIE - Depuis 1980,les salaires baissent alors que la productivité augmente .....






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Un commentaire pertinent que je partage(BV)
<<Bon on regarde un graphique comme ça et de deux choses l'une soit on vit sur la lune comme nos dirigeants et on se dit "c'est bon ça va tenir". Soit on est une personne normale et rationnelle et on se dit "tiens ! je pense qu'à un moment les gens vont s'énerver". Voilà c'était mon message de soutient aux gilets jaunes en quelque sorte.>>




Un graphique équivalent pour les états unis publié sur marianne :
L’image contient peut-être : texte




https://blogs.alternatives-economiques.fr/anota

Productivité et salaires : un lien rompu


Il n’y a peut-être pas de lois en économie. En tout cas, le premier fait stylisé de Kaldor n’en est pas une : les parts du revenu national rémunérant les facteurs de production ne sont définitivement pas constantes à long terme. En effet, ces dernières décennies ont été marquées par une déformation de la valeur ajoutée au détriment du travail, aussi bien dans les pays développés que dans des pays en développement [Karabarbounis et Neiman, 2014]. Cette tendance est apparue au début des années quatre-vingt, voire à la fin des années soixante-dix ; elle pourrait s’être accélérée dans les années deux mille (cf. graphique 1). Si la constance du partage de la valeur ajoutée suggère que le revenu du travail augmentait globalement au même rythme que la productivité il y a un demi-siècle, ce n'est plus le cas aujourd'hui.
GRAPHIQUE 1  Part des salaires dans le PIB (en %)
Part des salaires dans le PIB (en %)

Aux Etats-Unis, la divergence entre l’évolution de la productivité du travail et celle de la rémunération du travail a commencé en 1973 [Bivens et Mishel, 2015]. A partir de cette année, la productivité a continué de croître rapidement, tandis que la croissance de la rémunération moyenne a fortement ralenti : entre 1973 et 2016, la productivité horaire du travail a augmenté de 75 %, mais la rémunération horaire médiane n’a augmenté que de 11 %. A partir de 2000, la rémunération moyenne a également décroché par rapport à la productivité (cf. graphique 2). Pour The Economist (2013), « à moins que vous soyez riche, la croissance du PIB n’augmentera désormais plus beaucoup votre revenu ».
GRAPHIQUE 2  Productivité du travail, rémunération moyenne et rémunération d’un salarié d’exécution aux Etats-Unis (en indices, base 100 en 1948)
Productivité du travail et rémunération du travail aux Etats-Unis

Anne Stansbury et Larry Summers (2017) estiment qu’entre 1973 et 2016 une hausse d’un point de pourcentage de la croissance de la productivité a été associée à une hausse de 0,7 à 1 point de pourcentage de la croissance des rémunérations moyenne et médiane du travail et à une hausse comprise entre 0,4 et 0,7 points de pourcentage de la rémunération moyenne des salariés d’exécution. Il y a donc bel et bien un lien puissant entre la productivité et la rémunération médiane, mais aussi entre la productivité et la rémunération des salariés d'exécution. Stansbury et Summers en concluent que la croissance de la productivité agit effectivement en poussant la rémunération du travail à la hausse, mais que d’autres facteurs ont contrecarré cet effet en poussant la rémunération des travailleurs à la baisse.
Le décrochage des salaires vis-à-vis de la productivité n’est pas propre aux Etats-Unis. Paolo Pasimeni (2018) a étudié un échantillon de 34 pays développés, en l’occurrence les 28 pays-membres de l’Union européenne et d’autres pays comme les Etats-Unis, le Japon, le Canada, la Norvège, l’Islande et la Suisse. Il met également en évidence un lien significatif entre la croissance de la productivité et la croissance de la rémunération. Pour autant, il constate également que la seconde n’augmente pas autant que la première et que l’écart entre les deux s’avère significatif.
Beaucoup d’analyses orthodoxes, notamment celles du FMI, suggèrent que le progrès technique est le principal coupable derrière la hausse des inégalités interpersonnelles de revenu (notamment l'accroissement de la part du revenu national que détiennent les plus riches) et derrière la baisse de la part du revenu national rémunérant le travail (cette déformation contribuant d’ailleurs aux inégalités, dans la mesure où les capitalistes sont en moyenne plus riches que les travailleurs). Mais selon Stansbury et Summers, les preuves empiriques amènent à douter que le progrès technique soit le principal coupable, tout du moins aux Etats-Unis. Si c’était le cas, les périodes de progrès technique rapide, c’est-à-dire de forte croissance de la productivité, seraient celles où les inégalités tendraient le plus à augmenter. Or, ce n’est pas le cas. Leurs régressions ne mettent en évidence aucune relation significative entre la croissance de la productivité et la variation des inégalités de rémunérations et qu’une faible relation entre la croissance de la productivité et les variations de la part du revenu rémunérant le travail. De plus, les deux périodes de ralentissement de la croissance de la productivité (une première de 1973 à 1996 et une seconde de 2003 à 2014) ont bien été associées à une accélération de la croissance des inégalités, en l’occurrence à une hausse du ratio rémunération moyenne sur rémunération médiane et une chute de la part du travail.
Bref, les données suggèrent que ce sont des facteurs institutionnels ou des facteurs structurels autres que technologiques qui ont joué un rôle déterminant dans le creusement des inégalités de revenu et la déformation du partage de la valeur ajoutée. Il y a divers suspects : la désyndicalisation, les institutions du marché du travail (ou leurs réformes), la mondialisation, l’immigration, l’accentuation des inégalités de patrimoine, la financiarisationl’apparition de firmes « superstars », l’effritement de la concurrence et l’accroissement du pouvoir de marché des entreprises, etc.
La divergence entre salaires et productivité n’est pas seulement importante d’un point de vue purement éthique, social et politique ; elle est susceptible d’avoir de profondes répercussions économiques. Une progression moins rapide des salaires relativement à la productivité du travail tend à affaiblir la demande globale, ce qui rend encore plus probable le scénario de stagnation séculaire avancé par Larry Summers (2014). C’est ce que Pasimeni tend à confirmer en prenant le solde courant comme indicateur de la demande domestique : une hausse d’un point de pourcentage de l’écart entre productivité et rémunération est associée à une hausse de 0,1 point de pourcentage du solde de compte courant (relativement au PIB).
Au final, il est peut-être opportun d’adopter des politiques visant à soutenir la croissance de la productivité, comme l’appellent des institutions internationales telles que le FMI et l’OCDE. Mais ces diverses études montrent que de telles politiques ne profiteront qu’à bien peu de travailleurs tant que le lien entre productivité et salaires ne sera pas pleinement rétabli.

Références

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