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lundi 27 août 2018

Bruxelles se penche sur les dérives du business des " visas en or "


25 août 2018

Bruxelles se penche sur les dérives du business des " visas en or "

La vente de passeports et de cartes de séjour, pratiquée par plusieurs Etats européens, favorise le blanchiment et la corruption

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La Commission européenne va inciter des Etats membres de l'Union à examiner de plus près les conditions d'octroi de " golden visas " – " visas en or " – à des étrangers extracommunautaires. Depuis quelques années, Russes, Chinois ou Américains aisés peuvent acquérir un titre de séjour ou un passeport qui leur facilite l'accès à un pays de l'Union, et donc à l'espace sans passeport de Schengen. Vera Jourova, la commissaire à la justice, redoute que la pratique facilite le blanchiment d'argent, la corruption et présente des risques pour la sécurité.
Malte, Chypre et la Bulgarie sont particulièrement ciblées. Les cas de l'Autriche, de la Grèce, de la Hongrie, de la Lituanie, de la Lettonie et du Portugal vont aussi être scrutés. La " citoyenneté européenne achetée " a-t-elle vécu ? Sans doute pas : Bruxelles n'a pas la compétence pour interdire ces pratiques. La Commission entend toutefois faire pression sur les capitales, dans le cadre de ses efforts accrus dans la lutte contre le blanchiment et la corruption. Mme  Jourova évoquait récemment, dans le Financial Times, " l'obligation d'exigences élevées et de prudence ", pour des pays invités à prendre en compte qu'ils accordent " une citoyenneté pour toute l'Europe ".
Attirer des oligarquesLes capitales peuvent établir comme elles l'entendent les critères d'admission pour des étrangers extracommunautaires. Mme  Jourova juge toutefois utile de dresser, en liaison avec la Banque centrale européenne et l'Autorité bancaire européenne, un premier bilan d'une pratique qui a visiblement entraîné des dérives et l'arrivée de capitaux douteux en Europe. Un millier de " visas en or " ont été délivrés en  2016 et Bruxelles veut en savoir plus sur les bénéficiaires de ces plans de " citoyenneté contre argent ". Le cas de Malte interpelle particulièrement. Une personne peut y acquérir la citoyenneté en échange d'un investissement de 650 000  euros et 150 000 euros en actions ou en bons d'Etat. La -mesure a bénéficié à de nombreux Russes.
Chypre, elle, entendait aussi attirer des oligarques en promettant la nationalité et un passeport européen à ceux qui investissaient 2  millions, sans obligation de résidence. L'ONG Transparency International a mis en évidence le cas d'Oleg Deripaska, un milliardaire proche de Vladimir Poutine et ancien partenaire en affaires de Paul Manafort, l'ex-directeur de campagne de Donald Trump.
Si Mme  Jourova espère obtenir une révision des règles d'octroi de la citoyenneté, le Conseil des migrations par l'investissement (IMC), principal lobby du secteur basé à Genève, conteste tout danger sécuritaire et défend la pratique. " Les programmes permettent aux Etats souverains de réunir des capitaux importants ; les gouvernements, des plus petits pays en particulier, peuvent réduire les déficits et la dépendance aux partenaires financiers externes, et investir dans des infrastructures vitales ", affirme cette organisation.
Les projets de Mme Jourova constituent, en tout cas, un virage pour la Commission. Ses prédécesseurs estimaient, en pleine crise économique et financière, que cette nouvelle forme d'immigration choisie devait être encouragée. En Espagne, une loi votée en septembre  2013 concède à ceux qui achètent un bien immobilier de plus de 500 000  euros, ou 2  millions d'euros de bons d'Etat, un permis de séjour provisoire pouvant devenir définitif si le bien n'est pas vendu dans un délai de cinq ans.
L'Autriche accorde, selon des -critères vagues, la nationalité à ceux qui ont rendu " des services exceptionnels " au pays ou y investissent 10  millions. A la fin de 2012, le Portugal accordait un titre de séjour à ceux qui créaient au -minimum dix emplois, ou investissaient de 350 000  à 500 000  euros. En  2014, une affaire de corruption a été mise au jour et le système aurait favorisé le blanchiment d'argent en provenance d'Angola. Le gouvernement grec octroie, lui, un permis de séjour de cinq ans à des extracommunautaires s'ils achètent une résidence de plus de 250 000  euros.
Une nouvelle forme de concurrence intra-européenne allait vite naître : il ne fallait que 300 000  euros en bons d'Etat – remboursables avec intérêt cinq ans plus tard – pour séjourner en Hongrie. La mesure aurait bénéficié à 20 000 personnes, majoritairement des Chinois. La Lettonie avait, elle, décidé dès 2010 de délivrer aux extra-Européens un -permis de résidence valable cinq ans dès qu'ils investissaient 71 150  euros dans l'immobilier. La pratique a attiré beaucoup de Russes. Le montant nécessaire a été porté à 275 000  euros en  2014.
J.-P. S.
© Le Monde

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