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samedi 14 juillet 2018

Le Brésil redoute la réapparition de la polio


14 juillet 2018

Le Brésil redoute la réapparition de la polio

Les autorités constatent une baisse alarmante de la couverture vaccinale contre cette maladie virale, mais aussi contre la rougeole

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Devaneide Rodrigues Gon-çalves avait 1 an et 5 mois quand les médecins ont posé le diagnostic : poliomyélite. Nous sommes en  1989 dans l'Etat du Paraiba, au Brésil. Devaneide Rodrigues Gonçalves sera le dernier cas recensé dans le pays de " paralysie spinale infantile ", autre nom de la polio, maladie virale aux terribles séquelles qui handicapa des millions d'enfants. Aujourd'hui trentenaire, il ne cesse de marteler son message : " Vaccinez vos enfants ! "
Efficace, le vaccin contre la polio, obligatoire, a permis d'éradiquer la maladie au Brésil. Mais, depuis quelques mois, les autorités sanitaires s'affolent : la couverture vaccinale se réduit dangereusement. Le 10  juillet, le ministère de la santé a lancé l'alerte : dans 312 villes, moins de la moitié des enfants de moins de 5 ans sont vaccinés contre la polio. Dans certaines municipalités telles Ribeira do Pombal, dans l'Etat de Bahia, ou Santo Antonio do Aracangua, dans l'Etat de Sao Paulo, la couverture ne dépasse pas 2  %. " On n'a jamais vu ça. C'est la porte ouverte à la réapparition de la maladie ", s'inquiète Isabella Ballalai, présidente de la Société brésilienne d'immunisation.
La polio n'est pas la seule maladie infantile à hanter les organismes de santé. Depuis plusieurs semaines, les cas de rougeole, fléau censé avoir disparu depuis 2016, se multiplient dans le pays. La maladieest apparue dans le Nord, dans les provinces du Roraima ou d'Amazonie du fait, notamment, de l'immigration d'une population vénézuélienne réduite à la misère. Là, le ministère de la santé a confirmé plus de 450 cas de rougeole, qui y a fait deux morts dont un nourrisson de 7 mois. La maladie s'étend désormais au sud. Ribeirao Preto, ville de l'Etat de Sao Paulo, a confirmé un cas en avril, une première depuis plus de dix ans, tandis que deux autres ont été recensés à Rio de Janeiro.
Ce début d'épidémie a mis en évidence la baisse généralisée de la couverture vaccinale. Hormis en ce qui concerne le BCG proposé dans les maternités, l'objectif d'un taux de vaccination au-delà de 95  % n'est plus atteint. La majeure partie des taux se situent entre 70  % et 85  %, des valeurs historiquement basses.
" Négligence "" Au regard de l'Europe ou des Etats-Unis, nous sommes toujours nettement au-dessus, mais cette baisse est très inquiétante ", estime Isabella Ballalai. A l'en croire, la principale explication du phénomène serait de la " pure négligence "" La rougeole, la rubéole… Toutes ces maladies ont disparu. Les générations de jeunes parents ont souvent la fausse sensation d'être protégées ", confirme Regiane Aparecida Cardoso, directrice du centre de vigilance épidémiologique de l'Etat de Sao Paulo.
Cette indolence est accentuée par la difficulté d'accès aux postes de vaccination, dont les horaires d'ouverture sont peu compatibles avec le quotidien de personnes qui travaillent. Les écoles, elles, n'osent refuser des enfants non vaccinés de peur de les laisser errer dans les rues. Mais, dès que la peur revient, la vaccination reprend tout son sens pour les Brésiliens. L'alerte à l'épidémie de grippe provoque ainsi des queues de plusieurs heures dans des centres de vaccination publics comme privés, tout comme l'angoisse liée à la propagation de la fièvre jaune.
Il n'empêche : même si le mouvement est encore minoritaire, les professionnels redoutent la progression des " anti-vaccins ". Alimentés par des cas dramatiques mais isolés de complications post-vaccinales ou des fausses nouvelles véhiculées par des pseudo-médecins, des groupes se créent sur la messagerie Whats-App entre parents paniqués, se convainquant entre eux de la dangerosité extrême des vaccins. " C'est un mouvement inapproprié et fantaisiste, mais parfois les parents adhèrent à ce genre de discours ", observe Luciana Rodrigues, de la Société brésilienne de pédiatrie, interrogée par le quotidien Folha de Sao Paulo le 19  juin. " Ce mouvement est bien moindre qu'en Europe ou aux Etats-Unis, mais il existe, c'est désormais clair ", abonde Regiane Aparecida Cardoso.
Sur le qui-vive, le ministère de la santé incite les Etats où la couverture vaccinale est en deçà de l'objectif de 95  % à adapter les horaires d'ouverture des centres de vaccination, et envisage le renforcement des partenariats avec les crèches et les écoles. Surtout, des campagnes d'information devraient être lancées pour rappeler le rôle primordial de la vaccination des jeunes enfants.
Claire Gatinois
© Le Monde

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