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lundi 27 août 2018

En Irlande, le pape face aux scandales de pédophilie.....


25 août 2018

En Irlande, le pape face aux scandales de pédophilie

Les catholiques attendent des mesures de François lors de la Rencontre mondiale des familles, les 25 et 26 août

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LE CONTEXTE
L'Eglise catholique d'Irlande est ébranlée par plusieurs scandales révélés dans les années 1980.
Abus sexuels
" Les abus sexuels étaient endémiques dans les institutions pour garçons " entre 1936 et la fin des années 1990, a établi une commission publique. Plus de 14 500 personnes se sont adressées au dispositif public de compensations financières mis en place pour les victimes.
Esclavage
Entre 1922 et 1996, plus de 10 000 jeunes filles et femmes au comportement " immoral " ont travaillé gratuitement dans des blanchisseries exploitées commercialement par des religieuses catholiques.
Infanticides
Lancement en 2015 d'une commission publique pour enquêter sur 18 maisons " mère-enfant " qui hébergeaient de jeunes filles-mères non mariées, pour examiner le " fort taux de mortalité " de nouveau-nés. Selon une historienne, à Tuam, près de 800 enfants nés dans l'une de ces maisons ont été enterrés dans une fosse -commune, entre 1925 et 1961.
Le dernier (et premier) pape à s'être rendu en Irlande était Jean Paul II. Durant sa visite, à l'automne 1979, l'écrasante majorité des Irlandais allait à la messe le dimanche. La contraception était difficile d'accès, le divorce interdit, l'avortement passible de prison à vie, l'homosexualité d'emprisonnement. Les politiques et l'institution ecclésiale partageaient des valeurs et cela se traduisait en de nombreux domaines par l'imbrication de l'Eglise et de l'Etat. La violence qui dominait alors l'actualité et les esprits était celle des affrontements entre catholiques et protestants, en Irlande du Nord. A Drogheda, sur la côte est, le pontife polonais y avait consacré l'essentiel de son homélie. " Je vous supplie à genoux de vous détourner des sentiers de la violence ",avait-il lancé aux jeunes Irlandais.
Trente-neuf ans plus tard, c'est une autre Irlande que devait rencontrer François, samedi  25 et -dimanche 26 août, à l'occasion de la clôture de la Rencontre mondiale des familles, organisée tous les trois ans par l'Eglise catholique. La pratique religieuse y demeure l'une des plus élevées d'Europe et 90 % des élèves sont toujours scolarisés dans des institutions catholiques. Mais trois référendums symbolisent le chemin parcouru : le divorce a été légalisé en  1995 par 50,3 % des votants, le mariage entre personnes du même sexe en  2015 par 62,07  %, l'interruption volontaire de grossesse le 25  mai 2018 par 66,4  % des voix.
Surtout, au cours des années 1990 et 2000, les Irlandais ont découvert les innombrables violences, notamment sexuelles, commises sur des enfants et des femmes, par des prêtres ou derrière les portes d'institutions administrées par l'Eglise catholique. Des prêtres pédophiles ont été protégés, des bébés de " filles-mères " exploitées par des religieuses dans des blanchisseries ont été vendus, des élèves de collèges, d'orphelinats et de centres d'apprentissages ont été battus, humiliés et certains violés. Dans le seul diocèse de Dublin, la commission d'enquête présidée par la juge Yvonne Murphy avait établi, en  2009, qu'au moins 46 prêtres avaient commis des agressions sexuelles sur des enfants pour la période 1975-2004, et que quatre archevêques successifs les avaient protégés. Aujourd'hui, les vocations religieuses et sacerdotales sont en chute libre.
Eradiquer ce fléauAucune destination ne pouvait entrer plus en résonance avec les préoccupations actuelles du pape François. Les cas de violences sexuelles, en particulier sur mineurs, impliquant des clercs, comme aux Etats-Unis et au Chili, même commis il y a des années, continuent d'interroger sur la façon dont des évêques et des supérieurs de congrégation y ont fait face. Dans une lettre adressée au " peuple de Dieu ", lundi 20  août, le pontife argentin a appelé tous les catholiques à prendre leur part d'un mouvement de " transformation " de l'Eglise pour éradiquer ce fléau.
Mais, pour beaucoup d'associations de victimes, le chef de l'Eglise catholique ne saurait s'en tenir à cette invocation. Elles attendent de lui des réformes concrètes pour contraindre ceux qui auraient couvert ces faits à répondre de leurs actes passés et pour empêcher toute dissimulation à l'avenir. Certains ecclésiastiques aussi se sont exprimés en ce sens. " Il ne suffit pas de s'excuser ", a ainsi -affirmé l'archevêque de Dublin, Mgr Diarmuid Martin, dans son homélie, dimanche. " Les structures qui ont permis ou facilité les abus doivent être démantelées, et démantelées pour toujours. " Mgr Martin, dont l'engagement contre les abus et ceux qui les couvrent est reconnu, est l'un des organisateurs des rencontres.
Comme il y a trois ans, et comme il le fait régulièrement, le pontife rencontrera des victimes d'abus sexuels pendant son court séjour de trente-deux  heures en Irlande. Mais, dans cette atmosphère, il pourra difficilement se limiter à exprimer sa " honte " et sa " douleur ", des mots déjà employés il y a trois ans, aux précédentes journées mondiales de la famille, qui s'étaient tenues à Philadelphie (Etats-Unis). D'autant que, depuis quelques jours, c'est l'attitude du Saint-Siège lui-même, pendant ces scandales, qui est à nouveau examiné.
Les enquêtes sur les violences contre les enfants diligentées par les autorités irlandaises avaient à l'époque suscité de fortes tensions diplomatiques avec le Saint-Siège. L'exécutif irlandais a accusé à plusieurs reprises l'administration vaticane de vouloir les entraver. Devant le Parlement, le premier ministre Enda Kenny avait accusé le Vatican de minimiser les crimes perpétrés. En  2011, Dublin a même fermé son ambassade près le Saint-Siège – avant de la rouvrir en  2014. D'anciens dirigeants irlandais ont révélé, ces jours derniers, d'autres aspects peu reluisants de leurs contacts avec le sommet de l'Eglise catholique.
Dédommager l'EgliseL'ex-présidente Mary McAleese a ainsi raconté à l'Irish Times que, alors qu'elle se trouvait en Italie pour une visite d'Etat, en novembre  2003, le cardinal Angelo Sodano, alors secrétaire d'Etat (numéro deux du Vatican) de Jean Paul II, lui avait soumis l'idée d'un accord entre les deux Etats. Selon elle, il était " très clair " que cet accord était destiné " à protéger les archives vaticanes et diocésaines " contre la curiosité de la justice irlandaise. Elle a refusé tout net la discussion. " Ce fut l'un des moments les plus dévastateurs de ma présidence ", a-t-elle déclaré. Un an plus tard, le même cardinal aurait demandé, cette fois au ministre des affaires étrangères irlandais, Dermot Ahern, que Dublin reconnaisse sa part de responsabilité et dédommage l'Eglise en cas d'indemnisation ordonnée par les tribunaux.
Pendant la préparation de cette rencontre mondiale, il a aussi été question de l'attitude de l'Eglise envers les personnes LGBT (lesbiennes, gays, bisexuels, trans). Jeudi, le jésuite américain James Martin, qui milite pour des changements en la matière, a affirmé que les catholiques LGBT avaient " souvent été traités comme des lépreux par l'Eglise " et il a incité les prêtres à leur demander pardon : " Ça ne résout pas tout, mais c'est un début. " Une pétition avait été lancée – en vain – par des organisations catholiques conservatrices pour demander que cet intervenant soit déprogrammé. Le premier ministre irlandais, Leo Varadkar, a prévenu de son côté que, s'il en avait l'occasion, il dirait au pape François " que les familles aujourd'hui revêtent des formes différentes, y compris celle de familles composées de couples de même sexe ".
Une association irlandaise de prêtres catholiques a récemment demandé à de nombreux fidèles ce qu'ils voulaient dire au pape François lors de sa venue. La question la plus souvent mise en avant était celle de la place des femmes dans l'Eglise, notamment, mais pas seulement, à travers celle de leur ordination. Celle d'hommes mariés, la place des homosexuels et celle du pouvoir dans l'Eglise arrivaient aussi en bonne place.
Cécile Chambraud
© Le Monde


25 août 2018

Donald Wuerl, l'archevêque de Washington, dans la tourmente

Le cardinal, cité 206 fois dans une enquête sur des abus sexuels perpétrés par des prêtres de Pennsylvanie, a renoncé à se rendre en Irlande

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La rentrée s'annonçait chargée et prolifique pour le cardinal Donald Wuerl, l'une des figures de l'épiscopat américain : un discours d'introduction lors de la Rencontre mondiale des familles, à Dublin, samedi 25  août ; la sortie de deux livres sur la foi et l'Eglise, en septembre et octobre. Mais, quelques jours après les révélations d'abus sexuels perpétrés dans des diocèses de Pennsylvanie, où il fut évêque durant dix-huit ans, l'archevêque de Washington a préféré renoncer à son déplacement en Irlande ; la publication d'au moins l'un de ses ouvrages, malencontreusement intitulé " Que voulez-vous savoir ? ", est reportée sine die. Une pétition signée par plus de 7 000 personnes demande sa démission. Et, mercredi, le lycée catholique de Pittsburgh qui portait son nom a décidé de se débaptiser, " à la demande du cardinal ", assure l'établissement.
Mille enfants entre 1940 et 2010En quelques jours, ce proche du pape François, dont la carrière a connu une ascension sans heurts, a été pris dans la tourmente du nouveau scandale de pédophilie, qui, seize ans après la déflagration venue de l'archidiocèse de Boston – qui a couvert des prêtres pédophiles pendant des années, comme l'a révélé une enquête du Boston Gobe –, entache de nouveau l'Eglise catholique aux Etats-Unis. Son nom est cité 206 fois dans le rapport rendu public le 14  août par un grand jury, à la suite d'une enquête des services du procureur de Pennsylvanie.
Elle a révélé des abus sexuels perpétrés par plus de 300 " prêtres prédateurs ", dont ont été victimes au moins 1 000 enfants entre les années 1940 et 2010. Elle dénonce avec virulence le rôle de la hiérarchie catholique qui a couvert ces crimes. Selon les rapporteurs, Donald Wuerl, qui, durant ses années passées à Pittsburgh (de 1988 à 2006), a été confronté à 32 prêtres pédophiles, a, dans certains cas, empêché les prédateurs de poursuivre leurs crimes en les destituant de leur ministère. Parfois contre l'avis même du Vatican. Mais il s'est aussi rendu coupable d'en avoir muté d'autres de diocèse en diocèse, en connaissance de cause. Il a notamment fourni un travail et prêté de l'argent à un prêtre connu pour ses troubles sexuels. Dans les années qui ont suivi, d'autres victimes se sont fait connaître.
Peu prolixe depuis la publication du rapport, le cardinal Wuerl, qui s'est toujours efforcé d'apparaître " du côté des victimes ", a affirmé avoir agi " avec diligence pour éviter d'autres abus " ; il a aussi jugé que l'Eglise n'était pas là face à une " crise d'ampleur ". Son porte-parole et son avocat ont, eux, estimé que le cardinal s'en était tenu aux normes en vigueur à l'époque, qu'il s'agisse de règlements à l'amiable avec les victimes ou de la non-dénonciation des plaintes à la police ou à la justice. Alors que beaucoup, dans l'institution, estiment que l'Eglise, depuis une quinzaine d'années, a progressé dans la gestion de ces crimes, le procureur général de Pennsylvanie, Josh Shapiro, a balayé ces arguments. " Le viol d'un enfant est un viol, qu'il se produise dans les années 1980, 1990 ou en  2018, et ce n'est jamais acceptable de couvrir - ces actes - comme le cardinal Wuerl l'a fait. "
Proximité avec le papeCes mises en cause s'ajoutent aux interrogations sur l'attitude de Donald Wuerl envers son prédécesseur, Theodor McCarrick, 88 ans, forcé à la démission du collège cardinalice en juillet après des accusations d'agressions sexuelles sur mineurs et sur majeurs lorsqu'il était prêtre. Depuis que, en juin, des diocèses du New Jersey ont révélé que le cardinal McCarrick avait réglé en justice deux affaires en  2004 et 2007, beaucoup se demandent ce que savait de ces agissements le cardinal Wuerl, qui le côtoie depuis 2006.
Mais au sein de l'Eglise aux Etats-Unis, certains ne s'émeuvent guère de son sort. Les cercles les plus conservateurs, critiques du pontificat de François, jugent l'archevêque de Washington trop modéré sur certains sujets de société, tels que l'homosexualité, l'avortement ou la communion accordée aux divorcés et remariés. Sans être pour autant un " libéral ", Wuerl est réputé pour sa proximité avec le pape, qui l'a nommé peu après son élection membre de l'influente congrégation pour les évêques. François n'a, pour l'heure, pas évoqué son cas. Le pape est le seul à pouvoir accepter son éventuelle démission ou sa mise à la retraite.
Stéphanie Le Bars
© Le Monde


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