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vendredi 19 octobre 2018

Guillaume Pepy mobilise ses troupes pour transformer la SNCF


9 octobre 2018

Guillaume Pepy mobilise ses troupes pour transformer la SNCF

800 cadres ont été sensibilisés au chantier qui les attend, conscients qu'ils ne disposent pas du soutien de la majorité des cheminots

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LES CHIFFRES
3  %
C'est la moyenne des gains de productivité que la SNCF doit faire chaque année pour être dans les objectifs de la réforme ferroviaire.
20  %
C'est la croissance anticipée d'ici à 2026 du chiffre d'affaires (33,5  milliards d'euros en  2017). C'est aussi la hausse espérée du nombre de voyageurs sur les cinq prochaines années.
50  %
C'est l'objectif de croissance d'ici à 2026 de la marge opérationnelle (4,6  milliards en  2017).
57  milliards
C'est, en euros, le montant des investissements prévus d'ici à 2026, dont 1  milliard dans la formation des équipes.
Pas loin de 800 cadres supérieurs dans les coursives du Stade de France… Le séminaire annuel des manageurs de la SNCF, qui s'est tenu les 3 et 4  octobre à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), se déroulait cette année dans un décor propice à un coup d'envoi : celui d'une transformation majeure de l'entreprise, puisqu'elle va mettre en œuvre une réforme ferroviaire d'ampleur voulue par le gouvernement et promulguée en juin.
Cette dernière, on le sait, va conduire le vieux groupe public ferroviaire vers l'introduction de la concurrence dans le transport intérieur de voyageurs, la fin de l'embauche au statut de cheminots et la transformation de l'établissement public en une société anonyme à capitaux publics. Le tout pour le 1er  janvier 2020. Cette mutation à marche forcée, ce sont évidemment les manageurs qui vont la mettre en musique.
" Il y a eu un leitmotiv ces deux jours, explique Guillaume Pepy, président de la SNCF, comment faire gagner la SNCF dans un univers qui devient concurrentiel. Nous avons une stratégie, celle du volume. Nous allons augmenter le nombre de voyageurs de 20  % en cinq ans, repartir à la conquête du fret en regagnant des parts de marché sur la route. Le tout avec une boussole et une seule : la satisfaction du client. "
" Nous connaissions les grandes lignes, mais nous attendions quelque chose de plus. Nous l'avons eu, analyse un cadre de SNCF Mobilités présent au séminaire : une présidence combative, consciente de ne pas avoir le soutien de la majorité des cheminots mais qui ressort grandie du dernier mouvement social. La réforme est passée moins difficilement que prévu. Autant aller plus loin, plus fort. J'ai le sentiment de voir un président qui prépare sa sortie, son bilan. Non pas à court terme, mais pour apparaître comme le président qui a réussi à réformer l'irréformable. "
" La ligne est désormais claire et c'est une très bonne chose ", ajoute un manageur du secteur immobilier du groupe. Même tonalité chez cette responsable d'une équipe de 600 personnes." La séquence nous a fait du bien après une phase éprouvante, le conflit social du printemps et le combat quotidien pour faire rouler des trains. Le point très positif c'est que nous allons vivre les transformations dans un marché en croissance et non dans une logique de gâteau global qui se réduit. Nous ne sommes pas La Poste, qui a connu sa mutation au moment où le courrier était en forte baisse. "
Un vent d'optimisme a soufflé lors des présentations des succès de l'année : le programme emblématique de l'entreprise, Eole, cette extension et modernisation du RER E qui fera passer un train sous Paris à 120 kilomètres-heure toutes les cent secondes. Le contrat emporté par Keolis, la filiale de la SNCF, des trains régionaux du Pays de Galles où le groupe français a battu allemands et chinois. " La présentation d'un manageur de Michelin sur les méthodes de transformation de son groupe a bluffé tout le monde, ajoute un cadre dirigeant. Il dit en substance : qui mieux que les opérateurs savent comment organiser la production ? C'est inspirant, même si nous en sommes encore loin. "
Tensions palpablesTous les cadres avec lesquels Le Monde a échangé se disent satisfaits des décisions confirmées de " modernisation et d'adaptation " de certains aspects du statut, en particulier concernant l'évolution des salaires. " Des dispositions du statut vont bouger ", indiquait Guillaume Pepy dans un entretien au quotidien Les Echos, le 4  octobre. Des déclarations qui ont provoqué des réactions indignées à la CGT qui a qualifié le patron de " véritable démolisseur du service public ferroviaire ".
" Il n'y avait rien vraiment de nouveau, tempère Guillaume Pepy. Ces modifications avaient été annoncées au printemps et elles ne changent rien au fait que les cheminots actuels gardent les avantages et garanties liés au statut. La seule annonce nouvelle, c'est que nous voulons une certaine équité entre les salariés contractuels et ceux au statut, pour éviter une SNCF à deux vitesses. "
Si ces annonces sont susceptibles de réveiller les syndicats de cheminots – des appels à la grève à la SNCF ont été lancés le 9  octobre dans le cadre d'une journée d'action interprofessionnelle contre la politique " idéologique " du gouvernement –, elles semblent avoir en revanche le plein soutien des cadres supérieurs. " L'annonce du président sur le statut et le pacte social a été un moment fort, dit l'un. A ce moment-là, il nous a montré qu'il était à la barre. " " Nous redonnons, enfin, des moyens à notre politique de ressources humaines ", ajoute l'autre. " C'est l'occasion de résoudre nos difficultés à embaucher dans les métiers à forte tension ", renchérit le troisième
Mais tout n'est pas rose vu de la fenêtre des manageurs. " Il n'y a pas de doute sur le “quoi”, par contre le “comment”, c'est plus compliqué, s'inquiète un cadre. Les incertitudes liées à la négociation dans la branche ferroviaire en cours réduisent notre visibilité. "" La mise en œuvre demande beaucoup de volonté, de solidarité et d'unité, et une capacité à faire prévaloir des objectifs communs, ce que nous n'avons pas vraiment accompli jusqu'ici ",souligne une responsable.
" La concurrence entre branches est rude, ajoute le cadre de SNCF Mobilités. Les tensions sont palpables entre les membres des différents comités exécutifs. Il n'y a pas d'unité ni de sentiment d'appartenance à un même groupe. Cela se ressent dans nos objectifs, donc dans nos équipes. " " Ça, c'était vrai avant, corrige un collègue. Cette année, j'ai trouvé le comité exécutif bien aligné. " " Il faudra voir ", ajoute circonspecte une autre cadre. Et de conclure par le vieil adage léniniste : " Là où il y a une volonté, il y a un chemin. "
Éric Béziat
© Le Monde

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