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vendredi 16 novembre 2018

HISTOIRE et MÉMOIRE - J'aime l'Histoire et le Patrimoine. : LA MAIN COUPÉE DU CHÂTEAU DE GRUYERES


HISTOIRE et MÉMOIRE


J'aime l'Histoire et le Patrimoine.
 

   
Christian LE Moulec
15 août, 10:45

 

LA MAIN COUPÉE DU CHÂTEAU DE

 GRUYERES 



Exposée dans une vitrine d’une galerie du complexe médiéval du Château de Gruyères, canton de Fribourg (Suisse), cette dextre aux doigts fins a attiré, et attire toujours, la fascination des visiteurs. Les Gruériens ne sont pas les derniers à s’interroger sur ce morceau de chair et d’os anthracite. 
Au fil du temps, mille légendes, toutes dramatiques, se sont forgées quant à son origine. 
Pour certains, la main aurait été rapportée de Terre Sainte par des Gruériens partis à la première croisade en 1099. Est-ce la main d’un guerrier musulman tranchée par un croisé ou l’inverse ? La légende ne s’engage pas. 
Pour d’autres, elle proviendrait de l’affrontement de La Tine d’Enhaut. Nous sommes en 1476, peu avant la bataille de Morat contre Charles le Téméraire, alors qu’une troupe de cinq cents cavaliers bourguignons et savoyards ravageait la vallée de la Sarine. Mais le comte Louis de Gruyères et ses montagnards veillaient au grain. Ils chargèrent les ravageurs et les dispersèrent. Dans la bagarre, un belligérant, ami ou ennemi, là non plus on ne sait trop, aurait eu la main tranchée. Cette dernière fut ramenée à Gruyères et conservée en souvenir au Château. 
Pour d’autres encore, un an après le décès du comte Louis, la bâtisse aurait été la proie d’un incendie dévastateur. La main serait le vestige d’un cadavre calciné. De suite, on l’aurait remise à la comtesse Claude de Seyssel, veuve de Louis. La veuve garda la main en souvenir de la catastrophe. Sauf que de récents sondages archéologiques révèlent l’absence d’incendie majeur sur ce site, à l’époque du moins. Il nous faut donc éliminer cette version. 
Bon, maintenant, en raison de la taillade violente au poignet, on imagina que la main était tout simplement celle d’un voleur malchanceux. Pris la main dans le sac, l’infortuné aurait eu la main droite tranchée, selon les us et coutumes de l’heure. 
Autre version : les doigts de la main coupée sont si graciles qu’ils font penser à ceux d’une belle dame qui aurait été jugée et condamnée pour sorcellerie à périr dans les flammes d’un bûcher. Il ne resta d’elle que sa main, désormais griffue et brunâtre. 
Sauf que la réalité nous transporte en des temps bien plus reculés. En effet, l’analyse effectuée en 2003 par un certain Bruno Kaufmann à l’Institut de recherche anthropologique d’Aesch, canton de Bâle-Campagne, révèle avec certitude qu’il s’agit de la main droite d’une momie égyptienne, traitée et bandée selon la méthode classique pratiquée jusqu’au IIIème siècle après Jésus-Christ. Voilà donc expliquées la coloration sombre et l’extrême minceur. Les proportions indiquent que la main appartenait à un individu adulte, vraisemblablement un homme. 
De sa bonne conservation, on déduit que des produits de qualité furent utilisés lors de la momification et que par conséquent il devait s’agir d’un notable. 
Il est possible que la main soit parvenue en Occident entre la fin du Moyen Age et le XVIIIe siècle. Durant cette période, on attribuait en effet à ces corps sortis du fond des âges des vertus bénéfiques. 
Autre hypothèse : l’expédition de Napoléon en Egypte (1798-1799) déclencha un engouement pour le monde des pharaons. Surtout résultats de pillages divers et variés, maintes momies parurent sur le marché de l’art et furent achetées par des collectionneurs. C’est probablement à cette époque que notre main est arrivée sur le sol helvétique. 
En 1849, la famille des Bovy acheta le Château de Gruyères et s’employa à le restaurer. A partir de 1861, les Balland reprirent le flambeau. 
Au rez-de-chaussée du donjon, les deux familles avaient installé leur musée. Parmi moult objets hétéroclites, il y avait…la main coupée. Et voilà. 
Après le rachat du château par l'Etat de Fribourg en 1939, le cabinet-capharnaüm fut fermé. Mais la main resta dans la collection de l'Institution. 
Ci-dessous : la main coupée du Château de Gruyères, photographie « maison », 12 août 2018.
LA MAIN COUPEE DU CHÂTEAU DE GRUYERES
Exposée dans une vitrine d’une galerie du complexe médiéval d...

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