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vendredi 10 août 2018

Urgence pour Oleg Sentsov


10 août 2018

Urgence pour Oleg Sentsov

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Si rien ne se passe, Oleg Sentsov va mourir. Le cinéaste ukrainien de 42 ans a été arrêté en Crimée, le 10  mai 2014, par les services russes de sécurité, deux mois après le pseudo-référendum de rattachement de la Crimée à la Russie dont il contestait la validité. Condamné en août  2015, au terme d'une caricature de procès, à vingt ans d'emprisonnement pour " organisation et participation à un groupe terroriste ", il est détenu dans la colonie pénitentiaire de Labytnangui, dans la péninsule de Yamal, au nord de la Sibérie.
Depuis le 14  mai – depuis quatre-vingt-huit jours –, le cinéaste a commencé une grève de la faim pour exiger la libération des quelque 70 Ukrainiens emprisonnés comme lui par la Russie pour des raisons politiques et dont il a endossé le combat de la plus radicale des manières. Ajoutons que ce combat dépasse le cas des Ukrainiens et renvoie au cynisme d'une justice russe sans vergogne à l'encontre de Iouri Dmitriev, historien de Carélie analysant les purges staliniennes, incarcéré pour d'invraisemblables accusations de pédophilie, ou d'Oyoub Titiev, dernier défenseur des droits de l'homme à travailler en Tchétchénie, poursuivi sur des charges farfelues de détention de marijuana.
Pour éviter d'être alimenté de force, Oleg Sentsov a récemment accepté de prendre deux ou trois cuillères de substituts alimentaires chaque jour. Ce n'est pas cela qui l'empêchera de mourir. Les informations en provenance de son lieu de détention sont rares et filtrées par les autorités, mais son avocat, qui a pu le voir mardi 7  août, l'assure : le cinéaste est en train de mourir, et il y est déterminé.
C'est intolérable. D'autant plus que, depuis le début de cette sinistre affaire, le Kremlin semble décidé à faire du cas Sentsov un exemple. Le message se veut clair : ceux qui s'opposent à l'annexion de la Crimée subiront son sort. Ainsi, les autorités russes sont restées sourdes à tous les appels lancés pour obtenir sa libération ou même pour laisser des médecins indépendants lui rendre visite. Quel qu'en soit le coût en matière d'image, Moscou paraît prêt à le laisser mourir.
Il est donc urgent de renforcer les protestations pour faire admettre au président russe que c'est inacceptable. Depuis quatre ans, les milieux du cinéma et de la culture se sont largement mobilisés pour défendre Oleg Sentsov. Les dirigeants occidentaux doivent accentuer la pression. Emmanuel Macron a été en pointe dans ce dossier. Le président français a évoqué l'affaire Sentsov à deux reprises avec Vladimir Poutine. Mais celui-ci est resté de marbre.
Les responsables européens peuvent et doivent faire plus. Ils ne peuvent ignorer que, par le passé, Vladimir Poutine s'est déjà montré sensible aux pressions des opinions publiques et de leurs dirigeants. Mikhaïl Khodorkovski, les Pussy Riot, la pilote ukrainienne Nadia Savtchenko ont été libérés avant le terme de leurs peines même si, à chaque fois, le président russe a tenu à rester maître du calendrier. Il y a donc encore un espoir qu'il faut saisir.
C'est une affaire de principe. Humanitaire, évidemment. Mais aussi politique. Depuis des années, le président russe table sur la faiblesse des réactions européennes à sa politique impérialiste – en Crimée et dans le Donbass, après l'Ossétie du Nord et l'Abkhazie. Le combat d'Oleg Sentsov démontre, dramatiquement, que la défense de la liberté n'a pas de prix. Les Européens se doivent d'adresser le même message à Vladimir Poutine.
© Le Monde

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