Miser à fond sur les technologies de demain sans bouleverser le millefeuille français des aides à l'innovation, contrairement à ce que le gouvernement avait laissé entendre en octobre 2017 : telle est, en substance, la ligne adoptée par Bruno Le Maire, qui annonçait jeudi 19 juillet la mise en place du Conseil national à l'innovation.
Cette nouvelle instance, composée de 5 ministres et secrétaires d'Etat, dont ceux de l'économie, du numérique et de la recherche, et de 6 personnalités qualifiées parmi lesquelles Benoît Potier, le PDG d'Air liquide, et Eric Carreel, le fondateur de la start-up Withings, est censée mieux piloter les aides à l'innovation, qui coûtent chaque année 10 milliards d'euros à la France, et dont la complexité est régulièrement critiquée.
" Il ne s'agit pas de tailler dans le vif, à l'aveugle, mais d'y remettre de la cohérence ", a lancé le ministre de l'économie, depuis les locaux de Cellectis à Paris, une entreprise française spécialisée dans le développement d'immunothérapies, au bord de la faillite il y a cinq ans, mais qui s'est redressée notamment grâce notamment au soutien de BpiFrance.
Si le ministre avait choisi ce lieu, c'est pour illustrer le virage qu'il souhaite faire prendre à la France.
" Notre pays a pris du retard dans l'innovation de rupture qui prépare le futur. Nous sommes déterminés à combler ce retard ", a martelé M. Le Maire. En tout, le gouvernement a prévu d'injecter 1,6 milliard d'euros sur l'ensemble du quinquennat, en capital ou sous forme de subventions dans ces technologies de rupture, à la fois très risquées et compliquées à rentabiliser. Il espère que les acteurs privés compléteront cette manne, afin d'obtenir un investissement total de 4,5 milliards d'euros.
Le nouveau fonds à l'innovation devrait contribuer à ces financements à hauteur de 250 millions d'euros par an, soit le rendement issu du placement des 10 milliards d'euros de capital dont il est pourvu. Sur ce montant, 150 millions d'euros serviront à financer des
" grands défis " définis par le nouveau Conseil national à l'innovation, et censés résoudre une problématique sociétale ou technologique. Chaque " défi " sera doté de 30 millions d'euros sur trois ans, et fera contribuer entreprises, instituts de recherche, etc.
Le premier défi porte sur l'établissement de diagnostics médicaux grâce à l'intelligence artificielle. Objectif : pouvoir établir des diagnostics prénataux afin d'identifier des maladies rares, ou améliorer le traitement d'Alzheimer. Le second défi repose sur
" la fiabilisation et la certification des systèmes d'information de l'intelligence artificielle ". Il s'agit, par exemple, de
" garantir que les algorithmes des voitures autonomes prennent la bonne décision ", a expliqué le ministre de l'économie et des finances.
Loin de la simplification espéréeEn parallèle, chaque année, 70 millions d'euros seront injectés dans les start-up de la
" deep tech ", une autre terminologie qui désigne ces technologies de rupture. Ces sommes, qui seront versées soit sous forme de bourses, d'avances remboursables, de prêts ou de concours, s'ajoutent au fonds French Tech Seed doté de 400 millions d'euros d'argent public, lancé en juin, et censé apporter les premiers financements en capital aux start-up.
BpiFrance a été chargé de gérer à la fois la partie subvention et le nouveau fonds French Tech Seed. La banque publique, qui s'apprête à lancer un
" grand plan deep tech ", afin de passer à la
" phase 2 de la French Tech ", selon Paul-François Fournier, son directeur innovation, compte investir sur 5 ans pour son compte entre 500 et 600 millions d'euros en capital dans ces technologies, somme qui vient s'ajouter au fonds French Tech Seed. On est loin de la simplification un temps espérée.
Sandrine Cassini
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