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vendredi 10 août 2018

Après l'affaire Benalla, la révision constitutionnelle en suspens


10 août 2018

Après l'affaire Benalla, la révision constitutionnelle en suspens

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Le sujet est délicat. Après l'interruption brutale, en pleine affaire Benalla, du projet de loi de révision constitutionnelle le 23  juillet, la majorité ne sait plus comment reprendre l'examen de ce texte alors que la rentrée parlementaire s'annonce très chargée. Par ailleurs, les deux poids lourds de la majorité au Palais-Bourbon, François de Rugy et Richard Ferrand, ne partagent pas la même analyse sur le sujet. Le président de l'Assemblée nationale souhaite reprendre l'examen du texte " en septembre ", quand le président du groupe LRM estimait le 1er  août dans un entretien au Monde que " la réduction du nombre de parlementaires, la limitation du cumul des mandats dans le temps et l'introduction d'une dose de proportionnelle - les trois promesses phares d'Emmanuel Macron - ne nécessitent pas une révision de la Constitution ".
Ces trois mesures pourraient en effet être adoptées par le vote d'une loi ordinaire et d'une loi organique, même si le sujet fait débat chez les constitutionnalistes. Pour l'un d'eux, Dominique -Chagnollaud, la baisse du nombre de parlementaires doit passer par une révision de l'article  61 de la Constitution qui fixe à 60 le nombre de députés ou de sénateurs nécessaires pour déposer un recours devant le Conseil constitutionnel. Ce qui correspond à ce stade à 10  % des députés et à 17  % des sénateurs, mais ces pourcentages seraient revus à la hausse si les parlementaires étaient moins nombreux." Ce serait une réduction inédite des droits du Parlement ", en conclut le professeur de droit dans Le Canard enchaîné, expliquant qu'il serait plus compliqué pour l'opposition d'avoir recours aux Sages.
" C'est une appréciation politique, pas juridique ", rétorque un autre constitutionnaliste, Olivier Duhamel, pour qui " il n'y aurait rien d'anticonstitutionnel à réduire le nombre de parlementaires par la voie organique ". La limitation du non-cumul des mandats dans le temps, en revanche, pourrait être censurée par les Sages, selon le professeur de droit constitutionnel, au nom de " la limitation de la liberté de suffrage pour les citoyens ".
En abandonnant la révision constitutionnelle, le gouvernement renoncerait en outre à la suppression de la Cour de justice de la République, aux réformes du Conseil économique, social et environnemental (CESE) et du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), ainsi qu'à l'inscription dans la Constitution de la spécificité de la Corse et de la lutte contre le réchauffement climatique.
" Pas un bon signal "Autres perdants, si la révision constitutionnelle était enterrée : les sénateurs. Ils ont bataillé ferme pour conserver un sénateur par département dans le futur redécoupage. Si le gouvernement décidait d'abandonner la révision constitutionnelle, l'Assemblée aurait le dernier mot sur ce point. " Gérard Larcher et le Sénat souhaitaient le paquet complet : la révision constitutionnelle et le reste des mesures ", comme base de discussion, assure l'entourage du président du Sénat. " Ce ne serait pas un bon signal,renchérit François de Rugy. Alors qu'on ne recule pas sur le reste des réformes, cela voudrait dire que sur les dysfonctionnements politiques, nous ne sommes pas déterminés. "
Mercredi soir, Matignon a fait savoir au Monde que l'exécutif restait déterminé " à faire avancer les deux chambres ensemble sur le sujet " et qu'il n'était à ce stade pas question d'abandonner la révision constitutionnelle, ni les deux autres projets de loi qui " forment un tout ".
Reste que le calendrier de la rentrée est serré. Les projets de loi sur l'agriculture et la lutte contre la fraude fiscale sont prévus avant l'examen du budget mi-octobre. Il resterait une dizaine de jours pour étudier la loi Pacte sur la croissance des entreprises ou l'éventuelle révision constitutionnelle. " Il faut prioriser, insiste le porte-parole du groupe LRM, Hervé Berville. La loi Pacte est très attendue par les entreprises. Il faut la faire le plus rapidement possible car sa mise en œuvre peut demander du temps. " " Il y a toujours la tentation de reporter à plus tard la réforme institutionnelle et le risque qu'on ne la fasse pas du tout ", redoute M. de Rugy. Le premier ministre se laisse jusqu'à la fin août pour décider du calendrier.
Astrid de Villaines, avec Manon Rescan

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