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dimanche 23 septembre 2018

L'Allemagne vise-t-elle une hégémonie en Europe ?


23 septembre 2018

L'Allemagne vise-t-elle une hégémonie en Europe ?

Jean-Luc Mélenchon et Bastien Lachaud, députés LFI, s'inquiètent du projet d'" Europe de la défense ", qui offre, selon eux l'opportunité aux  Allemands de remilitariser

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L'emprise économique de l'Allemagne sur l'Europe s'affirme. Sa situation sociale est aussi critique que celle de la France, mais son poids dans les échanges commerciaux mondiaux permet à son gouvernement conservateur de parler en maître.
De ce côté-ci du Rhin, les naïfs se sont bercés d'illusions en chantant la fable du " couple franco-allemand ". Face au déclin supposé inéluctable de son influence, la France a fantasmé un partenariat entre égaux fondé notamment sur la répartition des rôles : aux Allemands, la puissance économique, aux Français la puissance diplomatique et militaire. Ce calcul montre à présent ses limites.
Au sein des institutions européennes, le déséquilibre est devenu patent. Le fait a été relevé par Jean Quatremer, journaliste bien connu pour son europhilie constante : au fil des ans, tous les postes importants ont été monopolisés par des Allemands, le plus souvent apparentés à la CDU d'Angela Merkel. Les secrétaires généraux du Parlement et du Service européen d'action extérieure sont allemands ; de même que celui de la Commission, Martin Selmayr, nommé en plus en contravention des règles ! Les présidents de la Cour des comptes, de la Banque européenne d'investissement et le directeur général du Mécanisme de stabilité sont allemands. Au Parlement européen, quatre présidents de groupe sur huit sont allemands, dont ceux des deux plus nombreux. Celui du PPE, Manfred Weber, pourrait même devenir président de la Commission… Le problème posé n'est pas qu'ils soient allemands, mais qu'ils le soient tous !
Mais les ambitions allemandes ne s'arrêtent pas là. L'arrivée de Trump à la Maison blanche et la guerre commerciale qu'il a lancée amènent les Allemands à reconsidérer leurs liens avec les Etats-Unis d'Amérique. Le mois dernier, le ministre des affaires étrangères, Heiko Maas, a publié un long texte dans ce sens dans la version en anglais de Handelsblatt, quotidien allemand spécialisé dans l'économie.
Du coup, cette inflexion, voire ce retournement d'alliance, est un projet qui implique pour l'Allemagne de remonter en puissance dans le domaine militaire pour rassurer les pays d'Europe de l'Est, qui sont désormais dans son aire d'influence. Et voici qu'émerge l'idée inepte de partager la dissuasion nucléaire française. Jean-Dominique Merchet, journaliste de L'Opinion, a signalé la multiplication des écrits sur ce sujet outre-Rhin. Bien entendu, cette option est tout à fait contraire à la doctrine française selon laquelle " la dissuasion ne se partage pas ". Pourtant le projet d'avion franco-allemand (dans le cadre du " système de combat aérien du futur ", SCAF) accrédite cette hypothèse. On peut même se demander si la dissuasion n'a pas été la monnaie d'échange grâce à laquelle l'Allemagne a renoncé à acheter des avions états-uniens.
Une puissance nucléaireMaintenant que le projet est validé, il est peu vraisemblable, malgré les dénégations de l'état-major, que la France et l'Allemagne produisent un avion commun qui ne puisse embarquer l'arme atomique. L'Allemagne serait alors à un doigt d'être une puissance nucléaire.
C'est aussi dans ce contexte qu'il faut comprendre les " avancées " de " l'Europe de la défense ". On se souvient que François Hollande voulait en faire le nouvel horizon du " rêve européen ". A présent, il est présenté par Emmanuel Macron comme une opportunité pour les armées et, pour tout dire, un moyen de faire payer l'Allemagne. Elle sera en fait l'occasion pour les Allemands de remilitariser et de doubler leur influence économique d'une véritable puissance militaire.
Après le rachat d'Alstom par Siemens et la déstabilisation d'Airbus, la défense sera-t-elle le nouveau secteur dans lequel la France se laissera berner par l'Allemagne ? Le gouvernement laissera-t-il la France devenir une fois encore le dindon de la farce européenne ? Nous affirmons que seule une volonté d'indépendance, une politique écologique et sociale forte rendent la coopération et la fraternité possibles entre les peuples. Le " couple franco-allemand " et " l'Europe de la défense " sont deux leurres dangereux pour la France comme pour la paix.
Bastien Lachaud et Jean-Luc Mélenchon
© Le Monde

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