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lundi 27 août 2018

Les déboires de BPCE avec sa banque en ligne


25 août 2018

Les déboires de BPCE avec sa banque en ligne

Fidor, rachetée en  2016, multiplie les accidents de parcours et a déjà coûté 230 millions d'euros au groupe

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Les " fintech ", ces start-up de la finance qui exhalent un parfum de modernité, sont parvenues, ces dernières années, à tourner la tête du vieux monde bancaire. Mais gare aux miroirs aux alouettes ! Le groupe mutualiste BPCE (Banque populaire Caisse d'Epargne) en fait aujourd'hui l'expérience, après avoir acquis en  2016 la banque numérique allemande Fidor.
Sur le papier, l'opération devait être un coup de maître. Le groupe coopératif était alors le dernier en France à ne disposer ni d'une banque en ligne ni d'une " néobanque ", ces établissements numériques quasi gratuits, à l'offre basique, accessibles par le biais d'une application mobile. BPCE ambitionnait de rattraper ses concurrents en mettant la main sur Fidor, un modèle bancaire " totalement innovant ", utilisant une technologie dernier cri.
Son concept ? Animer une communauté de discussions et d'avis sur les produits financiers, dont les membres sont autant de clients potentiels. Une " banque entre amis ", qui récompense financièrement les contributeurs les plus actifs. Un système original permettant d'acquérir des clients à moindre coût (moins de 30  euros).
Lorsque le groupe BPCE est démarché par la jeune " fintech ", en quête d'investisseurs, celle-ci dispose de plusieurs atouts : un agrément bancaire décroché en Allemagne en  2009, un début d'activité en Angleterre, l'ambition de lancer une offre aux Etats-Unis et un partenariat avec Telefonica O2 pour développer l'offre bancaire de l'opérateur télécoms en Allemagne. Fidor, qui affichait en  2015 un chiffre d'affaires de 21  millions d'euros, avait atteint l'équilibre opérationnel l'année précédente. L'institution mutualiste y voit une occasion de se développer à moindres frais à l'échelle internationale, en utilisant la plate-forme de Fidor. Mais, dès le rachat, des difficultés se font jour.
Placements risquésD'abord, le tarif est élevé. BPCE débourse près de 142 millions d'euros pour reprendre la néobanque, qui compte une centaine de salariés. Ce prix inclut d'emblée une première augmentation de capital de près de 40 millions d'euros. Le bilan de Fidor recèle ensuite une faille de taille : les dépôts collectés auprès de la clientèle de la banque allemande ont en grande partie (130 millions d'euros d'encours) été investis dans un portefeuille de crédits à la consommation automobile " subprimes " au Royaume-Uni afin de doper ses résultats.
Selon un observateur au fait du dossier, si BPCE n'ignorait pas l'existence de ces placements risqués et avait prévu d'y mettre fin, une dégradation rapide de ces portefeuilles de prêts serait intervenue entre la signature de la -convention de cession et le transfert de la propriété des actions. Et ce, sans que le groupe mutualiste soit mis au courant.
Puis, tout en amorçant, sous l'impulsion de son nouvel actionnaire, la réduction progressive de son exposition aux crédits " subprimes ", Fidor aurait financé la société de crédit émettrice de ces crédits risqués, The Car Finance Company (TCFC). S'est ensuivie une reprise en main du management de la " néobanque ".
Au bout du compte, la restructuration du portefeuille de crédits engendre de lourdes pertes, ce qui oblige BPCE à procéder en  2017 à une nouvelle augmentation de capital de 89 millions d'euros, comme le révélaient Les Echos en avril. D'après diverses sources, cette recapitalisation est exigée par le superviseur bancaire allemand, la BaFin. Celle-ci fait passer le message selon lequel BPCE a " quelques sujets à régler avant d'imaginer étendre l'activité de Fidor ailleurs en Europe ", souligne un proche du dossier. Le groupe mutualiste, qui avait envisagé de développer Fidor sur le continent, en bénéficiant de son agrément bancaire allemand grâce au passeport européen, doit réexaminer sa stratégie.
L'arrivée de Fidor en France, prévue initialement courant 2017, est reportée. Début 2018, à l'occasion du Paris Fintech Forum, François Pérol, alors patron de BPCE, annonce que sa " néobanque " se lancera finalement " sans licence bancaire ", optant pour " un modèle plus léger, moins coûteux ". Ce format autorisé par les directives européennes sur les services de paiement permet d'ouvrir des comptes et de gérer des paiements, mais pas de distribuer des crédits ni d'autoriser des découverts. Cette activité, même réduite, se fait toujours attendre. En juin, le site de l'enseigne a bien ouvert dans l'Hexagone, mais il ne permet à ce stade que de rejoindre la communauté Fidor.
Avenir incertain de la " fintech "Le sujet est délicat, car il a déjà coûté beaucoup d'argent au groupe : 230 millions d'euros en tenant compte des recapitalisations, auxquels s'ajoutent les pertes annuelles. Selon l'analyse des comptes 2017 du groupe effectuée par le cabinet Secafi pour les instances représentatives du personnel, la contribution négative de Fidor aux résultats du groupe s'est établie à – 38 millions d'euros. D'après une source interne, une nouvelle mouture du business plan de la " fintech " prévoyait il y a peu un retour à l'équilibre opérationnel en  2020, mais l'avenir de Fidor n'est pas encore arrêté.
A la demande de BPCE, la firme de conseil en stratégie Oliver Wyman réfléchit actuellement à " une nouvelle stratégie de développement de Fidor en Europe ", a confirmé au Monde une source proche du dossier. " Le marché des néobanques n'est pas facile. Pour l'instant, personne n'a trouvé le modèle qui permet d'atteindre le point d'équilibre. Il faut être humble. Nous n'avons pas de certitude, confie une source interne chez BPCE. Pour autant, est-ce qu'un groupe de notre taille, avec 25 % de parts de marché dans la banque de proximité, peut rester en dehors de ce mouvement ? Il est bien trop tôt pour dire si cela va marcher ou non. "
Véronique Chocron
© Le Monde

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