Translate

vendredi 10 août 2018

En Californie, des incendies record incontrôlables


10 août 2018

En Californie, des incendies record incontrôlables

Le risque de grands feux augmente aux Etats-Unis, où 30 000 pompiers sont actuellement mobilisés

agrandir la taille du texte
diminuer la taille du texte
imprimer cet article
La Californie est ravagée, depuis un mois, par les plus grands feux de forêts de son histoire. Selon les services forestiers locaux (Cal Fire), pas moins de dix-huit foyers distincts dont huit majeurs étaient toujours actifs dans l'Etat, jeudi 9  août au matin, dont le plus vaste qui y ait jamais été enregistré, le Mendocino Complex Fire.
Faisant rage à environ 150  kilomètres au nord de San Francisco, il a déjà parcouru environ 121 000 hectares, soit la superficie de la ville de Los Angeles. Les autorités californiennes ont annoncé mardi que les pompiers ne seraient sans doute pas en mesure de le maîtriser complètement avant début septembre.
Les records tombent à un rythme toujours plus inquiétant : le dernier en date était détenu par le Thomas Fire, qui a brûlé environ 114 000 hectares en décembre  2017. Depuis mi-juillet, des dizaines de milliers de Californiens ont dû être évacués. Le bilan, provisoire, fait état d'une dizaine de morts, dont quatre pompiers.
L'Ouest américain a, dans l'histoire récente, été plus fréquemment frappé par de grands incendies que l'Europe. Y persistent en effet de grandes étendues boisées non encore altérées, au contraire des forêts du Vieux Continent, beaucoup plus fragmentées par des siècles d'activités et de présence humaine. Jeudi au matin, le seul Mendocino avait déjà brûlé une surface cinq fois supérieure à celle de tous les incendies qui ont frappé la France en  2017.
Persistance de vents violentsMais outre la persistance des grandes surfaces forestières américaines, le changement climatique accroît fortement le risque d'incendies incontrôlables. Selon les données de Cal Fire, sur les dix foyers les plus étendus recensés depuis 1932 en Californie, huit se sont produits depuis 2000, dont quatre depuis 2012. " Cela s'inscrit dans une tendance, une nouvelle normalité, avec laquelle nous devons composer ", a déclaré aux journalistes le gouverneur de la Californie, Jerry Brown.
Des phénomènes saisonniers subtils rendent cette saison californienne des incendies particulièrement active. " L'hiver 2016-2017 a été extrêmement humide dans le nord de la Californie, d'où une production exceptionnelle d'herbacées désormais sèches, qui sont aujourd'hui autant de mèches capables de transporter le feu ", explique John Abatzoglou, professeur associé à l'université de l'Idaho et spécialiste des liens entre climat et incendie.
Les grands feux qui font actuellement rage se déploient d'ailleurs aussi, note le chercheur, dans des environnements mixtes de broussailles et d'arbres épars. " Cette région particulière avait en outre connu peu d'incendies récents, le combustible y est donc abondant ", ajoute Mark Finney, chercheur au service national des Forêts dans la région du Montana.
" De plus, des conditions de sécheresse se sont installées dans le nord de l'Etat dès l'hiver 2017-2018, avec des précipitations inférieures à la normale, sans compter que les hautes températures de cet été ont contribué à dessécher la végétation, constate M. Abatzoglu. Avec un mercure nocturne qui reste élevé, les feux peuvent continuer à se propager la nuit, ce qui rend la lutte plus difficile. " La persistance de vents violents n'arrange rien.
Les 4 000 soldats du feu sont à pied d'œuvre sur le Mendocino et se trouvent aux prises avec ce qu'il est convenu d'appeler un " triangle du feu ". L'expression désigne les trois moteurs du brasier à éteindre : le combustible (branches, buissons, arbustes, arbres…), le carburant (l'oxygène) et l'énergie (la chaleur). Pour le combattre, ils ont évidemment recours à l'eau, répandue par des moyens aériens ou terrestres, qui fait baisser la température des combustibles et ralentit leur embrasement. Sa vapeur prend aussi la place de l'oxygène, limitant la combustion.
Les produits retardants, à base de fertilisants phosphatés et d'eau, consomment de l'énergie et ralentissent le feu. Leur couleur rouge caractéristique sert à les repérer et à s'assurer qu'une zone est bien couverte. Ils peuvent être épandus depuis les airs ou le sol. Enfin, pour diminuer le combustible, les pompiers pratiquent des débroussaillages au moyen de tronçonneuses ou d'engins de chantier et allument des contre-feux tactiques. Amorcés durant les nuits, ces derniers prennent la forme de feux contrôlés, de taille limitée et visent à consommer la matière végétale. Ces zones d'intervention de plusieurs centaines de mètres de long et des dizaines de large, doivent éviter que des braises " sautent " plus loin.
" L'objectif est de diminuer le front de propagation, de le resserrer de manière à ce qu'il ne forme plus qu'une pointe, plus facile à attaquer ", résume Michaël Bernier, responsable de la communication de la direction française de la sécurité civile. En Californie, l'une des difficultés est le vent, qui apporte de l'oxygène aux flammes, accélère la propagation du sinistre notamment par la formation de braises volantes, et empêche les largages aériens d'eau à basse altitude, devenus trop risqués.
En outre, le feu, par la chaleur qu'il génère, crée aussi des turbulences et des vents thermiques qui peuvent l'accélérer. En moyenne, un front se propage à la vitesse de trois kilomètres par heure environ mais peut, dans certaines conditions, avancer trois fois plus vite. " Les pompiers font face aussi à des terrains pentus et inaccessibles. Les habitations et infrastructures ont des accès limités compliquant les évacuations,indique en outre un porte-parole des services forestiers fédéraux. Et puis les pompiers sont fatigués. Leur état de santé est néanmoins surveillé tout au long de la saison des incendies pour s'assurer qu'ils sont reposés et médicalement aptes au travail. "
" De plus en plus étendus "Autre spécificité américaine, le débroussaillement, fortement recommandé par les autorités, n'est pas obligatoire, contrairement par exemple à la France. " Chaque année, les feux semblent de plus en plus étendus, preuve que nous ne savons pas gérer nos terrains, regrette Mark Finney. Nous accumulons les connaissances sur les incendies, sans les appliquer. Nous ne faisons pas assez de prévention. "
Enfin, outre les incendies les plus médiatisés du grand Etat de la Côte ouest, de nombreux foyers sont actifs simultanément dans tout l'Ouest américain. Seize en Alaska, treize au Colorado, onze en Arizona, quinze dans l'Oregon, selon les données du Centre national américain des incendies. Au total, 107 grands feux ont déjà brûlé près de 650 000 hectares dans 14 Etats. " Cela met à rude épreuve les ressources de lutte contre les incendies, constate M. Abatzoglu. Nous avons actuellement plus de 30 000 personnes qui luttent contre les incendies aux Etats-Unis et nous avons reçu des contributions de la Nouvelle-Zélande et de l'Australie. "
Sur ces 30 000 soldats du feu, 14 000 sont mobilisés en Californie. " Les ressources de lutte contre les incendies étant limitées, le synchronisme des feux limite vraisemblablement la capacité à contrôler les plus grands ", conclut le chercheur américain.
Stéphane Foucart et David Larousserie
© Le Monde

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire