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lundi 27 août 2018

Entre Macron et les lobbys, une écoute assumée....


25 août 2018

Entre Macron et les lobbys, une écoute assumée

L'exécutif ne cache pas ses échanges avec les lobbyistes. Du côté de ces " représentants d'intérêts ", on se félicite d'un  contact qui n'a  jamais été aussi facile

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C'était devenu une des antiennes de la campagne présidentielle. " Emmanuel Macron n'a pas la colonne vertébrale ni la volonté " pour résister aux lobbys, s'époumonait en  2017 Benoît Hamon, alors candidat pour le Parti socialiste. " Macron n'a qu'un sujet, c'est plaire aux lobbys ", abondait Yannick Jadot, éphémère tête de pont d'Europe Ecologie-Les Verts. Le candidat d'En marche ! avait eu beau, à l'époque, " prendre l'engagement de n'être tenu par personne " et se dire " libre " de tout intérêt, comme lors du débat télévisé avant le premier tour du scrutin, rien n'y a fait.
Surgi de nulle part ou presque, Emmanuel Macron traîne depuis son élection à l'Elysée la réputation d'être davantage perméable aux " représentants d'intérêts ", l'appellation officielle des lobbys. Une étiquette héritée du passage dans le privé du futur chef de l'Etat, notamment au sein de la banque Rothschild, de 2008 à 2012. Mais qui est aussi alimentée par l'attitude " pro-business " assumée de l'exécutif, dans ses déclarations comme dans la politique menée depuis le début du quinquennat.
La réalité ? Beaucoup plus complexe, comme souvent. Fort de nouvelles pratiques, le président de la République assume d'avoir dans son entourage des personnes passées par le monde de l'entreprise ou ayant même travaillé pour des lobbys. La conseillère à l'agriculture de l'Elysée, Audrey Bourolleau, dirigeait ainsi Vin &  Société, un important organisme d'influence du monde viticole, avant de rejoindre la campagne d'Emmanuel Macron. Cédric  O, autre conseiller du président, travaillait chez le groupe aéronautique Safran ; Claudia Ferrazzi, la conseillère culture, a commencé sa carrière chez Cap Gemini et au Boston Consulting Group… Des parcours divers mais qui alimentent aussi la suspicion : durant la campagne, Emmanuel Macron avait ainsi dû écarter le médecin hospitalier Jean-Jacques Mourad de son équipe de conseillers, après s'être rendu compte qu'il était aussi rémunéré par le laboratoire Servier.
" Je peux me regarder dans la glace "De la même façon, l'exécutif revendique d'avoir choisi des ministres passés par le monde de l'entreprise : la ministre du travail Muriel Pénicaud fut DRH chez Danone, la secrétaire d'Etat à la transition écologique Brune Poirson a travaillé pour Veolia, le porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux a exercé comme lobbyiste chez Unibail-Rodamco… Edouard Philippe lui-même fut directeur des affaires publiques – c'est-à-dire lobbyiste en chef – du géant du nucléaire Areva de 2007 à 2010. " Je ne m'en excuse pas. Je l'assume et j'en suis fier ", avait d'ailleurs crânement déclaré le premier ministre sur France Inter, trois jours après son arrivée à Matignon.
S'il est assumé voire revendiqué, ce passé peut néanmoins compliquer le fonctionnement du gouvernement, avec des ministres obligés de se déporter sur certains sujets pour des raisons privées ou familiales, et pour ne pas être accusés d'être sensibles aux lobbys. Le 10  juillet, la ministre de la culture, Françoise Nyssen, a été interdite de s'occuper du secteur du livre, à la demande de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). La raison : un risque trop élevé de conflit d'intérêts, compte tenu des liens capitalistiques et familiaux de Mme Nyssen avec la maison d'édition Actes Sud, créée par son père et qu'elle a longtemps dirigée. De la même façon, la ministre de la santé, Agnès Buzyn, avait dû consentir à lâcher la tutelle de l'Inserm lors de son entrée au gouvernement, l'organisme de recherche étant dirigé par son mari, Yves Lévy. Mais Matignon n'y voit que l'inconvénient de ses avantages. " Si on choisit les gens pour leur légitimité et leur expérience professionnelle, on ne peut pas ensuite leur reprocher leur légitimité et leur expérience professionnelle ", plaide un conseiller d'Edouard Philippe, assurant que " le dialogue avec les représentants professionnels a lieu normalement ".
Interrogés par Le Monde, de nombreux conseillers ministériels reconnaissent recevoir les " représentants d'intérêts ". Mais " on le fait à charge et à décharge ", assure l'un d'eux. Accusé d'être dans les mains des syndicats agricoles comme la FNSEA, le ministre de l'agriculture, Stéphane Travert, aime ainsi rappeler que toutes les organisations professionnelles sont reçues à l'hôtel de Villeroy. " Je peux me regarder dans la glace ", martèle en privé cet ancien socialiste, fidèle d'Emmanuel Macron, assurant n'avoir " jamais repris un amendement de lobby " lorsqu'il était député de la Manche.
" Il n'y a plus de visiteurs du soir "La législation n'interdit d'ailleurs pas aux cabinets de recevoir des lobbys. Depuis 2013 et l'adoption de la loi relative à la transparence de la vie publique, les " représentants d'intérêts " sont certes obligés de déclarer leur activité dans un registre tenu par la HATVP, en précisant notamment " l'organisme pour lequel ils travaillent et les intérêts ou entités qu'ils représentent ". Mais " le fonctionnaire ou le membre du cabinet n'a pas d'obligation juridique de vérifier si l'intéressé est inscrit sur (c)e registre ", assure Marc Guillaume, le secrétaire général du gouvernement. Même chose pour les parlementaires. Matthieu Orphelin, député (LRM) de Maine-et-Loire et partisan de la transparence, a ainsi indiqué avoir reçu 115 lobbys rien qu'au deuxième trimestre 2018.
Côté lobbyistes, tous s'accordent à dire que le contact avec le pouvoir est très facile. " On n'a jamais eu une écoute publique aussi forte et constructive pour les intérêts économiques,estime Paul Boury, le président de Boury, -Tallon &  Associés, l'un des plus importants cabinets de conseil en affaires publiques. Quand une entreprise ou une association -professionnelle a besoin de faire passer des messages, c'est possible. "" L'accueil dans les  ministères est très ouvert, les conseillers  reçoivent beaucoup, les ministres aussi, abonde l'un de ses -concurrents, bien introduit dans le CAC 40. Mais il n'y a pas de -connivence. Le dialogue est très exigeant. On  nous demande d'apporter des solutions et pas seulement des revendications. "
Par contre, plus question de voir le président de la République. A la différence de -Nicolas Sarkozy ou de François Hollande, qui recevaient très facilement des patrons, - " Macron a fait tomber une sorte de herse après son élection, note le dirigeant d'une -société de conseil. Il avait tellement réseauté  avant qu'il a voulu couper les ponts après, pour ne pas se retrouver en position d'être accusé de collusion "." Il n'y a plus de -visiteurs du soir à l'Elysée ", confirme Paul  Boury, pour qui les voyages officiels sont devenus le seul moyen pour les PDG de  croiser le chef de l'Etat. " Certains arrivent  encore à échanger des textos avec lui, mais sur des généralités ", précise un autre conseiller.
Si la position d'Emmanuel Macron a surpris au départ, tant les chefs d'entreprise pensaient avoir table ouverte à l'Elysée avec son élection, elle aurait été finalement acceptée " parce que les patrons ont les moyens de faire passer leurs messages ", explique ce conseiller. Alexis Kohler, le secrétaire général de l'Elysée, ferait notamment office de filtre. " En fait, ce nouveau pouvoir a tellement la culture de l'entreprise, de l'efficacité, qu'on n'a plus besoin de voir le président ", -conclut cette source. Le stade ultime du -lobbying, en somme.
Cédric Pietralunga
© Le Monde

25 août 2018

L'union sacrée des alcooliers s'invite dans le débat sur la santé

Les professionnels du monde médico-social regrettent de ne pas être entendus par le gouvernement dans la lutte contre l'addiction à l'alcool

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Depuis l'arrivée d'Emmanuel Macron à l'Elysée, en mai  2017, la filière viticole vole de victoire en victoire, entraînant dans son sillage les lobbys de la bière, des spiritueux et des vins d'apéritif, qui pour la première fois présentent un front uni pour défendre leurs intérêts.
Dès les premiers jours du quinquennat, le ton est donné, avec la  nomination au poste de -conseillère agriculture à l'Elysée d'Audrey Bourolleau, l'ancienne déléguée générale de Vin &  Société, l'organisme chargé de défendre les intérêts de la filière. Son principal fait d'armes ? L'obtention, lors de l'examen de la loi santé en  2015, d'un nouveau détricotage de la loi Evin encadrant la publicité sur les boissons alcoolisées en France, avec la bénédiction du président de la République François Hollande, mais aussi de son ministre de l'économie… Emmanuel Macron.
Depuis l'accession de celui-ci à l'Elysée, il n'y a certes pas eu de nouvel accroc à cette loi, par ailleurs déjà bien malmenée au vu de l'omniprésence des publi-cités pour l'alcool. Mais la perspective s'éloigne chaque jour un peu plus d'un grand plan de lutte contre l'addiction à l'alcool, à l'origine de près de 50 000 morts par an en France. " Tant que je serai président, il n'y aura pas d'amendement pour durcir la loi Evin ", annonce le chef de l'Etat le 22  février en marge du Salon de l'agriculture. " Moi, je bois du vin le midi et le soir. Je crois beaucoup à la formule de Pompidou : N'emmerdez pas les Français'' ", ajoute-il, en s'adressant – notamment – aux 558 000  personnes travaillant dans le secteur du vin en France.
" Bras d'honneur "La ministre de la santé, Agnès Buzyn, ancienne présidente de l'Institut national du cancer, est, elle, sèchement renvoyée dans ses cordes. Quelques jours plus tôt, elle avait cru pouvoir rappeler que le vin était un " alcool comme les autres ". Dans ce contexte, les professionnels de l'addictologie se désolent de ne pas être entendus et regrettent la pusillanimité des pouvoirs publics. Dans une tribune publiée le 10 juillet dans  Le Mondeils dénoncent le " cynisme  du lobby des alcooliers ", après la présentation par les filières de boissons alcoolisées d'un plan de 30  mesures de prévention – peu coûteuses et non contraignantes, comme la promotion de la " consommation respon-sable ". Cette " contribution ", les alcooliers l'ont effectuée à la demande du chef de l'Etat lui-même, qui a écrit fin janvier à Vin &  Société, Brasseurs de France, la Fédération française des spiritueux, et la Fédération française des vins d'apéritif. Une initiative dont Vin &  Société se dit " surpris et ravi ".
Pour financer ces mesures, chaque acteur de la filière a accepté de verser son obole, soit 500 000  euros par an pour la filière viticole et 700 000  euros par an pour l'ensemble des brasseurs et des fabricants de spiritueux. Soit un total de 4,8 millions d'euros sur quatre ans. " Une base de dialogue, une volonté d'être crédible ", affirment les protagonistes. Un effort " minuscule ", une " pingrerie ", rétorquent les professionnels de santé, rappelant que le budget publicitaire annuel du secteur est " d'environ 500  millions ".
" Confier des mesures de prévention à un lobby, c'est un bras d'honneur à la filière santé publique et un camouflet pour la ministre de la santé ", tempête Amine Benyamina, professeur de psychiatrie et  d'addictologie à l'université -Paris-XI et coauteur de Comment l'alcool détruit la jeunesse (Albin Michel, 2017). " On a laissé les industriels faire un très beaucoup de communication car ils ont pris les mesures les plus faciles à vendre au grand public et qui les mettent le moins en danger ", ajoute Jean-Pierre Couteron, le porte-parole de  la Fédération Addiction, une structure qui fédère la grande majorité des associations du monde médico-social chargé du traitement des addictions.
Cette polémique survient alors que la présentation du plan gouvernemental de lutte contre les  addictions pour la période  2018-2022 a été repoussée au mois de septembre. Contiendra-t-il des mesures sur un prix plancher de l'alcool ? Sur un agrandissement du pictogramme interdisant le vin aux femmes enceintes ? Sur le poids réel des uns et des autres, " la teneur du plan sera le véritable juge de paix ", estime Jean-Pierre Couteron.
" Les arbitrages interministériels ont eu lieu et ont pris plus de temps que prévu ", fait-on valoir à la -Mildeca, la structure interministérielle chargée de piloter ce programme. Signe que tout n'aurait cependant pas été tranché, des mesures susceptibles de figurer dans ce plan sont toujours combattues pied à pied par les viti-culteurs. Dans une tribune publiée le 13 juillet dans LeFigaro, 64 domaines viticoles s'opposent à ce qu'ils qualifient de " pictogrammes mortifères sur les femmes enceintes et les mineurs ", qui selon eux, pourraient devoir être apposés sur les bouteilles d'alcool en France.
" Une mobilisation spontanée ", dit Pierre-Henry Gagey, patron de la maison de négoce bourguignonne Louis Jadot, cosignataire du texte. Avant de préciser que " ce sont nos instances parisiennes, en particulier Vin &  Société, qui nous ont informés d'un éventuel projet de pictogrammes rouges à placer sur l'étiquette et non sur la contre-étiquette ", mais ajoute-t-il, " je ne pense pas que la proposition soit finalisée. C'est plutôt un message que nous envoyons pour dire de ne pas aller trop loin ".
François Béguin, et Laurence Girard
© Le Monde




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Les chasseurs caressés µ dans le sens du poil

La réforme de l'activité cynégétique, préparée par le gouvernement, devrait entériner une baisse du prix du permis de chasse

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Un permis de chasse à prix réduit : ce devrait être la mesure la plus per-cutante de la réforme promise par Emmanuel Macron aux porteurs de fusil. Avec l'espoir, décryptent certains, de capterdes voix dans le monde rural, quitte à mécontenter les associations de défense de l'environnement, ulcérées à l'idée d'un cadeau aux tueurs de gibier. Le dossier sent la poudre. Ce n'est du reste pas au ministre de la transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot, qu'il a été confié, mais à son secrétaire d'Etat Sébastien Lecornu. Après avoir consulté tous les acteurs, celui-ci a remis ses propositions au chef de l'Etat et au premier ministre, qui devraient arbitrer prochainement.
Parmi tous les groupes d'influence, celui des chasseurs, représenté par l'influent lobbyiste Thierry Coste, possède il est vrai une puissance de feu considérable. Par leur nombre d'abord : 1,2 million de pratiquants selon leur fédération nationale (FNC), ce qui fait de cette activité, vante-t-elle, " le troisième loisir des Français ", après le football et la pêche. Cela, même si leurs effectifs ont fondu de moitié au cours des quatre dernières décennies, un déclin qu'ils veulent enrayer en " démocratisant " l'accès à la gâchette.
Ensuite, par les très efficaces relais dont ils disposent chez les élus locaux et au Parlement – à l'Assemblée nationale, où le groupe d'études Chasse et territoires fédère 118 membres de tous bords politiques, comme au Sénat, où le groupe Chasse et pêche  compte 68 affiliés.
" Une hérésie "Dès la mi-février, le président de la FNC, Willy Schraen, reçu à l'Elysée par le chef de l'Etat, claironnait victoire : " Dans un échange extrêmement cordial et constructif, le président de la République a donné son feu vert pour ouvrir le chantier de la réforme du permis de chasser à 200 euros ", af-firmait-il. Deux cents euros pour la validation annuelle nationale, contre 400 euros aujourd'hui pour la formule complète " petit et grand gibier ". Fin mai, dans Le Figaro, M. Lecornu a confirmé le principe d'une baisse, mais sans la chiffrer. L'objectif, a-t-il expliqué, est d'" améliorer l'accessibilité à la pratique de la chasse " et de " simplifier  le système ".
L'affaire a donné lieu à une passe d'armes au ministère de l'écologie. " Pour l'instant, rien n'a été décidé ", assurait Nicolas Hulot sur France Inter, le 6  juin, ajoutant : " Jusqu'à preuve du contraire, le ministre concerné, c'est moi. " Quelques jours plus tard, sur Europe 1, Sébastien Lecornu ripostait : " Je proposerai une simplification du permis de chasse qui conduira probablement à une diminution de celui-ci, parce qu'en retour, nous allons demander des choses aux chasseurs, notamment en matière de protection de la biodiversité ou de restauration des milieux naturels. "
" Vouloir réduire une fiscalité écologique appuyée sur le prélèvement d'un bien commun – la faune – est une hérésie, s'étrangle Yves Vérilhac, le directeur général de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO). Il faudrait l'augmenter. Le tarif actuel de 400  euros pour le permis national est très faible au regard de la valeur vénale d'un grand gibier tel qu'un cerf ou un chamois, qui dépasse 1 000  euros pièce. "
La formule finalement retenue par le gouvernement pourrait être celle d'un permis unique, pour tout le territoire, dont le prix se rapprocherait de l'actuelle validation départementale, autour de 150  euros. Mais la réforme en gestation est plus vaste. Elle vise aussi à mettre en place une " gestion adaptative  des espèces ". En clair, à augmenter ou à réduire les quotas de chasse autorisés pour chaque type de gibier, en fonction de l'état de leurs populations.
Si elles ne sont pas hostiles à ce principe, les ONG sont sur leurs gardes. " Nous sommes favorables à une réforme de la chasse à la française, la plus rétrograde d'Europe, avec 64 espèces chassables – plus que dans aucun autre pays –, dont 20 sont pourtant classées en mauvais état de conservation dans la liste rouge de l'Union internationale pour la conservation de la nature ", précise Yves Vérilhac. Parmi elles – toutes des oiseaux – figurent par exemple la barge à queue noire, la macreuse brune, le courlis cendré, la sarcelle d'été et la tourterelle des bois.
Mais, poursuit le directeur de la LPO, " il est hors de question que, sous prétexte de gestion adaptative, on ajoute de nouvelles espèces au tableau de chasse ". Car, " même si cette activité n'est pas la cause principale de la perte de biodiversité, surtout imputable à la destruction des habitats naturels, elle ne fait que l'amplifier ". Un grief qui courrouce les chasseurs, prompts à se revendiquer comme les meilleurs " protecteurs de la nature ". Le gouvernement, lui, assure vouloir agir dans l'intérêt de la biodiversité autant que des chasseurs.
A cet effet pourrait être organisé le rapprochement de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) et de l'Agence française pour la biodiversité (AFB), créée en janvier  2017 et issue de la loi pour la reconquête de la biodiversité de 2016. Lors de l'examen de cette loi, les chasseurs, qui détiennent la moitié des sièges du conseil d'administration de l'ONCFS dont ils ont fait leur " chasse gardée ", s'étaient farouchement opposés à son rattachement à la nouvelle agence. Le conflit pourrait être tranché par la réunion des deux entités au sein d'une nouvelle structure.
Celle-ci regrouperait l'ensemble des missions de police de l'environnement et de la ruralité, pour mieux contrôler la chasse et protéger les milieux naturels. Le " plan biodiversité " présenté le 4  juillet va dans ce sens : il prévoit, pour assurer ces tâches, " une taille critique "d'effectifs, " de l'ordre de quinze agents par département ", et annonce que " les pouvoirs de police des inspecteurs de l'environnement seront renforcés ".
Emmanuel Macron n'est pas le premier président à courtiser le monde cynégétique. Mais celui-ci a rarement été autant caressé dans le sens du poil. Au domaine de Chambord (Loir-et-Cher), où il fêtait en famille, le week-end des 16 et 17  décembre 2017, son quarantième anniversaire – " Noël avant l'heure ", a-t-il ensuite fait savoir –, le chef de l'Etat a longuement rencontré les présidents des fédérations de chasse réunis pour une " battue de régulation " des sangliers, en les assurant de son soutien. Durant la campagne présidentielle, il s'était dit favorable à la réouverture des chasses présidentielles, supprimées en  2010 par Nicolas Sarkozy mais associées, à ses yeux, à la " culture française ".
En mars  2017, devant le congrès annuel des chasseurs, le candidat Macron avait conquis son auditoire en déclarant : " Je veux porter avec vous un discours de développement de la chasse en France. " Une activité " culturelle, économique, environnementale et sociale " qu'il avait érigée en " mode de vie (…) qui fait partie de l'identité française ". En sortant aujourd'hui une réforme au goût du terroir, il espère montrer qu'il n'est pas seulement le " président des villes ", mais aussi celui des campagnes.
Pierre Le Hir
© Le Monde




25 août 2018

Les chasseurs caressés µ dans le sens du poil

La réforme de l'activité cynégétique, préparée par le gouvernement, devrait entériner une baisse du prix du permis de chasse

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Un permis de chasse à prix réduit : ce devrait être la mesure la plus per-cutante de la réforme promise par Emmanuel Macron aux porteurs de fusil. Avec l'espoir, décryptent certains, de capterdes voix dans le monde rural, quitte à mécontenter les associations de défense de l'environnement, ulcérées à l'idée d'un cadeau aux tueurs de gibier. Le dossier sent la poudre. Ce n'est du reste pas au ministre de la transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot, qu'il a été confié, mais à son secrétaire d'Etat Sébastien Lecornu. Après avoir consulté tous les acteurs, celui-ci a remis ses propositions au chef de l'Etat et au premier ministre, qui devraient arbitrer prochainement.
Parmi tous les groupes d'influence, celui des chasseurs, représenté par l'influent lobbyiste Thierry Coste, possède il est vrai une puissance de feu considérable. Par leur nombre d'abord : 1,2 million de pratiquants selon leur fédération nationale (FNC), ce qui fait de cette activité, vante-t-elle, " le troisième loisir des Français ", après le football et la pêche. Cela, même si leurs effectifs ont fondu de moitié au cours des quatre dernières décennies, un déclin qu'ils veulent enrayer en " démocratisant " l'accès à la gâchette.
Ensuite, par les très efficaces relais dont ils disposent chez les élus locaux et au Parlement – à l'Assemblée nationale, où le groupe d'études Chasse et territoires fédère 118 membres de tous bords politiques, comme au Sénat, où le groupe Chasse et pêche  compte 68 affiliés.
" Une hérésie "Dès la mi-février, le président de la FNC, Willy Schraen, reçu à l'Elysée par le chef de l'Etat, claironnait victoire : " Dans un échange extrêmement cordial et constructif, le président de la République a donné son feu vert pour ouvrir le chantier de la réforme du permis de chasser à 200 euros ", af-firmait-il. Deux cents euros pour la validation annuelle nationale, contre 400 euros aujourd'hui pour la formule complète " petit et grand gibier ". Fin mai, dans Le Figaro, M. Lecornu a confirmé le principe d'une baisse, mais sans la chiffrer. L'objectif, a-t-il expliqué, est d'" améliorer l'accessibilité à la pratique de la chasse " et de " simplifier  le système ".
L'affaire a donné lieu à une passe d'armes au ministère de l'écologie. " Pour l'instant, rien n'a été décidé ", assurait Nicolas Hulot sur France Inter, le 6  juin, ajoutant : " Jusqu'à preuve du contraire, le ministre concerné, c'est moi. " Quelques jours plus tard, sur Europe 1, Sébastien Lecornu ripostait : " Je proposerai une simplification du permis de chasse qui conduira probablement à une diminution de celui-ci, parce qu'en retour, nous allons demander des choses aux chasseurs, notamment en matière de protection de la biodiversité ou de restauration des milieux naturels. "
" Vouloir réduire une fiscalité écologique appuyée sur le prélèvement d'un bien commun – la faune – est une hérésie, s'étrangle Yves Vérilhac, le directeur général de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO). Il faudrait l'augmenter. Le tarif actuel de 400  euros pour le permis national est très faible au regard de la valeur vénale d'un grand gibier tel qu'un cerf ou un chamois, qui dépasse 1 000  euros pièce. "
La formule finalement retenue par le gouvernement pourrait être celle d'un permis unique, pour tout le territoire, dont le prix se rapprocherait de l'actuelle validation départementale, autour de 150  euros. Mais la réforme en gestation est plus vaste. Elle vise aussi à mettre en place une " gestion adaptative  des espèces ". En clair, à augmenter ou à réduire les quotas de chasse autorisés pour chaque type de gibier, en fonction de l'état de leurs populations.
Si elles ne sont pas hostiles à ce principe, les ONG sont sur leurs gardes. " Nous sommes favorables à une réforme de la chasse à la française, la plus rétrograde d'Europe, avec 64 espèces chassables – plus que dans aucun autre pays –, dont 20 sont pourtant classées en mauvais état de conservation dans la liste rouge de l'Union internationale pour la conservation de la nature ", précise Yves Vérilhac. Parmi elles – toutes des oiseaux – figurent par exemple la barge à queue noire, la macreuse brune, le courlis cendré, la sarcelle d'été et la tourterelle des bois.
Mais, poursuit le directeur de la LPO, " il est hors de question que, sous prétexte de gestion adaptative, on ajoute de nouvelles espèces au tableau de chasse ". Car, " même si cette activité n'est pas la cause principale de la perte de biodiversité, surtout imputable à la destruction des habitats naturels, elle ne fait que l'amplifier ". Un grief qui courrouce les chasseurs, prompts à se revendiquer comme les meilleurs " protecteurs de la nature ". Le gouvernement, lui, assure vouloir agir dans l'intérêt de la biodiversité autant que des chasseurs.
A cet effet pourrait être organisé le rapprochement de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) et de l'Agence française pour la biodiversité (AFB), créée en janvier  2017 et issue de la loi pour la reconquête de la biodiversité de 2016. Lors de l'examen de cette loi, les chasseurs, qui détiennent la moitié des sièges du conseil d'administration de l'ONCFS dont ils ont fait leur " chasse gardée ", s'étaient farouchement opposés à son rattachement à la nouvelle agence. Le conflit pourrait être tranché par la réunion des deux entités au sein d'une nouvelle structure.
Celle-ci regrouperait l'ensemble des missions de police de l'environnement et de la ruralité, pour mieux contrôler la chasse et protéger les milieux naturels. Le " plan biodiversité " présenté le 4  juillet va dans ce sens : il prévoit, pour assurer ces tâches, " une taille critique "d'effectifs, " de l'ordre de quinze agents par département ", et annonce que " les pouvoirs de police des inspecteurs de l'environnement seront renforcés ".
Emmanuel Macron n'est pas le premier président à courtiser le monde cynégétique. Mais celui-ci a rarement été autant caressé dans le sens du poil. Au domaine de Chambord (Loir-et-Cher), où il fêtait en famille, le week-end des 16 et 17  décembre 2017, son quarantième anniversaire – " Noël avant l'heure ", a-t-il ensuite fait savoir –, le chef de l'Etat a longuement rencontré les présidents des fédérations de chasse réunis pour une " battue de régulation " des sangliers, en les assurant de son soutien. Durant la campagne présidentielle, il s'était dit favorable à la réouverture des chasses présidentielles, supprimées en  2010 par Nicolas Sarkozy mais associées, à ses yeux, à la " culture française ".
En mars  2017, devant le congrès annuel des chasseurs, le candidat Macron avait conquis son auditoire en déclarant : " Je veux porter avec vous un discours de développement de la chasse en France. " Une activité " culturelle, économique, environnementale et sociale " qu'il avait érigée en " mode de vie (…) qui fait partie de l'identité française ". En sortant aujourd'hui une réforme au goût du terroir, il espère montrer qu'il n'est pas seulement le " président des villes ", mais aussi celui des campagnes.
Pierre Le Hir
© Le Monde

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