La démocratie, c’est où, dites ?

Lu dans le DL du 9.10.2018


LE BILLET PAR GILLES DEBERNARDI

 La démocratie, c’est où, dites ? 

On signale une nouvelle barbouzerie sur les rives du Bosphore, mais le sale coup, cette fois, viendrait de l’étranger. 
Le journaliste saoudien Jamal Khashoggi est entré dans le consulat de son pays à Istanbul et personne ne l’a jamais vu ressortir. 
Un tour de magie à la mode orientale ? 
Selon la police turque, la personne disparue a été tuée par un commando envoyé par l’État pétrolier en terre ottomane.
 Recep Erdogan, qui ne badine pas avec la souveraineté, risque de mal prendre la chose.
 Le néo-sultan n’a rien contre les assassinats politiques, a priori, pourvu que chacun assassine chez soi. 
Les regards se tournent alors vers le prince d’Arabie Saoudite, Mohammed ben Salmane - MBS pour les intimes. 
Si l’affaire se confirme, l’héritier du trône peinera à préserver son image de « jeune réformateur ».
 D’accord, grâce à lui, les femmes du royaume ont désormais le droit de conduire une voiture. 
Mais cet acte héroïque semble lui conférer, sous toutes les latitudes, un brevet d’impunité.
Il peut sauvagement bombarder le Yémen, retenir deux semaines prisonnier le premier ministre libanais Saad Hariri, mener une répression féroce contre ses opposants, expulser l’ambassadeur du Canada qui ose l’interpeller sur les « droits humains » ou maintenir le blocus du Qatar.
 La communauté internationale ne moufte guère et préfère regarder ailleurs. 
La peur de perdre de juteux contrats pousse ici les pays démocratiques à s’asseoir sur leurs grands principes. 
Mieux vaut feindre de croire au « progressisme » du très riche Salmane.
 N’empêche, si Jamal Khashoggi ne réapparaît pas très vite, on va finir par se poser des questions