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mardi 11 décembre 2018

Armées : les promesses de l’exécutif déjà écornées - le 9.11.2018


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Armées : les promesses de l’exécutif déjà écornées
La défense doit payer, dès 2018, l’intégralité des surcoûts des opérations extérieures et intérieures
Il y a les engagements présidentiels, et l’exécution budgétaire. Au ministère des armées, les temps n’ont pas tant changé que cela sous la présidence d’Emmanuel Macron, en dépit des promesses d’une sanctuarisation des crédits de la défense nationale. Les armées vont perdre plusieurs centaines de millions d’euros par rapport à la loi de finances initiale votée par le Parlement, selon le projet de loi de finances rectificative pour 2018 présenté au conseil des ministres, mercredi 7 novembre.
En cause, le financement des opérations extérieures et intérieures (« Sentinelle »), dont le coût est pour l’heure estimé à 1,37 milliard d’euros pour 2018, sur un budget militaire de 34,2 milliards. Il devra être entièrement couvert par le ministère alors que la solidarité interministérielle devait jouer cette année pour la moitié de cette somme. Il n’avait été budgété initialement que 650 millions, auxquels ont dû être ajoutés 140 millions de crédits – une première entorse à ce qui était prévu –, soit 790 millions au total. La défense « mobilisera d’autres crédits de la même mission pour financer les opérations extérieures et missions intérieures au-delà des crédits provisionnés dans la loi de finances initiale », indique le document du ministère de l’économie.
Les services de Florence Parly doivent donc trouver 404 millions d’euros supplémentaires pour boucler leur budget. Le député (Les Républicains) François Cornut-Gentille, rapporteur de la commission des finances de l’Assemblée nationale, a dénoncé comme « un coup de poignard aux armées [cette décision] en pleine itinérance mémorielle du président » pour le centenaire de la fin de la guerre de 1914-1918. « Non seulement il va manquer 404 millions de crédits annulés, mais les armées sont privées de la solidarité interministérielle, ce qui revient à les ponctionner doublement à hauteur de 800 millions », indique-t-il.
Comment le ministère va-t-il procéder ? La réserve de précaution, qui devait servir à payer, entre autres, les factures des investissements militaires à hauteur de 319 millions d’euros, va être détournée à cette fin. La direction générale de l’armement devrait donc se trouver en toute fin d’année dans la situation de reporter sur 2019 de nouvelles charges des programmes d’équipements, une mécanique acrobatique car Bercy impose aux ministères de limiter ces « restes à payer ».
Fortuitement, une économie non prévue réalisée sur la masse salariale, qui aurait pu être utilisée à d’autres dépenses, va aussi servir à payer les opérations. Le ministère indique disposer de 155 millions d’euros en raison de départs plus importants que prévus de sous-officiers ayant quitté les rangs – ce qui en soi n’est pas une bonne nouvelle, compte tenu des difficultés de fidélisation des armées.

Budget « plus sincère »

D’ultimes négociations avec Bercy devraient enfin permettre de limiter cette charge non prévue d’ici au 31 décembre, assure le cabinet de la ministre. Des crédits devraient être dégelés dans quelques jours à hauteur de 250 millions d’euros, espère-t-on à l’hôtel de Brienne. Il faudra continuer à se battre, convient l’entourage de Mme Parly. Justifié par la nécessité d’avoir un budget de la défense plus « sincère » que par le passé, quand la défense sous-estimait volontairement sa provision pour les missions extérieures, le plein financement par le ministère des opérations n’était prévu qu’en 2020, dans le cadre de la loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025.
C’est ce sujet des « opex », assorti d’annulations de crédits de dernière minute, qui avait provoqué une grave crise entre les armées l’exécutif en juillet 2017, avant d’entraîner la démission du chef d’état-major Pierre de Villiers. Depuis, la loi de programmation votée prévoit une augmentation des crédits, après deux décennies de baisse, et le président a sommé les généraux de ne plus se préoccuper du budget. « J’ai pris des engagements clairs dès la campagne présidentielle sur ce sujet ; c’est pourquoi ces engagements seront tenus, déclarait Emmanuel Macron pour ses premiers vœux aux armées en janvier 2018. J’ai décidé d’arrêter cette lente érosion de nos capacités militaires et de prendre un engagement fort. »
Le budget 2018 est le dernier avant le démarrage de la LPM, dont la majeure partie de l’effort doit intervenir à l’issue du quinquennat entre 2023 et 2025, et ses fragilités ne viennent pas rassurer acteurs de la défense usés par les batailles budgétaires. « La LPM est une loi d’intention. Tout sera dans l’exécution », avait prévenu lors de l’examen du texte en juin Christian Cambon, le président (LR) de la commission de la défense et des forces armées du Sénat, en lançant à la ministre : « Nous sommes là pour vous aider. » Le 2 novembre, pour l’examen du projet de loi de finances à l’Assemblée, Florence Parly a assuré que le budget 2019, en augmentation de 5 % à 35,9 milliards d’euros, serait « le début du renouveau ». L’Elysée a annoncé qu’Emmanuel Macron se rendrait le 14 novembre sur le porte-avions Charles-de-Gaulle, qui reprend la mer après une longue période de maintenance.

Parly et ses homologues planchent sur « l’initiative d’intervention »
Que veut vraiment le président de la République sur le dossier de la défense européenne ? Emmanuel Macron a jeté le trouble, mardi 6 novembre sur Europe 1, en évoquant « une vraie armée européenne », sans dire un mot de la réunion organisée à Paris le lendemain par sa ministre des armées, Florence Parly, avec neuf de ses homologues sur « l’initiative européenne d’intervention ».
Avec ce concept flou, lancé en septembre 2017 dans son discours de la Sorbonne, le chef de l’Etat avait agacé ses partenaires, pris de court. Le ministère travaille depuis à lui donner corps, tandis que « l’armée européenne », dont la moitié du continent exclusivement tourné vers l’OTAN ne veut pas entendre parler, reste un chiffon rouge. C’est « le plus sûr moyen de rendre encore plus fragile tout progrès d’une politique européenne de défense. Un hors-sujet assez incompréhensible et d’une déconcertante légèreté », a ainsi réagi le député (PPE) Arnaud Danjean, qui avait piloté, en 2017, la révision stratégique de la défense nationale à la demande d’Emmannuel Macron. Le président a voulu user « d’une image forte » pour parler de l’Europe de la défense au plus grand nombre, veut se rassurer le cabinet de Mme Parly.
L’initiative européenne d’intervention « c’est d’abord le pragmatisme », a souligné la ministre des armées mercredi. « Hors de tout cadre institutionnel », selon Paris, il s’agit d’abord de se parler pour construire « une culture stratégique commune ». Sont évoqués des échanges de renseignements sur des « scénarios concrets » de crises, sachant que la planification militaire en commun reste du ressort de l’OTAN. Cela « permettra d’améliorer la capacité à réagir ensemble aux attaques notamment hybrides, de procéder à des retours d’expériences d’opérations passées, de s’interroger sur la lutte contre le terrorisme (…), d’analyser les fragilités stratégiques de certains pays », a précisé la directrice des relations internationales du ministère, Alice Guitton, le 10 octobre, à l’Assemblée.
Cette première rencontre politique devait être déclinée au niveau des chefs d’état-major, jeudi et vendredi au siège des armées à Balard.

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