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vendredi 19 octobre 2018

Colère contre la fermeture d'une maternité


9 octobre 2018

Colère contre la fermeture d'une maternité

Une soixantaine d'élus de l'Indre s'apprêtent à démissionner

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Leur geste permettra-t-il d'enrayer un processus de fermeture déjà bien engagé ? Une soixantaine de maires et maires adjoints de l'Indre devraient déposer, jeudi 11  octobre, leur lettre de démission à la préfecture de Châteauroux pour s'opposer à la fermeture de la maternité du Blanc. Cette commune de quelque 6 000 habitants est située à environ une heure de route de Châtellerault (Vienne), de Poitiers (Vienne) et de Châteauroux (Indre), où se trouvent les ma-ternités les plus proches. Dans cet établissement, les accouchements – au nombre de 255 en  2017, contre 400 en  2009 – sont interrompus depuis le 28  juin, faute d'un nombre suffisant de médecins et sages-femmes. Sur la base d'un rapport, publié le 28  septembre, identifiant " plusieurs dysfonctionnements pouvant mettre gravement en jeu la sécurité des prises en charge ", la directrice de l'Agence régionale de santé (ARS) Centre-Val de Loire a annoncé, vendredi 5  octobre, son souhait d'une fermeture définitive du site, au profit d'un centre périnatal de proximité.
Au Blanc, on ne se résout pas à l'idée de connaître le même sort que Die (Drôme), Decazeville (Aveyron) ou Saint-Claude (Jura), où les maternités – à trop faible activité – ont dû fermer leurs portes ces derniers mois, malgré leur éloignement d'autres établissements. Les élus locaux attendent de la ministre de la santé, Agnès Buzyn, qu'elle renouvelle les -moratoires accordés par ses deux prédécesseurs, Xavier Bertrand en  2011, puis Marisol Touraine en  2012. Une époque où la mobilisation avait fini par payer.
Aujourd'hui, ils enragent de ne pas être entendus. " Nous sommes dans une situation inédite, avec un gouvernement dont la marque de fabrique est de ne rien céder ", déplore Jean-Michel Molls, le président du comité de défense des usagers de l'hôpital. " Nous sentons comme un mépris à l'égard des zones rurales ", ajoute Annick Gombert, la maire (PS) – démissionnaire – de la commune.
" Désert médical "Depuis trois mois, les manifes-tations se suivent, sans succès. Le 15  septembre, entre 2 000  et 3 000 personnes se sont rassemblées devant la mairie. Le 28, une cinquantaine d'élus ont accroché des portraits officiels du chef de l'Etat aux grilles de la sous-préfecture. Devant les caméras, certains ont même brûlé des photos d'Emmanuel Macron. " On est en train de franchir une étape dans la colère, les citoyens et les élus se sentent exclus de la République ",prévient Jean-Paul Chanteguet, qui a été maire (PS) de la commune pendant trente ans.
Ici, tout le monde redoute que la fermeture de la maternité ne soit le prélude à une nouvelle série de départs. On craint pour l'avenir du service de chirurgie, des urgences et, à terme, de l'école d'infirmières, le seul établissement de formation postbac de la ville. " Dans les plans du gouvernement, l'hôpital du Blanc ne sera qu'un gros Ehpad ", prédit, " dépité " et " attristé ", Laurent Laroche, le maire (sans étiquette) de Belâbre, une commune de mille habitants à douze kilomètres du Blanc. " Ils ne s'arrêteront pas à l'hôpital. Le Blanc est mort, qui veut venir habiter où tout ferme ? ", déplore, amer, un habitant de la région sur la page Facebook du collectif citoyen Cpasdemainlaveille.
" On est déjà en situation de désert médical : on a l'habitude de poser une journée pour un rendez-vous de gynéco ou d'ophtalmo à Châteauroux ou à Poitiers, mais on ne va pas programmer un -accouchement ", explique Bertrand Coly, un membre de ce -collectif. A ses côtés, Claire Moreau demande : " Comment vont faire près de trois cents femmes enceintes par an lorsqu'elles devront faire une heure de route pour accoucher ? "
" Consolider les urgences "A l'entrée de l'hôpital, un panneau avec l'inscription " Liberté, égalité, maternité de proximité " a été installé. Sous le couvert de l'anonymat, une soignante rapporte le malaise du personnel de la maternité, renforcé par le -rapport de l'ARS faisant état d'une " culture qualité insuffisante ". " Pourquoi les mamans seraient-elles venues de si loin chez nous ? Notre petite structure faisait qu'on les accompagnait différemment. On avait de plus faibles taux -d'épisiotomies ou de césariennes qu'à la maternité de Châteauroux ", observe-t-elle.
Alain Tekaya, gynécologue-obstétricien retraité, 71 ans, qui effectue des remplacements au Blanc depuis deux ans, estime qu'" il n'y avait pas moins de sécurité hier qu'aujourd'hui ". Pour lui, " les points signalés ne sont pas complètement à ignorer, mais on peut les corriger rapidement ".
Dans leur combat, les élus du Blanc ont désigné un respon-sable : la direction de l'hôpital de Châteauroux (qui a fusionné avec celui du Blanc, début 2017). Ils l'accusent d'avoir " organisé la pénurie " de soignants au Blanc afin de résorber un poste déficitaire à hauteur d'environ 800 000  euros par an. Ils regrettent que les candidatures de soignants qu'ils ont présentées ces dernières semaines n'aient pas été retenues.
" Les seules candidatures sont celles de médecins retraités qui ne veulent pas s'engager de façon pérenne ", objecte Evelyne Poupet, la directrice du centre hospitalier de Châteauroux. Interrogée sur l'heure de route que devraient faire les parturientes pour accoucher, elle assure qu'aujourd'hui " l'insécurité est davantage à poursuivre les accouchements dans un lieu où les praticiens n'exercent pas de façon quotidienne ". Elle préconise donc de " consolider les urgences et les moyens de transport " d'urgence, tout en se disant convaincue que " les femmes sauront anticiper et s'organiser en amont ".
Un conseil de surveillance de l'hôpital de Châteauroux-Le Blanc doit avoir lieu le 19  octobre. Si celui-ci devait donner son feu vert, l'annonce officielle de la fermeture du Blanc pourrait ensuite intervenir rapidement.
François Béguin
© Le Monde

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