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samedi 22 septembre 2018

Cinq défis pour les usines de demain


22 septembre 2018

Cinq défis pour les usines de demain

Le Grand Palais accueillera du 22 au 25 novembre " L'Usine extraordinaire ", une manifestation symbole d'un nouveau monde industriel émergent, expliquent des chercheurs, écrivains et entrepreneurs

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Aen croire l'opinion dominante, l'industrie appartiendrait au monde d'hier. En réalité, un nouveau monde industriel est en train de naître. En  2017, pour la première fois depuis presque dix ans, la France a ouvert plus d'usines qu'elle n'en a fermées. Le " produire en France " a désormais ses assises, la FrenchFab s'apprête à souffler sa première bougie, et le premier ministre a annoncé jeudi 20  septembre un plan ambitieux pour la transformation numérique de l'industrie.
Mais la majorité de nos concitoyens ne perçoit pas ce qui se trame d'invention, d'ingéniosité, de création fascinante dans les usines qui parsèment nos campagnes et les abords de nos villes. " L'Usine extraordinaire " qu'accueillera le Grand Palais, à Paris, du 22 au 25  novembre, entend ouvrir les portes de ce monde, en révéler la di-versité, les promesses et les défis. Aujour-d'hui comme hier, les usines concentrent l'intelligence accumulée dans nos sociétés au fil de générations successives. Mais nous savons aussi que le nouveau monde industriel ne sera soutenable que s'il parvient à intégrer des impératifs sociaux et des défis environnementaux d'une acuité sans précédent. Nous soutenons avec enthousiasme ce projet, qui donnera à voir et à réfléchir, pour un très large public, autour de cinq grands défis.
L'enjeu primordial est de redonner du sens au travail. L'industrie d'aujourd'hui et de demain, ce sont des usines, des ateliers, des centres de recherche et de design, peuplés de machines et maillés par de multiples réseaux. Mais avant tout, ce sont des communautés de femmes et d'hommes qui coopèrent en vue d'œuvres utiles et communes. Partout, les modèles de discipline à l'ancienne et de division du travail entre ceux qui pensent et ceux qui font deviennent contre-productifs, insupportables. La recherche d'autonomie, l'exigence de sens et la volonté de " faire ", d'agir dans le concret, sont les valeurs montantes, notamment pour les jeunes générations. L'usine, c'est d'abord un monde social en réinvention, inclusif et porteur de sens.
Place accordée aux artistesDeuxième défi : repenser le rapport à la -nature. L'industrie, comment le nier, s'est construite sur une base prédatrice à l'égard d'une nature aux ressources supposées infinies. La sobriété dans l'usage des ressources (énergie, mais aussi minéraux, biosphère…), la durabilité des produits et des procédés, le basculement vers une économie des usages et non plus de la possession et du gaspillage ne sont pas des objectifs parmi d'autres : ce sont des défis existentiels. Le mouvement est engagé, mais le chemin à parcourir reste immense. L'usine doit devenir une usine du monde fini, réconciliée avec l'avenir.
Ces deux défis en appellent un troisième : celui du compagnonnage entre humains et machines. L'automatisation entre dans une ère nouvelle qui fascine et inquiète. L'informatique et les systèmes d'information connectent les machines, les hommes, les entreprises, à une échelle sans précédent. Les technologies, c'est notre conviction, ne remplaceront pas les humains, mais elles vont redessiner leurs tâches, leurs compétences et leurs relations. L'enjeu est d'inventer les nouveaux compagnonnages entre les machines, les algorithmes et les humains, en éliminant les tâches pénibles et répétitives, en augmentant nos capacités physiques (comme avec les " cobots " et les exosquelettes) ou mentales. Loin du vertige de la technologie pour la technologie, l'usine doit créer une alliance nouvelle avec ces fabuleux produits de notre invention pour élargir notre puissance d'action individuelle et collective.
Le quatrième grand enjeu est celui de la place accordée aux imaginaires, aux utopies et aux artistes. Dans l'usine, qu'elle soit d'hier ou de demain, l'effort incessant d'efficacité n'est pas l'exercice d'une pure rationalité d'ingénieur. Il est nourri d'imaginaires multiples, imprégné d'utopies, de mémoires stratifiées, de fictions et d'anticipations diverses. L'industrie est un phénomène -culturel profondément enraciné dans nos sociétés. L'usine est un objet de pensée ouvert aux artistes, aux designers et aux utopistes comme aux techniciens, pour un dialogue qui a connu de belles réussites passées, et qui est à renouveler pour le temps présent.
Cinquième et dernière question : comment sortir de l'accumulation d'objets pour recentrer sur les usages et les expériences utiles ? L'industrie, ce ne sont plus seulement des myriades d'objets plus ou moins sophistiqués – voitures, avions, téléphones… – qui transforment notre vie quotidienne. Ce sont désormais des services, des expériences multiples qui débordent les frontières traditionnelles des secteurs manufacturiers. Ce sont, par exemple, des parcours de mobilité multimodes et pas seulement des voitures truffées de capteurs. Ce sont des villes réinventées, des architectures énergétiques inédites, l'agriculture repensée à l'aune de l'écologie, de nouveaux systèmes de santé, d'éducation, de divertissement. L'industrie de demain, c'est l'industrie au-delà des objets et de leur accumulation sans fin, celle de systèmes repensés au service des besoins fondamentaux des humains.
Fin novembre, ces défis seront mis en scène et présentés au public. Au Grand Palais, lieu emblématique érigé sur le site du Palais de l'industrie il y a près de cent vingt ans, les professionnels de l'industrie vous feront toucher et voir tout ce que l'usine porte d'innovant et d'inspirant. Sans tabous. Pour nous, chercheurs, écrivains, observateurs engagés, c'est une très bonne nouvelle.
Collectif
© Le Monde

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