Translate

lundi 27 août 2018

Sécheresse : en Australie, les bêtes meurent ......Le manque d'eau menace 10 000 fermes en Allemagne


25 août 2018

Sécheresse : en Australie, les bêtes meurent

En plein hiver austral, il n'a pas plu depuis deux mois et la pénurie risque de s'aggraver

agrandir la taille du texte
diminuer la taille du texte
imprimer cet article
Quand les Green ont vu des nuages gorgés d'eau obscurcir le ciel au-dessus de leur petite exploitation agricole de la Hunter Valley, à environ deux cents kilomètres au nord de Sydney, ils ont cru qu'ils étaient tirés d'affaire. " Cela faisait des mois que nous attendions la pluie et tout d'un coup, une série d'averses s'est abattue sur nos terres, se souvient Selby, un solide gaillard de 72 ans. Je me suis dit que j'allais pouvoir remettre en état mes pâturages desséchés et nourrir mes vaches. J'ai semé des graines partout. "
C'était fin juin. Deux mois plus tard, le seigle n'a pas poussé, sa centaine de bovins a quasiment épuisé ses réserves de foin et il est tombé à peine 0,5 millimètre d'eau. Le couple, comme l'ensemble des agriculteurs de la Nouvelle-Galles du Sud – l'Etat le plus peuplé d'Australie et qui fournit un quart de tous les produits agricoles de l'île-continent –, est confronté à la pire sécheresse qu'ait connue l'est du pays depuis un demi-siècle. Cet épisode, qui survient en plein hiver austral, frappe déjà 99  % de la Nouvelle-Galles du Sud et 60  % de l'Etat voisin du Queensland. Et menace de s'aggraver dans les mois à venir.
" Les conditions actuelles, caractérisées par des températures particulièrement élevées et un faible niveau de précipitations, vont perdurer pendant au moins trois mois, prévient Karl Braganza, chargé de la surveillance climatologique au Bureau de la météorologie. Ensuite, si un épisode El Niño débute, les chances de pluie seront très réduites. " Un scénario catastrophe pour les agriculteurs australiens, dont la probabilité est estimée à 50  %.
Alors les époux Green n'ont pas attendu davantage. " Nous avons eu notre dose de désastres. Nous arrêtons ", lâche Gloria en tournant nerveusement les pages d'un petit cahier d'écolier où elle a méticuleusement consigné, mois après mois, le niveau des précipitations sur son exploitation. Depuis les années 1960, les deux septuagénaires ont déjà affronté six sécheresses. " Nous avons appris à nous organiser, à stocker d'énormes quantités de fourrage pour tenir pendant les périodes de crise. " Mais après une inondation en  2015, une autre en  2016, puis le climat très sec de ces dix-huit derniers mois, leurs granges sont vides et ils n'ont plus l'énergie ni les moyens financiers de faire face. Dans l'ensemble de la région, les prix du foin flambent.
" On n'en trouve quasiment plus par ici ", explique Bill Stacy, fermier à Singleton dans la Upper Hunter Valley, l'un des greniers alimentaires de SydneyEn juin, ce descendant d'une famille d'agriculteurs, qui était enfant quand il a vécu sa première sécheresse, a dû s'approvisionner dans le sud du continent, pour deux fois plus cher que d'habitude.
Une balle dans la têteEn juillet, il a réduit ses frais en vendant 40 bovins malgré un marché de la viande en forte baisse ; 80 avaient déjà pris le chemin de l'abattoir en janvier. " C'est toujours difficile de réduire son cheptel, soupire-t-il en balayant du regard ses champs brûlés par le soleil. Nous mettons du temps à le reconstituer, nous perdons de l'argent mais que faire quand nous n'avons plus de quoi le nourrir ? "
D'autres fermiers, qui ont préféré parier sur un retour de la pluie malgré la poussière qui envahissait peu à peu leur propriété, sont aujourd'hui complètement démunis face à leurs bêtes devenues faméliques. Parfois, en désespoir de cause, ils finissent par les achever d'une balle dans la tête.
" Des agriculteurs n'ont tout simplement plus d'argent, ni pour leurs animaux, ni pour eux. C'est très dur financièrement et psychologiquement ", souligne Brian Egan, fondateur de Aussie Helpers, une organisation caritative qui, ces dernières semaines, a été inondée de courriels de particuliers proposant leur aide. " Les fermiers ont construit ce pays, ils en sont la colonne vertébrale. Il est normal que nous les soutenions ", estime Lois Fildes, serveuse dans un café à Thorne où elle récolte des fonds pour acheter du foin. Kate Thew, boulangère de Singleton, donne, quant à elle, ses invendus aux paysans des environs. Dernièrement, elle a noté une baisse de son activité et comme beaucoup de commerçants de l'arrière-pays, elle redoute les conséquences de la sécheresse sur l'économie locale.
Clé sous la porteMais dans l'immédiat, c'est surtout l'eau qui pose problème. Les habitants de certaines régions subissent déjà des restrictions : trois minutes pour une douche quotidienne, deux machines à laver maximum par semaine.
" J'ai de la chance, il a plu ici en mars ", reconnaît Bill Stacy, qui n'en est pas moins inquiet. D'ici quelques semaines, en l'absence de nouvelles précipitations, ses retenues d'eau seront à sec et s'il a déjà prévu de forer, il craint de tomber sur de l'eau salée. Comment fera-t-il alors pour abreuver son troupeau de 250 têtes ? Il n'en a pas la moindre idée mais assure qu'il s'en sortira. " Ce n'est pas la première sécheresse ni la dernière. Les fermiers australiens sont habitués aux catastrophes naturelles, ils sont résilients ", ne cesse-t-il de répéter comme pour se donner du courage. En attendant, il se serre la ceinture pour payer le pensionnat de ses trois enfants et puise dans ses économies avec un objectif : tenir. A aucun prix il ne vendra l'exploitation crée par ses ancêtres il y a plus de cent cinquante ans.
Beaucoup d'autres n'auront pas le choix et mettront la clé sous la porte. " Malheureusement, cela se passe comme ça ici ", dit James Jackson, président de la NSW Farmers Association. Sur l'ensemble du continent, 20  % des 130 000 exploitations fournissent à elles seules 75  % des produits agricoles. Les petits agriculteurs, de moins en moins nombreux, sont les plus vulnérables.
Pour soutenir le secteur face à la sécheresse, les gouvernements locaux comme les autorités fédérales ont annoncé des mesures et débloqué plusieurs centaines de millions de dollars australiens. Mais alors que tous les experts s'accordent à dire que cette sécheresse est la conséquence du réchauffement climatique, l'Australie, qui est l'un des premiers pollueurs de la planète par habitant, n'a toujours pas défini de stratégie pour atteindre son objectif, pourtant modeste, de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 26  % à 28  % d'ici 2030 par rapport à 2005.
Isabelle Dellerba
© Le Monde


25 août 2018

Le premier ministre évincé pour avoir défendu le climat

agrandir la taille du texte
diminuer la taille du texte
imprimer cet article
Sa politique climatique lui aura décidément coûté cher. Le premier ministre australien, Malcolm Turnbull, a quitté le pouvoir vendredi 24 août après avoir perdu le soutien de sa majorité, à la suite de sa proposition d'inscrire dans la législation un objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre. En  2009, il avait déjà été débarqué de la direction de son parti après avoir soutenu un système d'échange de quotas d'émissions.
C'est Scott Morrison, trésorier depuis septembre  2015, qui a été élu par les parlementaires libéraux pour prendre sa succession. Il deviendra de fait le prochain chef du gouvernement et conduira la campagne de la majorité pour les élections législatives, qui se tiendront avant le 18  mai 2019.
" Je lui souhaite le meilleur ", a déclaré Malcolm Turnbull, se disant " très fier " des résultats de son cabinet. Arrivé au pouvoir en septembre  2015, il a fait passer des réformes importantes, dont la légalisation du mariage pour tous, et laisse un pays en bonne santé économique. Il a néanmoins échoué à s'imposer auprès de la frange conservatrice de son parti. Hostile à un leader considéré comme trop progressiste, celle-ci a utilisé le dossier climatique pour lui déclarer la guerre. L'ancien avocat a reculé, renoncé à nombre de ses convictions au nom de l'unité de son parti. Sans succès.
Scott Morrison, qui s'est imposé à une courte majorité face à Peter Dutton, le candidat de l'aile la plus à droite de la formation libérale, apparaît comme une solution de compromis. Ce protestant évangélique pratiquant, conservateur sur les sujets sociaux, très à droite sur les questions migratoires, a réussi à adoucir son image ces dernières années et a noué de solides relations avec des élus modérés. Les libéraux espèrent désormais qu'il les conduira à la victoire lors des législatives. Depuis près de deux ans, tous les sondages donnent la majorité perdante face au Parti travailliste.
Quant aux électeurs, excédés par la valse des dirigeants – c'est le sixième changement de premier ministre en onze ans –, ils pourraient se prononcer plus tôt que prévu. La majorité parlementaire ne tient qu'à une voix et M. Turnbull a annoncé vouloir démissionner de son siège de député.
I. De.
© Le Monde


25 août 2018

Le manque d'eau menace 10 000 fermes en Allemagne

Les pouvoirs publics vont débloquer 340 millions d'euros pour secourir un secteur confronté à une anomalie météorologique historique

agrandir la taille du texte
diminuer la taille du texte
imprimer cet article
Petra Döhler a la voix fatiguée. L'agricultrice, qui exploite 1 100 hectares pour la culture et l'élevage en Mecklembourg-Poméranie-Occidentale, a du mal à reconnaître son exploitation : " Je reviens à l'instant du champ. On récolte le colza. Le tracteur travaille dans un nuage de poussière, comme si on était en Arizona dans un film américain. Mais on est en Allemagne, et ce sont nos bêtes qui souffrent. C'est très dur. "
A Altwigshagen où se trouve sa ferme, il n'a quasiment pas plu depuis le mois d'avril. Une seule courte période de précipitations a apporté tout juste 20 millimètres d'eau, contre 250 en temps normal. " Les dommages aux cultures sont énormes, nous avons perdu la moitié de la récolte de céréales et obtenu très peu de fourrage pour les vaches. Le maïs n'a pas assez poussé, les épis ne sont pas assez développés. On redoute une perte de 40  % de la récolte par rapport à la moyenne annuelle ", poursuit-elle. A ces dommages s'ajoute un surplus de travail pour porter de l'eau aux cinq cents vaches de l'exploitation et à leurs veaux. " Il faut le dire : on n'y arrive plus ", dit-elle.
Le Mecklembourg-Poméranie-Occidentale est un des Länder qui a le plus souffert de la sécheresse exceptionnelle qui a touché l'Allemagne cet été. Les récoltes y sont inférieures de 25 % à la moyenne des trois dernières années. La fédération des agriculteurs rapporte que, sur l'ensemble du pays, la production de céréales accuse une baisse de 22  % par rapport à 2017, et certaines zones accusent des pertes de 50 % à 70  %. Les plantations de pommes de terre, de betteraves à sucre et le fourrage pour l'élevage sont concernés. L'est et le nord du pays sont particulièrement atteints. Dix mille exploitations sont au bord de la faillite.
Pour venir à leur secours, l'Etat a décidé de débloquer une aide d'urgence exceptionnelle, justifiée par une anomalie climatique " de dimension nationale ". Aussi 150 à 170  millions d'euros sont mis à disposition par le gouvernement fédéral, une somme qui sera doublée par les régions pour atteindre le montant jamais vu de 340  millions d'euros, a annoncé la ministre de l'agriculture, Julia Klöckner, mercredi 22  août à Berlin.
Problème de fondC'est la première fois depuis 2003 qu'un tel dispositif est mis en place. L'Etat fédéral n'avait alors débloqué que 80  millions d'euros. " L'année 2003 n'a pas été aussi terrible que 2018. Jamais je n'avais vécu une telle destruction des récoltes ", confirme Petra Döhler.
L'aide record des pouvoirs publics s'explique aussi par plusieurs mauvaises années d'affilée, qui ont réduit à néant les réserves des exploitations. En  2017, ce n'était pas de la sécheresse qu'avaient souffert les agri-culteurs, mais de pluies diluviennes.
Le plan a été accueilli avec soulagement par la fédération des agriculteurs, qui réclamait 1 milliard d'euros. Mais de nombreuses voix, y compris dans les milieux économiques, estiment que les aides d'urgence à répétition passent à côté du problème de fond : l'inadaptation du système agricole au changement climatique. Cette tendance conforte le discours tenu depuis longtemps par le parti des Verts, en forte progression dans les derniers sondages.
" Cela n'aide pas de distribuer massivement les aides sans s'intéresser aux détails. La question est : comment créons-nous une autre forme d'agriculture qui n'aggrave pas le problème climatique ? ", a déclaré Julia Baerbock, coprésidente du parti écologiste, à la radio publique DLF, lundi 20 août. S'ils soutiennent le plan d'aide, les Verts appellent à un changement profond : outre une réforme du système de subvention aux exploitations, le parti réclame davantage d'efforts pour protéger les sols de l'érosion et encourager le développement de plantes résistantes à la sécheresse.
Les plantations ne sont pas les seules à souffrir. Dans la nuit de jeudi à vendredi, de gigantesques incendies se sont déclarés dans des forêts du Brandebourg situées à 50 kilomètres au sud-ouest de Berlin. Quatre cents hectares étaient en flammes vendredi matin. Plusieurs villages ont été évacués dans la nuit. L'événement est rarissime dans cette région de l'est de l'Allemagne.
Cécile Boutelet
© Le Monde


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire