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vendredi 19 octobre 2018

Les désaccords persistent entre agriculteurs et distributeurs


9 octobre 2018

Les désaccords persistent entre agriculteurs et distributeurs

Malgré le vote de la loi alimentation, la question de la rémunération des producteurs n'est toujours pas réglée

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Le 11  octobre 2017, Emmanuel Macron prononçait, à Rungis (Val-de-Marne), un discours plein de promesses pour les agriculteurs et les consommateurs. Comme un point d'orgue aux Etats généraux de l'alimentation souhaités par le président de la République pour inviter, autour de la table, l'ensemble des interlocuteurs de la filière alimentaire. C'était une première. Avec un double objectif : mettre fin à la guerre des prix entre les enseignes, destructrice de valeur et source de faibles revenus pour les agriculteurs, tout en faisant la promotion d'une alimentation plus saine et plus durable. A la clé, une loi fixant de nouvelles règles du jeu.
Un an plus tard, la loi alimentation a bel et bien été votée, mardi 2  octobre. Mais la question de la rémunération des agriculteurs reste entière. Le gouvernement a choisi de lancer la balle dans le camp des filières. A elles de fixer les coûts de production et les indicateurs pour répartir la valeur -entre agriculteurs, industriels et distributeurs. Mais l'absence d'accord et les tensions prouvent que rien n'est réglé au sein des interprofessions, au moment où les discussions habituelles et souvent conflictuelles entre distributeurs et industriels s'ouvrent maintenant aux agriculteurs.
M.  Macron a décidé de recevoir, lundi 8  octobre, huit interprofessions pour faire le point avec elles sur l'état d'avancement de leurs travaux. Les filières du lait, de la viande bovine, du porc, des fruits et légumes, de la volaille, des céréales, du vin et celle des œufs…
Le ministre de l'agriculture, Stéphane Travert, en visite, jeudi 4  octobre, au Sommet de l'élevage de Cournon (Puy-de-Dôme), a reconnu l'existence de tensions. Il a demandé à la distribution de " prendre en compte " le " salaire " des agriculteurs dans le coût de production. Sa déclaration intervient après le violent désaccord, quelques jours plus tôt, dans la filière de l'élevage bovin. " La distribution a refusé de valider nos coûts de production, raconte Bruno Dufayet, président de la Fédération nationale bovine.  Nous avons proposé d'évaluer le prix de revient en tenant compte de nos charges, des aides de la politique agricole commune, en nous appuyant sur les indicateurs de l'Institut de l'élevage, et d'ajouter notre rémunération sur la base de deux mille six cents heures de travail annuel. Cette prise en compte du temps de travail n'a pas été acceptée. "
" Le prix moyen versé aujourd'hui aux éleveurs est de 3,50  euros le kilo, alors que nos coûts de production sont de 5,20  euros ", affirme Bruno Dufayet. Or, ce dernier considère que les voyants du marché sont au vert, avec une consommation de viande bovine quasi stable, à – 0,7  %, et des exportations plutôt bonnes.
Hausse des coûtsLa tension était d'autant plus forte que les conséquences de la sécheresse inquiètent les éleveurs. Alors que les prairies n'offrent plus de pâturages, les agriculteurs ont dû entamer leur stock de fourrage pour l'hiver. L'augmentation du prix de ce dernier, mais aussi des céréales, aboutit à une hausse des coûts. Cette situation pourrait conduire certains éleveurs à réduire leurs troupeaux. " Nous avons déjà perdu 200 000 animaux en trois ans, dont 70 000 cette année ", précise M. Dufayet.
Des inquiétudes partagées par les producteurs laitiers. Avec une conséquence qui pourrait être similaire, c'est-à-dire la baisse des cheptels. Dans la filière laitière, même si l'heure est encore à la courtoisie, il n'y a toujours pas d'accord. Un préalable de taille n'est toujours pas réglé – l'entrée de la grande distribution dans l'interprofession –, et l'horloge tourne. " Lors de la prochaine réunion, en novembre, nous leur demanderons d'avoir une position claire et de faire le choix d'entrer ou non dans l'interprofession ", affirme Thierry Roquefeuil, président de la Fédération nationale des producteurs de lait. Le choix des indicateurs de coût de production et d'évaluation des marchés n'est pas non plus entériné.
Les affrontements entre la Fédération du commerce et de la distribution, syndicat patronal qui regroupe un certain nombre d'enseignes – dont Carrefour – et les indépendants – dont Leclerc –, ne facilitent pas la constitution d'un collège commun. Michel-Edouard Leclerc continue, en effet, son épreuve de force avec le gouvernement, critiquant deux articles-clés de la loi censés limiter la guerre des prix : le relèvement de 10  % du seuil de revente à perte (le prix au-dessous duquel les distributeurs n'ont pas le droit de vendre) et -l'encadrement des promotions. Il considère que ces mesures devraient bénéficier en priorité aux géants des produits agroalimentaires et à ses concurrents directs comme Carrefour, Casino ou Auchan. Deux ordonnances doivent les mettre en musique pour une période-test de deux ans. Le ministère de l'agriculture déclare qu'elles seront publiées fin novembre. Les distributeurs demandent déjà un report de leur mise en application en janvier  2019, -arguant des promotions de Noël. Les négociations commerciales entre distributeurs et industriels commencent en novembre.
La distribution n'est pas non plus entrée dans la filière des œufs. Mais les dissensions dans les interprofessions se jouent aussi entre industriels. C'est le cas, par exemple, dans la filière porcine. Fleury-Michon a décidé de claquer la porte et de faire ca-valier seul, au prétexte qu'il était seul à défendre l'application du Nutri-score (qui informe les consommateurs sur la qualité nutritionnelle) sur les produits.
Laurence Girard
© Le Monde

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