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vendredi 20 juillet 2018

TOUT LE SPORT - DEBATS et ANALYSES - La victoire des bleus vue par la presse étrangère

TOUT LE SPORT

DEBATS et ANALYSES


19 juillet 2018

La joie de vivre à la française, un modèle

Pour Michaela Wiegel, correspondante politique de la " Frankfurter Allgemeine Zeitung ", après la période sombre des attentats, depuis 2015, les Français ont tenu à afficher leur enthousiasme autour de la " bande à Deschamps ". Aux Allemands de s'inspirer de l'esprit de cette jeune génération des Bleus

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Il y a une joie pure " à partager, à Paris, l'effervescence et la ferveur footballistique qui – à quatre ans d'intervalle – est passée d'un côté à l'autre du Rhin. Quelle belle symbolique pour l'Europe que l'Allemagne et la France, le cœur de cette construction pacifique unique, se relayent comme championnes du monde ! Nous nous découvrons toujours dans le miroir de l'autre. Alors qu'il faut bien sûr se méfier des comparaisons trop simplistes, il saute aux yeux que la France, avec sa jeune équipe de champions, incarne le renouvellement dans un esprit d'équipe, un optimisme à toute épreuve et un patriotisme revisité.
La Nationalelf d'Allemagne, du haut de ses 4 étoiles, est arrivée assez brutalement à la fin d'un cycle victorieux. C'est d'autant plus difficile à supporter pour nous autres Allemands que nous avons misé depuis longtemps sur la force revigorante du football. Après les années de plomb de la vague terroriste, depuis janvier  2015, la France donne l'impression de vouloir montrer, sans rien oublier, la force de sa joie de vivre. Elle incarne en cet été tout ce que les islamistes -fanatisés détestent : un pays qui chante, qui se rassemble dehors, en terrasse et dans les bars, femmes comme hommes, et qui crie son plaisir (à chaque but).
En Allemagne, la rédemption fut longtemps cherchée à travers le football. Même les jeunes générations ont baigné dans cet esprit, entretenu par un film émouvant, Le Miracle de Berne, qui raconte la finale gagnée (contre toute attente) en  1954 par l'équipe allemande comme un retour à la joie de vivre après les années noires de la guerre, mais aussi après les mornes années de la reconstruction dans la culpabilité.
Le sentiment du " tous ensemble "Le football aide à croire en une Allemagne démocratique et pacifique, tel est le message de ce film, sorti en  2003 dans les salles, qui a préparé le terrain pour la Coupe du monde 2006, qu'un autre film du même réalisateur a immortalisée, Un conte de fées d'été. Non pas que l'équipe de l'Allemagne ait remporté la Coupe, mais l'été 2006 marque la reconquête paisible et bon enfant de nos symboles nationaux. Nous découvrîmes que l'hospitalité pouvait être allemande, la légèreté aussi. De douces nuits d'été furent au rendez-vous. Les drapeaux allemands longtemps regardés avec suspicion redevenaient ce qu'ils sont : un moyen d'exprimer la joie (et parfois la ferveur) d'appartenir à un ensemble qui dépasse l'individu, une invitation à partager des émotions et un sentiment du " tous ensemble ".
Notre équipe, entre-temps, ressemblait plus à l'Allemagne contemporaine, avec ses joueurs aux racines lointaines au Ghana, en Turquie ou en Pologne. L'esprit d'équipe était fort, et on le croyait éternel au point d'en faire une qualité allemande. Mais cette harmonie, hélas, a disparu, comme le montre l'interminable débat autour des deux joueurs d'origine turque, Mesut Özil et Ilkay Gündogan. Le champion de 2014, Özil, et son coéquipier Gündogan ont cru bon de poser avec le président turc, Recep Tayyip -Erdogan, pour une photo, au mois de mai. Cette photo a fait l'effet d'un choc, car Erdogan est non seulement connu pour bafouer les droits de l'homme dans son pays, mais aussi pour essayer d'influencer massivement la communauté turque en Allemagne. Alors qu'Özil était notamment présenté comme un modèle à suivre pour les jeunes Allemands issus de l'immigration, cette photo avec l'autocrate du Bosphore a enflammé le débat. Les dirigeants du DFB, la fédération allemande de football, ont oscillé entre compréhension et fausse pudeur (avant l'élimination). Les photos d'Özil montrant son pèlerinage à La  Mecque, en  2016, avaient déjà provoqué un malaise. Le parti d'extrême droite Alternative für Deutschland (AfD) critiquait un signal antipatriotique ". Et depuis un moment, on avait remarqué qu'Özil ne chantait jamais l'hymne national (Unité, Justice et Liberté) lors des débuts de match. Bref, l'Allemagne s'offre bel et bien son débat " sur l'identité nationale ", et la nouvelle force d'opposition au Bundestag, l'AfD, ne s'en plaint pas.
En France, pendant ce temps, nous découvrons le travail de longue haleine mené par Didier Deschamps, au nom très français ", comme le critiquait l'ancien footballeur Eric Cantona. Mais Deschamps ne s'est pas laissé impressionner par ces attaques ni par le débat sur son supposé racisme lancé par Karim Benzema après sa non-sélection.
Que Deschamps " ait cédé à la pressionde la partie raciste de la France " pour la sélection était une attaque terrible. Il faut saluer le talent impassible du sélectionneur français d'avoir tenu bon sur sa conviction : pour ses joueurs, l'équipe nationale doit compter plus que tout. C'est ainsi qu'il a bâti ce bel esprit bleu-blanc-rouge, marque de fabrique de la génération 2018. Avec la France comme communauté de destin, même sur les terrains de foot, l'équipe de France devient un exemple que l'Allemagne serait bien inspirée d'étudier de près.
Michaela Wiegel
© Le Monde


19 juillet 2018

Les Bleus représentent bien mieux la France que la classe politique

Pour Anaïs Ginori, correspondante en France de " La Repubblica ", les joueurs ne régleront pas les problèmes, mais ils apporteront du bonheur

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La France n'a pas inscrit le droit au bonheur dans la Constitution, mais elle pratique si souvent le malheur qu'on pourrait presque croire que c'est un devoir constitutionnel. Si on regarde de loin un pays qui conserve autant de richesses et qui, malgré tout, a réussi à défendre un modèle culturel, social et économique unique au monde, il y a comme une suspicion de posture intellectuelle dans cette insatisfaction permanente, peut-être la conséquence du fameux esprit critique, un regard cartésien et très exigeant sur la réalité, qui fait partie du génie de ce peuple, et de son malheur.
On peut donc craindre que le naturel français revienne bientôt au galop et referme la parenthèse enchantée provoquée par la victoire des Bleus. Ce serait dommage. Didier Deschamps a montré que son équipe avait gagné grâce à une forme de modestie, de solidarité interne et de cohésion, autant de qualités qui ne sont plus très représentées dans le débat public. Certains Italiens se consolent de leur absence de cette Coupe du monde en se disant que le jeu de Deschamps est inspiré du foot du Bel paese " - " beau pays ", en parlant de l'Italie - qu'il a si longtemps fréquenté.
Même si les intellectuels qui prophétisaient le Suicide français "La Soumission " ouLa Décadence " sont obligés de se taire pour quelques jours, l'identité, pile ou face, heureuse ou malheureuse, continuera de tourmenter les esprits. Il n'y a pas si longtemps, un président socialiste proposait l'idée d'une déchéance de nationalité pour certains enfants de la République, comme des brebis galeuses que l'on pourrait expulser du troupeau. La liesse de ces jours ne va ni effacer tous les problèmes d'intégration, les ghettos de la République, ni empêcher des jeunes de tomber dans une idéologie meurtrière.
Est-ce bien une équipe à l'image de la France qui a gagné dimanche soir ? Poser la question est déjà un début de réponse. Le doute s'installe depuis longtemps. En  1998, on a voulu unir avec un tiret une société idéale " black-blanc-beur ". Aujourd'hui, on applaudit des jeunes de banlieue qui hurlent Vive la France ! Vive la République ! ", comme si c'était une divine surprise.
Patriotisme et joie de vivreMalgré tout, les joueurs de l'équipe nationale représentent bien mieux la France que la classe politique dominante, qui reste, malgré tout, très élitiste et peu ouverte à ce que l'on appelle pudiquement la " mixité ". Le visage taiseux de l'enfant de Bondy, Kylian Mbappé, prend le dessus sur beaucoup de clichés. Le patriotisme bon enfant d'Antoine Griezmann fait oublier le nationalisme rance. La joie de vivre de Paul Pogba ou de Benjamin Mendy redonne le sens de la fête à un pays qui a sombré dans la peur des attentats depuis plus de trois ans.
En  1982, l'Italie avait eu l'impression de sortir enfin du tunnel des " années de plomb " avec le fameux hurlement de Marco Tardelli lors de la finale. Grâce aux Azzurri, les Italiens avaient eu l'impression d'une nouvelle libération. Le président socialiste, Sandro Pertini, qui reste l'un des présidents les plus populaires dans l'histoire de cette jeune démocratie, avait su transformer le football en un moteur d'union nationale. Le fait d'avoir lutté et souffert pour battre l'Argentine, le Brésil et l'Allemagne avait soudé une génération. Beaucoup d'Italiens qui ont vécu 1982 peuvent encore citer l'instant précis d'une passe, d'un but.
Les enfants de banlieue qui se retrouvent à embrasser aujourd'hui une Coupe du monde sont peut-être, aux yeux de certains, des millionnaires qui courent derrière un ballon ", comme l'a dit avec snobisme une vedette télé - Anne-Sophie Lapix, présentatrice du " 20 heures " de France 2 - . Ils passent beaucoup de leur temps loin de la France, mais leurs visages, leurs biographies et parfois leurs gestes restent, malgré tout, inscrits dans le paysage national. Cette nouvelle génération de joueurs ne devait pas réconcilier un pays, effacer les différences, les inégalités, les sectarismes. La mission que portaient ces jeunes était beaucoup plus lourde : rendre heureux les Français.
Anaïs Ginori
© Le Monde

19 juillet 2018

Des terrains de banlieue au stade Loujniki, une éclatante réussite de l'intégration

Simon Kuper, correspondant en France du " Financial Times ", note que, pour les petits Franciliens d'aujourd'hui, " l'appartenance ethnique est sans doute moins importante qu'elle ne l'était pour leurs parents "

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Je vis à Paris depuis des années, mais je n'avais pas souvent visité les banlieues avant que mes enfants ne commencent à jouer au foot. Aujourd'hui, j'y passe la plupart de mes matinées de week-end durant la saison. Google Maps nous guide jusqu'aux complexes sportifs bien entretenus, généralement entourés de mornes barres d'immeubles. Pendant que les gosses se changent, les parents cherchent où boire un café. Ensuite, les deux équipes – toujours composées d'un mélange d'enfants blacks, blancs et beurs – se déploient sur la pelouse artificielle subventionnée par l'Etat.
Pères et mères regardent le match debout (en général dans un froid glacial), derrière une clôture grillagée tellement éloignée que nos gamins peuvent à peine nous entendre hurler. Alors que dans les pays anglo-saxons, les parents sont rois, en France, ce sont les éducateurs. Bardés de diplômes, ces émissaires du système footballistique français nous considèrent, nous autres parents, comme un désagrément qu'il convient de garder à distance. Le jeu est parfois d'une qualité remarquable. A la fin du match, tout le monde se serre la main et nous rentrons à la maison pour décongeler.
Je viens de couvrir le triomphe des Bleus à Moscou pour mon journal, le Financial Times. Ce que j'ai vu là-bas correspondait parfaitement à ce que j'avais perçu dans le football des gosses de banlieue.
Le foot est peut-être le secteur le plus réussi et intégrateur de la vie française. C'est un -modèle pour votre société – mais il montre également que beaucoup de choses y fonctionnent déjà très bien, en dépit de votre pessimisme national absurdement exagéré.
Si le football français marche aussi bien, c'est avant tout parce que c'est l'une des rares activités qui unit Paris et sa périphérie. Les équipes parisiennes se déplacent en banlieue tout simplement parce que c'est là que se trouvent la plupart des terrains.
En deuxième lieu, dans le foot, banlieusards et Parisiens bénéficient du même entraînement et des mêmes équipements de haute qualité. L'Ile-de-France est le réservoir de -talents le plus riche du football mondial. Elle a fourni soixante joueurs et entraîneurs qui ont participé aux  cinq dernières Coupes du monde – plus que toute autre région métropolitaine au monde, selon le sociologue serbe du sport Darko Dukic.
C'est là une éclatante réussite du système français. La plupart des Bleus ont été entraînés par des clubs de banlieue subventionnés par l'Etat. L'ancien entraîneur de Paul Pogba à Roissy-en-Brie, Sambou Tati, m'a raconté qu'il avait eu toutes les peines du monde à dissuader le jeune Paul de dribbler.
Dans les banlieues, des clubs de foot aux -maternelles en passant par les panneaux -annonçant les futures gares du Grand Paris Express, l'Etat assure une présence que l'on ne constate absolument pas dans les zones les plus pauvres de mon propre pays, le Royaume-Uni. Lors de ma visite à Birkenhead, à la périphérie de Liverpool, j'ai pu constater que la plupart des activités communales (notamment les banques alimentaires) étaient assurées par des organismes caritatifs.
Paris, paradis multiculturelEt le foot français fonctionne parce que c'est le grand secteur de la vie française où la ségrégation raciale est presque totalement absente. Je me souviens de la première séance d'entraînement de mes enfants après le massacre à Charlie Hebdo, en janvier  2015. Nous étions à l'apogée de l'anxiété raciale française. Et pourtant, ce mercredi après-midi-là, éducateurs et -gamins de toutes nationalités ont joué au foot comme si c'était la chose la plus importante de l'existence – ce que pensaient sans aucun doute beaucoup d'entre eux. Si vous aviez -déclaré aux participants qu'ils ressemblaient à un tableau vivant de Paris comme paradis multiculturel, je crois qu'ils auraient été vraiment surpris. Tout ce qui les préoccupait, c'était de gagner leur cinq contre cinq.
J'ai eu l'occasion de passer un merveilleux samedi matin en compagnie de deux autres papas, debout derrière le filet d'une cage, à -bavarder et à regarder jouer nos gamins. A un moment, un des papas, un immigré africain musulman, m'a déclaré qu'il regrettait que même dans de tels moments amicaux, les Français osaient rarement aborder avec lui les questions de couleur et de religion. Je comprenais sa déception. Mais je lui ai répondu que j'appréciais le fait que nous soyons plus intéressés par le jeu de nos enfants. Par une belle journée, le foot rend tous les autres -sujets -secondaires.
Juste avant la Coupe du monde, Daniel Cohn-Bendit a noté dans son livre sur le foot,Sous les crampons… la plage (écrit avec Patrick -Lemoine, Robert Laffont, 252 p., 19  €), que les petits Français musulmans " n'enfilent plus le maillot bleu quand ils vont au stade ou quand ils jouent au foot au pied de leur cité, mais portent les couleurs de l'Algérie, du Maroc, de la -Tunisie, voire celles du PSG, ce qui fait sens puisque pour eux, Paris”, c'est le Qatar ".
Ce n'est pas mon sentiment. Pour la plupart des gosses arborant un tee-shirt du PSG, j'ai l'impression que " Paris " est avant tout - " Paris " – une de leurs identités. Et ce mois-ci, on a vu de jeunes Franciliens de toutes origines porter des maillots bleus.
Cela ne signifie pas que leur unique identité soit française. Pogba, par exemple, est tout à la fois noir, guinéen, musulman, banlieusard, parisien, expatrié, multimillionnaire, c'est un fils, un frère, un homme, un Africain, un Européen quadrilingue, etc. Mais il est toujours français. Comme le sont mes gosses.
Leurs parents s'expriment peut-être en d'embarrassantes approximations anglo-saxonnes, mais quand la France a marqué son quatrième but contre l'Argentine, mes enfants et leurs amis se sont roulés dans le salon jusqu'à ce que le parquet soit copieusement -taché de -maquillage bleu, blanc et rouge. On a assisté à des scènes identiques devant l'écran géant qui retransmettait la finale à Bondy, la banlieue de Mbappé.
Pour les petits Franciliens d'aujourd'hui, l'appartenance ethnique est sans doute moins -importante qu'elle ne l'était pour leurs -parents. La mixité a été pour eux une expérience quotidienne depuis leur première journée à la crèche. Quelles que soient leurs origines familiales, ces gosses seraient perplexes si vous leur disiez qu'ils ne sont pas français. Que pourraient-ils être d'autre ? Et être français est quelque chose de bien plus formidable que ce que la plupart des Français semblent penser.
Simon Kuper
© Le Monde


19 juillet 2018

Un rare moment de bonheur pour une société fracturée

Randa Takieddine, correspondante en France du journal panarabe " Al Hayat ", estime que les Bleus sont la preuve que l'intégration peut être une réussite

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La fête que le peuple français a réservée à l'équipe de foot championne du monde de retour de Russie a montré une communion nationale dans la joie et la liesse avec une jeunesse issue de la diversité. Un grand moment de joie partagé par un jeune président français, enthousiaste, adepte de foot, qui appelle l'équipe à rester unie et à ne pas oublier ses clubs amateurs à travers la France. Cette fête bon enfant, ce délire des foules dans les villes le soir de la victoire et avant le match, la marée humaine qui a déferlé sur les Champs-Elysées, des heures avant l'arrivée des champions, par une forte chaleur, témoignent d'un besoin de joie, de bonne humeur, de faire la fête, de sortir d'une morosité grandissante depuis des années à cause de la fracture de la société française.
Kylian Mbappé, Samuel Umtiti, Paul Pogba, Nabil Fekir, Ousmane Dembélé, ces jeunes champions qui, pour beaucoup, sont issus de l'immigration et viennent des banlieues, sont tous des enfants de cités qui ont réussi par le football. Ils sont la preuve que l'intégration peut être synonyme de réussite malgré le sentiment croissant de refus de l'immigration, pas seulement par le Rassemblement national et tous ses sympathisants, mais aussi par un bon nombre de Français, après les attentats terroristes de 2015. La ferveur populaire provoquée par ces 23 jeunes champions du monde en dit long sur une société qui a besoin de réussite, qui est fière de ses enfants, mais qui, très souvent, doute d'elle-même à cause de la fracture socio-économique qui mine le pays et qui, souvent, pousse ses jeunes à partir pour réussir à l'étranger.
Cette union, cette émotion partagée par tout un peuple avait été exprimée ces dernières années dans le drame et la tristesse des attentats. Le peuple français avait besoin de se requinquer, de sortir de la peur du terrorisme et d'exprimer sa fierté d'être Français, de sa Marseillaise chantée spontanément par l'équipe championne avec Emmanuel et Brigitte Macron sur le perron de l'Elysée. L'équipe dirigée par Didier Deschamps, ce coach modeste et chaleureux avec ses champions, reflète la fraternité, la tolérance qui est souvent malmenée dans la société française par cette fracture si profonde. Les Français rêvent de succès et de réussite mais ne l'aiment pas quand la réussite est individuelle et non partagée. L'équipe championne du monde a rapporté la Coupe du monde à toute la France indépendamment de la réussite de chaque champion.
DU panache et de l'espoirCette victoire a redonné du panache à l'identité française et a donné de l'espoir à beaucoup de jeunes. Si les salaires et les gains des jeunes footballeurs sont un sujet de conversation, et un rêve pour certains, les Français, qui généralement n'aiment pas les nantis, acceptent la méritocratie du sport comme une contrepartie pour le gros travail fourni par ces -jeunes. La réussite de Didier Deschamps est, elle aussi, le reflet d'une société qui peut être dure et sévère quand elle s'acharne à critiquer et qui, vite, change d'avis et reconnaît la réussite. C'est pareil en ce qui concerne les jugements des Français sur leurs hommes politiques, la présidence Macron en est un exemple.
Sa baisse de popularité reflète le mal français, son insatisfaction constante, le doute de soi et de ses choix, et leur impatience de voir les réformes difficiles que leur président entreprend courageusement donner des résultats. La France des cités et banlieues a donné la joie à son peuple à travers ces jeunes champions qui, en grande partie, ont grandi et joué au football dans ces espaces. Mais les banlieues et cités sont aussi le terreau du malaise social, le reflet de la difficulté d'une jeunesse issue de l'immigration que le chômage a souvent poussée à la violence et au banditisme. Aucune politique des banlieues n'a jusqu'à présent réussi.
Kylian Mbappé, dont les parents sont d'origine algérienne et camerounaise, est l'exemple de l'intégration réussie. Une majorité de joueurs de cette équipe championne l'est aussi. Mais cette réussite ne reflète pas la réalité des banlieues, elle en est l'exception. Elle devrait aspirer à être une règle. Les politiques en France, jusqu'à un passé récent, n'ont pu améliorer la vie dans les banlieues. Des conditions économiques meilleures ainsi qu'une bonne politique pourraient favoriser cela. Macron pourrait-il réussir à mettre sur pied une politique efficace des banlieues ? Il faut l'espérer…
Randa Takieddine
© Le Monde

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