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mardi 21 août 2018

Ponts, routes, rail : un inquiétant manque d'entretien en France


18 août 2018

Ponts, routes, rail : un inquiétant manque d'entretien en France

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 Un tiers des ponts du réseau routier français devraient être réparés, 7 % présentent un risque d'effondrement : un audit du ministère des transports souligne le manque d'entretien des infrastructures
 Le réseau ferré et les voies navigables souffrent eux aussi d'un retard d'investissement. Il faudrait affecter aux transports 3 milliards d'euros par an, contre 2,4 milliards en 2018, pour inverser la tendance
 A Gênes, le plus grand port industriel de l'Italie, près de 50 000 emplois sont menacés. Avec l'effondrement du viaduc de la ville, c'est l'économie de toute la région qui est en danger
Pages 9-10
© Le Monde
 
18 août 2018

Infrastructures : la France aussi sous-investit

Des décennies de manque d'entretien fragilisent les réseaux routiers, ferroviaires et fluviaux de l'Hexagone

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LES CHIFFRES
1,07 million
C'est le nombre de kilomètres du réseau routier en France : 12 000 km de routes nationales et d'autoroutes gérées par l'Etat, 9 000 km d'autoroutes concédées au privé, 380 000 km de routes départementales et 670 000 km de voies communales. Ce réseau totalise 200 000  ponts.
30 000
C'est le kilométrage de voies ferrées que gère SNCF Réseau dans l'Hexagone. Le réseau ferré compte plus de 2 200 postes d'aiguillage, 1 500 passages à niveau, 1 500 tunnels, 1 200  passerelles et près de 26 000  ponts et viaducs.
6 700
C'est le nombre de kilomètres de fleuves, rivières et canaux gérés par Voies navigables de France. VNF gère également près de 4 000 ouvrages d'art (écluses, déversoirs, ponts…).
Un tiers des ponts du réseau routier national à réparer, dont 7  % présentent un " risque d'effondrement "Après l'écroulement catastrophique du viaduc Morandi, à Gênes, mardi 14  août, la France n'est pas épargnée par les débats qui divisent l'Italie -concernant le mauvais état des infrastructures routières.
Si le réseau italien, avec une dizaine de ponts écroulés ces cinq dernières années, apparaît particulièrement vulnérable, un récent audit commandé par le ministère des transports a  rappelé que le patrimoine routier de l'Hexagone était, lui aussi, fragilisé par des décennies de manque d'entretien.
C'est la maladie des infrastructures de transports en France : tout comme la route, le rail et les canaux souffrent d'un sous-investissement chronique, qui a entraîné pendant des années un manque de maintenance aux conséquences potentiellement dramatiques. Tour d'horizon des réseaux les plus vulnérables, alors que le gouvernement doit annoncer, à la rentrée, une loi de programmation des infrastructures.
Un réseau routier qui se dégrade Rendu public par le ministère des transports au mois de juin, l'audit effectué par deux sociétés suisses sur les 10 000  km et les 12 000  ponts du réseau routier national non concédé au privé est passé presque inaperçu jusqu'à la catastrophe de Gênes. Ses conclusions sont pourtant alarmistes : un pont sur trois à réparer, 17  % des chaussées qui nécessitent des réparations structurelles, des équipements menacés de vétusté…
Et les budgets ne suivent pas. La France investit 50 000  euros par kilomètre dans son réseau chaque année, quand le Royaume-Uni y consacre 80 000 euros. Dans l'Hexagone, un pont n'est réparé en moyenne que vingt-deux ans après l'apparition des premières dégradations, souligne l'audit.
Quant aux 380 000  km de routes départementales, aucune raison de penser qu'elles sont en meilleur état, vu les baisses de dotations auxquelles les collectivités sont confrontées. " On est dans des pourcentages de mauvais entretien similaires à ceux des routes nationales révélés par l'audit suisse ", estime-t-on à l'Observatoire national de la route, qui mène actuellement une analyse de l'état de ce patrimoine.
" Le réseau routier français est plutôt très performant, mais il se dégrade très rapidement. D'année en année, il y a un sous-investissement de 200  millions à 300  millions d'euros ", noteMatthieu Orphelin, député La République en marche (LRM) du Maine-et-Loire et membre du Conseil d'orientation des infrastructures (COI).
" Cela remonte à quinze ans, juge le président du COI, l'ex-député (PS) du Calvados Philippe Duron. Il y a d'abord la disparition du ministère de l'équipement, qui fait passer cette priorité au second plan. Puis le déni de la route à partir des années 2000, renforcé par le Grenelle de l'environnement. Et enfin les politiques de restriction budgétaire. "
Pas de péril imminent, selon les experts. " Il n'y a pas d'urgence absolue dans les cinq ans qui viennent et, étant donné les inspections auxquelles les ouvrages sont soumis en France, le risque n'est pas forcément que les ponts s'effondrent, mais plutôt qu'on soit obligés de les fermer. Plus on attend pour réaliser ces travaux de maintenance, plus il y aura urgence et plus ça coûtera cher ", prévient Jean-Michel Torrenti, ingénieur des ponts et directeur du département matériaux et structures de l'Institut français des sciences et technologies des transports, de l'aménagement et des réseaux (Ifsttar).
Un effort tardif sur le rail Le réseau ferré national a été le premier  à sonner l'alarme, en  2005. Alors que la France s'enorgueillissait à l'époque de ses succès sur la grande vitesse, qui concentrait l'essentiel des investissements, les gros nœuds ferroviaires, qui accueillent l'immense majorité des passagers, étaient jugés en voie d'obsolescence par Robert Rivier, le rapporteur d'un audit. " Si la situation actuelle devait perdurer, ne subsisterait à l'horizon 2025 qu'un tiers des 50 000 kilomètres du réseau ", insistait l'ingénieur suisse dans cette étude. " Sur le rail, ça a longtemps été la folie des grandeurs, le mythe du TGV partout, au détriment de la mobilité du quotidien, rappelle Matthieu Orphelin. Résultat : des nœuds ferroviaires congestionnés, avec des trains qui arrivent en retard et repartent encore plus en retard ".
Depuis ce rapport-choc, les gouvernements successifs ont augmenté les budgets alloués à la régénération du réseau. Ils sont passés de moins de 800  millions d'euros en  2004 à une fourchette de 2,5 milliards à 3 milliards d'euros par an aujourd'hui. Un effort trop tardif pour empêcher, en juillet  2013, l'accident ferroviaire de Brétigny-sur-Orge (Essonne), qui a  fait sept morts et une trentaine de blessés, et les multiples incidents qui compliquent les trajets des passagers.
Sur le front de la régénération et de la modernisation du rail, l'Etat devrait aller plus loin en portant les moyens de rénovation à près de 3,6  milliards d'euros par an. Et à partir de 2022, il vient de s'engager à ajouter encore 200  millions d'euros par an.
Si les sommes sont remarquables, cela pourrait ne pas suffire. En  2018, un quart des lignes sont au-delà de leur durée de vie théorique, contre 10  % à 20  % en  2012. En début d'année, Jean-Cyril Spinetta, auteur d'un rapport sur la SNCF, prévenait : " Si l'investissement reste constant, près de la moitié des 9 000  km de petites lignes pourraient être fermés aux  voyageurs d'ici à 2026 en raison de leur obsolescence. "
Des canaux prometteurs, mais négligés Le secteur ne fait jamais parler de lui. Pourtant, les canaux constituent l'un des réseaux de transport les plus prometteurs. Et les plus négligés. " Les plus mal lotis, ce sont les voies d'eau, confirme Philippe Duron. Beaucoup de gens ont cru que le fluvial n'avait pas d'avenir. Or il connaît une croissance à deux chiffres depuis quelques années, mais l'état préoccupant des infrastructures pourrait entraîner des pépins. "
Avec 6 700  km de voies d'eau (canaux, fleuves, rivières) et quelque 4 000  ouvrages installés (écluses, déversoirs, ponts, aqueducs, etc.), gérés par Voies navigables de France (VNF) et ses 4 300 agents, ce patrimoine est essentiel pour le pays à l'heure de la transition énergétique. Deux audits remis au début de l'année au gouvernement soulignent le sous-investissement chronique, mais aussi l'extrême fragilité de ce réseau.
Alors que VNF investissait encore, en  2013, 157  millions d'euros dans ses infrastructures, il n'en a investi que 136 millions en  2017. Or, selon ces audits, il faudrait dépenser plus du double pour les dix ans à venir pour maintenir un réseau, dont de nombreuses voies sont aujourd'hui déclarées impropres à la navigation.
Le problème est que VNF, doté d'un budget de 500 millions d'euros, ne dispose que de 8  % de ressources propres, ce qui est trop peu aujourd'hui pour espérer investir davantage. Le COI encourage le gouvernement à investir, pour ce seul réseau, 150  % de plus qu'aujourd'hui.
Grégoire Allix, et Philippe Jacqué
© Le Monde



18 août 2018

Taxer les poids lourds pour financer l'entretien des routes ?

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Comment financer la remise en état des routes françaises, après des décennies de sous-investissement ? Il faudrait que l'Etat affecte plus de 1  milliard d'euros par an à l'entretien et aux réparations du réseau routier tricolore pour enrayer sa dégradation et assurer son bon fonctionnement. Soit près de 400 millions d'euros de plus que l'effort budgétaire annuel consenti en moyenne ces dix dernières années, selon le récent audit réalisé par deux sociétés suisses pour le ministère des transports…
L'effort nécessaire est d'autant plus important que le rail et le fluvial souffrent, eux aussi, d'un grave retard d'investissement. Tous moyens de transport confondus, il faudrait affecter au secteur 3 milliards d'euros par an, contre 2,4 milliards en  2018, pour respecter les objectifs fixés par le président de la République et " la mise en œuvre des priorités de restauration et de modernisation du patrimoine ", estime le Conseil d'orientation des infrastructures (COI) dans son rapport remis au gouvernement le 1er  février.
" Ce n'est pas facile à entendre pour certains élus, qui défendent chacun “leur” projet, mais on assume dans ce rapport de dire que des projets d'infrastructures vont devoir attendre, qu'il faut faire des choix et parfois renoncer, affirme Barbara Pompili, députée (LRM) et membre du COI. La catastrophe de Gênes nous rappelle qu'avant de construire de nouveaux équipements, il faut que les anciens tiennent. "
" Améliorer la sécurité "Même en abandonnant certains grands projets, des recettes nouvelles seront probablement nécessaires. Dans leur rapport, le COI et son président, l'ex-député (PS) Philippe Duron, listent une série de solutions, de la concession d'une partie de ce réseau routier au secteur privé à la remise en question du taux réduit de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) pour les professionnels du transport, en passant par des systèmes de péage " sans arrêt " sur les routes nationales. " Avec la remontée du prix du baril, revoir le taux réduit de TICPE me semble hors de propos, nuance à présent Philippe Duron. Et je ne suis pas sûr que concéder ces routes au privé serait politiquement acceptable. "
Une autre piste pourrait être privilégiée par le gouvernement : celle d'une redevance temporelle sur les poids lourds et les véhicules utilitaires de livraison. " Par rapport à l'écotaxe, cette mesure non liée aux kilomètres parcourus aurait l'avantage de ne pas pénaliser les territoires excentrés comme la Bretagne et de toucher aussi les poids lourds étrangers, défend le député (LRM) Matthieu Orphelin, également membre du COI. Ce serait aussi un outil de transformation du parc de camions : les plus vertueux seraient exonérés de la taxe. "
Pour M. Duron, " les recettes de cette vignette d'usage devraient être affectées à l'entretien des routes pour la rendre acceptable : ce serait une façon d'améliorer la sécurité et les conditions de travail des transporteurs routiers. " D'après le rapport du Conseil, les recettes d'un tel dispositif pourraient atteindre 320  millions d'euros par an pour les poids lourds et 240 millions d'euros pour les véhicules utilitaires.
La ministre des transports, Elisabeth Borne, a rappelé, mercredi 15  août, qu'elle entendait présenter " à la rentrée " une loi de programmation des infrastructures. " Notre sous-investissement a été manifeste (…). L'entretien, c'est notre priorité, ça se traduit dès le budget 2018 et ça se traduira pendant plusieurs années ", a assuré la ministre. L'enveloppe consacrée à la remise en état et à l'entretien du réseau routier prévoit 800 millions d'euros en  2018, soit 100  millions de plus qu'en  2017.
G. A.
© Le Monde

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