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vendredi 19 octobre 2018

La direction du PCF désavouée après un vote inédit


9 octobre 2018

La direction du PCF désavouée après un vote inédit

Lors d'une consultation des militants, le texte défendu par le secrétaire national, Pierre Laurent, a été battu

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Le " dégagisme " arrive place du Colonel-Fabien. Les militants communistes devaient se prononcer entre jeudi  4 et samedi 6  octobre sur quatre textes en lice pour leur congrès, qui se déroulera fin novembre, à Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne). Et le résultat est inédit : la " base commune ", défendue par la direction, autour de Pierre -Laurent (secrétaire national depuis 2010), est battue par le " Manifeste du Parti communiste du XXIe  siècle ", porté par André Chassaigne, le président du groupe communiste à l'Assemblée nationale, et Fabien Roussel, le patron de la puissante fédération du Nord, dont le nom circule pour prendre la tête du parti.
A l'issue du vote, qui a mobilisé 30 833 communistes sur 49 218 adhérents à jour de leurs cotisations, soit une participation de 62,65  %, le texte de la direction recueille 37,99  % des exprimés ; le texte alternatif, totalise, lui, 42,15  %. Les deux autres textes en compétition sont loin derrière. " Pour un printemps du communisme ", emmené par les députés Stéphane Peu (Seine-Saint-Denis) et Elsa Faucillon (Hauts-de-Seine), veut " rassembler les forces antilibérales " pour bâtir un " front commun ", principalement avec La France insoumise (LFI) ; il recueille 11,95  % des voix. Beaucoup de militants le trouvaient trop proche de LFI. Enfin, le texte que d'aucuns qualifient d'" orthodoxe ", porté par les militants de Vive le Parti communiste français !, autour d'Emmanuel Dang Tran, membre du conseil national, réunit, quant à lui, 7,90  % des suffrages.
Première conséquence concrète de ce vote surprise : " Pour un manifeste du Parti communiste du XXIe  siècle "devient donc " la base commune de discussion " en vue du congrès. Il sera néanmoins " enrichi, travaillé et discuté " par des amendements, des ajouts, etc. Le " Manifeste ", comme le surnomment les communistes, a su résoudre la quadrature du cercle du PCF : être à la fois très critique sur le bilan de la direction ? notamment sur l'absence de candidat communiste à la présidentielle de 2017 ? et sur Jean-Luc -Mélenchon, le chef de file de LFI.
Mauvaise dynamiqueLa personnalité d'André Chassaigne, roué député du Puy-de-Dôme, extrêmement populaire à la base du PCF, a aussi joué en la faveur d'une contribution qui apparaissait comme le " vote utile " pour des communistes en colère qui ne souhaitent qu'une chose : renforcer leur parti et le remettre sur le devant de la scène. L'année 2017 a été très mal vécue, avec de mauvais résultats aux élections législatives (2,72  % des voix au premier tour). La conservation d'un groupe à l'Assemblée n'a pas fait oublier cette mauvaise dynamique dans les urnes.
Pourtant, l'attelage pouvait surprendre : MM. Chassaigne et Roussel côtoyaient des militants " durs " proches de l'ancien maire de Vénissieux (Rhône) André -Gerin, mais aussi le " pôle économie " de Frédéric Boccara. Cette " alliance de la carpe et du lapin ", selon ses contempteurs, a su séduire au-delà de ses bases naturelles. Le" Manifeste " arrive ainsi en tête dans de nombreuses fédérations (Val-de-Marne, Paris, Nord, Pas-de-Calais…) et est très haut dans plusieurs autres (Côte-d'Or, Moselle). " C'est historique comme résultat. Et cela s'est passé sereinement, estime M. Roussel. On veut tout faire pour éviter que le parti ne s'organise en tendances. "
André Chassaigne rappelle, lui, que, " pour la première fois de notre histoire, le texte présenté par le conseil national n'est pas retenu. Cette situation appelle tous les camarades à construire ensemble une orientation politique permettant de rassembler très majoritairement les communistes ".
Pas certain que le choix de samedi plaise à tout le monde en interne. Les principales figures de la ligne " Pour un printemps du communisme "critiquent ainsi " un texte qui prône le retour à des conceptions passéistes qui ont partout échoué " et appellent à une réunion " pour donner au communisme sa figure moderne, ouverte, démocratique, écologique et révolutionnaire ".
Une chose est sûre : ces résultats constituent un camouflet pour Pierre Laurent, qui brigue un troisième mandat. Le sénateur de -Paris, minoritaire dans sa propre fédération, a réagi à ces résultats. " Je respecte les choix des communistes. Je note que les résultats sont très partagés. Nous avons une nouvelle base commune pour discuter et pas de majorité à ce stade pour avancer, a-t-il déclaré avant de promettre de travailler à l'unité du parti. Nous avons donc devant nous un immense débat à poursuivre sur nos choix et un immense défi à relever pour la construction commune, l'unité et le rassemblement des communistes jusqu'au congrès. (…) J'y mettrai toute mon énergie. "
Mais des rumeurs sur sa démission circulent déjà et une période de grande incertitude s'ouvre place du Colonel-Fabien. Beaucoup de ces questions seront résolues le samedi 13  octobre, lors du prochain conseil national (le " parlement " du parti). " La démission ou non de Pierre Laurent n'est pas la question. Il va y avoir des discussions et c'est à Pierre de créer les conditions du rassemblement ", tempère Fabien Roussel, 49 ans, qui ne veut pas se prononcer sur sa possible accession au poste de secrétaire national du PCF. A la Fête de L'Humanité, mi-septembre, il déclarait pourtant que " le pays a besoin d'un PCF ambitieux et conquérant. On a besoin d'un changement fort, il y a beaucoup de mécontentement. "
Du côté des frères ennemis de La France insoumise, on ne cache pas, en off, la satisfaction de voir Pierre Laurent mordre la poussière. Les relations entre lui et Jean-Luc Mélenchon sont exécrables depuis longtemps. Et certains " insoumis " préfèrent encore un nouveau secrétaire national " hostile " plutôt que de continuer avec Pierre Laurent.
Les " communistes insoumis " devraient, par ailleurs, appeler leurs " camarades " à les rejoindre dans le giron mélenchoniste. Dans une note de blog au lendemain de la Fête de L'Humanité, -intitulée " A bientôt camarades ! ", M.  Mélenchon ne disait pas autre chose : " Il s'agit de sauver les dialogues futurs. Ces dialogues reprendront, un jour ou l'autre, quand cette page - celle de Pierre Laurent à la tête du PCF - sera tournée par les communistes. " Le message ne saurait être plus clair.
Abel Mestre
© Le Monde

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