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vendredi 16 novembre 2018

Indre : la Chanson de Craonne indésirable le 11 Novembre - le 27.10.2018



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Indre : la Chanson de Craonne indésirable le 11 Novembre

Publié le | Mis à jour le 
A quelques jours des commémorations du centenaire de la fin de la Première Guerre mondiale, une étonnante polémique.

A quelques jours des commémorations du centenaire de la fin de la Première Guerre mondiale, une étonnante polémique. 
© (Photo archives NR)


Bruno MASCLE

Journaliste, directeur adjoint de la Nouvelle République de l'Indre

Tournon-Saint-Martin. Des élèves devaient entonner la chanson des mutins de 1917, lors des cérémonies. Le directeur académique s’y oppose.



Adieu la vie, adieu l’amour, adieu toutes les femmes. C’est bien fini, c’est pour toujours, de cette guerre infâme. C’est à Craonne, sur le plateau, qu’on doit laisser sa peau, car nous sommes tous condamnés, nous sommes les sacrifiés. 
Chanson symbole des grandes mutineries du printemps 1917 consécutives aux attaques meurtrières décrétées par l’état-major, La Chanson de Craonne fait désormais partie de notre patrimoine national. A ce titre, elle est notamment chantée, tout comme La Marseillaise, à Tournon-Saint-Martin, lors des cérémonies du 11 Novembre.
“ Une atteinte à la liberté d’expression ”En cette année 2018, qui marque la fin des commémorations de la Première Guerre mondiale, cette chanson faisait à nouveau partie du répertoire. Les adolescents du collège et les enfants de CM2 de l’école primaire la répétaient d’ailleurs depuis plusieurs mois. En seront-ils finalement privés ?
Trompettiste à l’Harmonie municipale de Tournon, Julien Natali est dans tous ses états. « Ma fille, qui est en 4e au collège, est revenue à la maison, voilà quelques jours en me disant qu’ils ne chanteraient finalement pas La Chanson de Craonne, lors de la cérémonie. L’interdiction émanait du directeur académique de l’Éducation nationale (Dasen), Pierre-François Gachet. J’ai réussi à le joindre ; il m’a confirmé son refus. La discussion a été courtoise, mais il s’agissait bien d’une fin de non-recevoir. Il a décidé et c’est ainsi. »

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« Je ne comprends pas », poursuit Julien Natali. « Cette chanson fait partie de l’histoire. Qui ses paroles peuvent-elles embêter, sinon les officiers de l’époque qui sont morts et enterrés depuis bien longtemps ? Pour moi, cette décision constitue tout simplement une atteinte à la liberté d’expression. C’est de la censure pure et simple. »
L’évocation pouvant être choquante pour nos enfants, faudra-t-il aussi interdire aux enseignants d’apprendre à leurs élèves que Jeanne d’Arc a été brûlée vive sur la place du marché, à Rouen ? Pour le maire de Tournon-Saint-Martin, Dominique Hervo, l’histoire est une et indivisible. On ne saucissonne pas : « Notre cérémonie est organisée ainsi depuis trois ans et cela ne choque visiblement personne. Les chansons sont étudiées en classe et font l’objet d’un vrai travail pédagogique. Je tiens enfin à rappeler que la commémoration est organisée hors du temps scolaire. Vraiment, les dirigeants de l’Education nationale n’ont-ils pas d’autres sujets plus importants à traiter, en ce moment ? »
A Tournon, les enfants continueront donc à chanter La Marseillaise et La Chanson de Craonne. Et ils liront des lettres de poilus. « Pour ne pas mettre les enseignants en porte-à-faux, les gamins seront accompagnés par les responsables de l’Harmonie municipale, poursuit le maire. Mais on continue. C’est ferme et définitif. Cela permettra d’organiser une célébration digne de ce nom. »

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La chanson de Craonne


La Chanson de Craonne était entonnée par les soldats français entre 1915 et 1917, et notamment par les mutins de l’armée française, après l’offensive du Chemin des Dames, commandée par le général Nivelle. La diffusion de cette chanson a été interdite en France jusqu’en 1974.
             


http://centenaire.org




La chanson de Craonne témoigne de la lassitude des soldats et d'un mouvement de contestation naissant au sein de l'armée après l'échec et les terribles pertes de l'offensive du Chemin des Dames menée à l'initiative du général Nivelle en avril 1917.
La chanson dite « de Craonne » est popularisée par les combattants au moment des mouvements collectifs de désobéissance du printemps 1917. La Chanson de Craonne est en réalité issue d’un texte antérieur, La Chanson de Lorette, chantée entre septembre 1914 et septembre 1915 à l’occasion des terribles combats de l’Artois et qui reprend l’air de Bonsoir M’amour, succès du café-concert de 1911. Ensuite, la chanson est transformée pour évoquer le plateau de Champagne au cours de l’automne 1915 puis la bataille de Verdun en 1916 (« C’est à Verdun, au fort de Vaux… »). Les paroles les plus connues sont celles publiées par Raymond Lefebvre en 1919 dans La Guerre des soldats puis par Paul Vaillant-Couturier en 1934 dans le journal Commune, avec de légères différences.


La chanson de Craonne


Quand au bout d’huit jours le r’pos terminé
On va reprendre les tranchées,
Notre place est si utile
Que sans nous on prend la pile
Mais c’est bien fini, on en a assez
Personne ne veut plus marcher
Et le coeur bien gros, comm’ dans un sanglot
On dit adieu aux civ’lots
Même sans tambours, même sans trompettes
On s’en va là-haut en baissant la tête

Refrain :
Adieu la vie, adieu l’amour,
Adieu toutes les femmes
C’est bien fini, c’est pour toujours
De cette guerre infâme
C’est à Craonne sur le plateau
Qu’on doit laisser sa peau
Car nous sommes tous condamnés
Nous sommes les sacrifiés

Huit jours de tranchée, huit jours de souffrance
Pourtant on a l’espérance
Que ce soir viendra la r’lève
Que nous attendons sans trêve
Soudain dans la nuit et dans le silence
On voit quelqu’un qui s’avance
C’est un officier de chasseurs à pied
Qui vient pour nous remplacer
Doucement dans l’ombre sous la pluie qui tombe
Les petits chasseurs vont chercher leurs tombes

Refrain
C’est malheureux d’voir sur les grands boulevards
Tous ces gros qui font la foire
Si pour eux la vie est rose
Pour nous c’est pas la même chose
Au lieu d’se cacher tous ces embusqués
F’raient mieux d’monter aux tranchées
Pour défendre leur bien, car nous n’avons rien
Nous autres les pauv’ purotins
Tous les camarades sont enterrés là
Pour défendr’ les biens de ces messieurs là

Refrain
Ceux qu’ont l’pognon, ceux-là r’viendront
Car c’est pour eux qu’on crève
Mais c’est fini, car les trouffions
Vont tous se mettre en grève
Ce s’ra votre tour, messieurs les gros
De monter sur le plateau
Car si vous voulez faire la guerre
Payez-la de votre peau


(Version publiée par Raymond Lefebvre dans La Guerre des soldats, Paris, Flammarion, 1919.)

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