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samedi 14 juillet 2018

Poutine prêt à rencontrer son quatrième président américain


14 juillet 2018

Poutine prêt à rencontrer son quatrième président américain

Trump est en froid avec ses alliés, le chef d'Etat russe auréolé par le Mondial

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Aquelques jours de sa rencontre avec Donald Trump, prévue lundi 16  juillet à Helsinki, Vladimir Poutine n'a pas perdu une miette des tensions qui ont animé, à Bruxelles, le 26e  sommet de l'OTAN. A la différence du président des Etats-Unis, le chef du Kremlin n'est pas un adepte de Twitter, qui lui aurait permis de jubiler publiquement. Le ministère russe des affaires étrangères s'en est chargé : " Pendant que le bloc militaire inutile de l'OTAN nous accuse de provocations et continue de grincer des dents à Bruxelles, nous, on regarde la Coupe du monde. "
La méthode poutinienne est plus classique. Rapports, chiffres, listes de griefs et historiques de la relation bilatérale russo-américaine ont été préparés, si tant est que M. Poutine en ait besoin. Après dix-huit ans au pouvoir, le président russe connaît sur le bout des doigts son sujet. Donald Trump est le quatrième président des Etats-Unis qu'il s'apprête à tester, après Bill Clinton, George W.  Bush et Barak Obama. Avec une différence : cette première rencontre exclusive tant attendue par Moscou entre les deux dirigeants se tiendra en Finlande, comme au temps de la guerre froide, lorsqu'en  1975 Helsinki avait hébergé des pourparlers entre Leonid Brejnev et Gerald Ford.
Dans ce nouveau duel annoncé, face à un Donald Trump imprévisible et en délicatesse avec ses propres alliés, Vladimir Poutinese pose en dirigeant déterminé qui n'a pas à se soucier des critiques ni même d'un chimérique contre-pouvoir de ses institutions. La propagande a fait son œuvre. Pour 62  % des Russes, il est celui " qui essaie de résoudre les problèmes et de rapprocher les deux pays " – contre 14  % pour Donald Trump –, selon un sondage de l'institut VTsIOM du 9  juillet. Comme à son habitude, le dirigeant russe se présentera donc sous les traits du conciliateur, tout en cherchant à détecter les faiblesses de son vis-à-vis.
Autre avantage : le chef du Kremlin arrivera à Helsinki au lendemain de la finale d'une Coupe du monde de football qui s'est parfaitement déroulée sur son sol. Cette compétition lui a surtout permis de s'entretenir avec une bonne douzaine de chefs d'Etat et de gouvernement, et de se draper dans le rôle d'un dirigeant sollicité.
Dans la dernière ligne droite avant Helsinki, ces entrevues se multiplient. Dimanche, en marge de la finale, un aparté est prévu avec Emmanuel Macron. Le vice-premier ministre nord-coréen, Lee Ryong-nam, sera aussi présent, comme le nouvel homme fort italien, le ministre de l'intérieur Matteo Salvini, et d'autres.
Le premier ministre israélien a déjà pris les devants. Arrivé le 10  juillet dans la capitale russe, Benyamin Nétanyahou a tenté de persuader M. Poutine de peser pour obtenir le retrait des troupes iraniennes de Syrie – une demande conforme à celle émise par John Bolton, le conseiller à la sécurité de M.  Trump, lors de sa visite préparatoire fin juin. Fidèle à sa ligne de conduite qui consiste à jouer des antagonismes, Vladimir Poutine a rencontré dès le lendemain, jeudi, Ali Akbar Velayati, conseiller de l'ayatollah Ali Khamenei. " La Russie et l'Iran continueront à coopérer en Syrie ", s'est félicité à la sortie l'émissaire de Téhéran, ajoutant même  que "Moscou est prêt à investir dans le secteur pétrolier iranien ".
" Petite brute "Bien d'autres sujets seront sur la table d'Helsinki, depuis les négociations en panne sur la réduction de l'armement stratégique, en passant par l'Ukraine, bien sûr, mais aussi les ressources énergétiques qui lient la Russie à l'Europe. A Moscou, les supputations vont bon train sur de possibles " trocs ". Pour autant le Kremlin n'entretient aucune illusion sur l'issue du sommet. " Les discussions seront difficiles ", a admis M. Peskov. Venu tâter le terrain à Moscou en compagnie de deux autres parlementaires américains, le sénateur républicain John Neely Kennedy est reparti avec une vision pour le moins négative. " Ce que veut la Russie, c'est ce que veut Poutine (…). C'est vraiment comme traiter avec la mafia ", a-t-il déclaré, cité par l'agence AP, en qualifiant le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, de " bully ", " petite brute ".
La Russie de Poutine est elle-même devenue un acteur central de la crise politique américaine depuis les accusations d'ingérence dans les élections américaines de 2016, sujet majeur. Dans ces circonstances, arracher une concession, comme la réouverture de ses consulats de San Francisco et Seattle fermés en  2017 sous administration Trump, ou récupérer les " datchas " russes, deux résidences diplomatiques confisquées par son prédécesseur, seraient donc déjà considérés comme une victoire.
" Malgré le sommet d'Helsinki, la guerre hybride est là pour durer, et personne ne s'attend à une percée, relève Dmitri Trenin, directeur du centre de réflexion Carnegie Russie. L'adversité russo-américainene disparaîtra pas. Les accords formels entre Moscou et Washington sont moins importants que la compréhension claire du comportement de l'autre. "
Cela n'exclut pas quelques constances, semble-t-il. En  1975, Leonid Brejnev avait ainsi mis à profit le sommet d'Helsinki sur la sécurité en Europe pour s'entretenir en aparté avec le président Gerald Ford. Et comme Jan M. Lodal, qui faisait partie de la délégation américaine, le rapporte sur le site de The Atlantic, le dirigeant soviétique avait glissé à son interlocuteur, sous un porche : " Je tiens à vous dire que nous soutenons votre élection pour un prochain mandat. Nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour que cela arrive. " Le bref échange retranscrit par l'interprète russe avait été récupéré dans un cendrier. Ce document, précise M.  Lodal, est aujourd'hui disponible sur le site Internet de la bibliothèque Ford.
Isabelle Mandraud
© Le Monde

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