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dimanche 12 août 2018

Une frappe tue des dizaines d'enfants au Yémen


11 août 2018

Une frappe tue des dizaines d'enfants au Yémen

11 août 2018
Le raid a touché un bus lors d'une opération " légitime ", selon la coalition conduite par l'Arabie saoudite

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C'est un massacre de plus dans la guerre qui ne cesse de s'enliser au Yémen. Plusieurs dizaines de personnes, dont au moins 29 enfants, ont été tuées, jeudi 9 août, dans la province de Saada par une frappe aérienne de la coalition emmenée par l'Arabie saoudite et soutenue par les Emirats arabes unis. Située dans le nord du pays, près de la frontière saoudienne, Saada est le fief historique de la rébellion houthistes soutenue par l'Iran et combattue par Riyad et ses alliés ces trois dernières années. Depuis l'intervention de la coalition saoudienne en mars  2015 en appui aux forces du président Abd Rabbo Mansour Hadi, le conflit a fait 10 000  morts.
" D'après les informations que nous recevons, l'attaque a frappé un marché de Dahyan, une localité de la province de Saada, où un bus conduisant des enfants passait ", indiquait jeudi Mirella Hodeib, du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) à Sanaa, la capitale du Yémen, également tenue par les houthistes. " L'hôpital du CICR dans la région de Saada a reçu les corps de 29 enfants de moins de 15 ans, et 48 blessés dont 30 enfants y ont été traités, précise Mme Hodeib. Le bilan pourrait être plus lourd, car des victimes ont été orientées vers d'autres centres de soins de la région et nous n'avons pas tous les chiffres. " Les médias des rebelles houthistes avancent un bilan de 50 morts et 77 blessés.
Dans un communiqué, la coalition saoudienne a qualifié l'attaque d'" opération militaire légitime ". Cité par la SPA, l'agence officielle saoudienne, le colonel Turki Al-Malki, porte parole de la coalition, a déclaré que la frappe visait les responsables de tirs de missiles ayant provoqué des pertes civiles la veille dans la ville saoudienne de Jaizan, à 125 kilomètres de Saada.
Les houthistes disposent de ces systèmes d'armes, que l'Iran est accusé de leur fournir, et qu'ils utilisent pour viser le territoire saoudien depuis leurs positions dans le nord du Yémen. L'alliance militaire dominée par l'Arabie saoudite a accusé les rebelles de " recruter des enfants soldats et de les jeter sur les champs de bataille ". La présence de mineurs dans les rangs houthiste est une réalité, mais parmi des victimes dont certaines n'avaient pas plus de 6 ans, tous n'avaient pas l'âge de porter une arme.
" Les marchés, cible récurrente "" Etant donné le nombre de victimes qui comprend des dizaines d'enfants et le mode d'action de la coalition menée par l'Arabie saoudite depuis le début du conflit, il est difficile de croire que cette frappe a été conduite en conformité avec le droit international humanitaire comme l'affirme la coalition, indique Rasha Mohamed, chercheuse spécialiste du Yémen pour Amnesty international. Depuis le début de son engagement, la coalition a montré qu'elle ne tenait pas compte de l'inviolabilité de la vie des enfants. Des écoles et d'autres lieux où des enfants sont rassemblés ont fait l'objet de frappes à plusieurs reprises. "
La coalition saoudienne de même que les rebelles houthistes et les autres acteurs du conflit -figurent sur la liste des parties commettant des violations graves annexée au rapport du secrétaire général des Nations unies sur " Le sort des enfants en temps de conflit armé " d'août  2017.
" Les marchés comme celui contre lequel a eu lieu l'attaque de jeudi constituent une cible récurrente de la coalition ", précise Rasha Mohamed. A l'automne 2017, le haut-commissaire de l'ONU pour les droits de l'homme a désigné les bombardements de la coalition saoudienne comme la première cause de pertes civiles dans le conflit au Yémen. A la suite de la frappe de jeudi, le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, a appelé à une enquête indépendante. Washington a demandé à la coalition saoudienne une investigation " approfondie ".
Les Etats-Unis sont le premier soutien occidental des forces dirigées par Riyad. Et la France a livré en  2017 pour 1,4  milliard d'euros de matériel militaire à l'Arabie saoudite, et 230  millions aux Emirats arabes unis. La position de Paris, définie par M. Macron en avril, associe " plein soutien à la sécurité de l'Arabie saoudite, condamnation de l'activité balistique venant des houthistes, volonté de trouver une solution politique au conflit, et grande exigence humanitaire à l'égard des populations civiles ".
Il y a une semaine, la coalition saoudienne avait nié être à l'origine d'attaques contre la ville -côtière d'Hodeïda sur la mer Rouge, dans l'ouest du Yémen, également contrôlée par les hou-thistes. D'après le CICR, l'attaque du 2  août avait tué 55 personnes et fait 170 blessés, à l'entrée de l'hôpital de la ville et à proximité d'un marché aux poissons.
Le port d'Hodeïda, principale voie d'acheminement de l'aide humanitaire et des importations de nourriture dont le Yémen -dépend à 80  %, est menacé par la reprise d'une offensive lancée en juin par la coalition et ses soutiens locaux, encadrés par les Emirats arabes unis alliés à Riyad. Suspendue par les Emirats début juillet – malgré la poursuite de combats localisés autour de la ville – afin de donner une chance à une médiation de l'ONU, une attaque de grande ampleur contre Hodeïda pourrait avoir des conséquences catastrophiques pour la population yéménite qui traverse déjà, selon les Nations unies, la " pire crise humanitaire du monde ".
Allan Kaval
© Le Monde

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