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samedi 14 juillet 2018

L'Autriche réaffirme ses propositions radicales sur les réfugiés


14 juillet 2018

L'Autriche réaffirme ses propositions radicales sur les réfugiés

A Innsbruck, les ministres de l'intérieur européens se sont focalisés sur la migration

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Il y avait bien plus de policiers que de migrants, jeudi 12  juillet, à Innsbruck, la superbe capitale du Tyrol autrichien, pour le premier Conseil européen des ministres de l'intérieur sous présidence autrichienne. Un rendez-vous consacré à la migration, et tout à fait conforme à la vision qu'en développe le gouvernement de Sebastian Kurz à Vienne : 100  % sécuritaire.
Le centre historique d'Innsbruck avait été entièrement bouclé par des centaines de policiers lourdement armés, et les vingt-huit ministres de l'intérieur de l'Union européenne (UE), dont l'Italien Matteo Salvini et l'Allemand Horst Seehofer, ont tous été accueillis par une sorte de parade militaire, fanfare à l'appui.
Le ministre autrichien, Herbert Kickl, membre du Parti de la liberté d'Autriche (FPÖ, extrême droite), en coalition avec les conservateurs, entendait aussi profiter de ce rendez-vous pour remettre sur la table des propositions pourtant repoussées par le Conseil européen du 28  juin à Bruxelles, mais aussi lors d'un conseil informel d'experts de l'UE, début juillet, à Vienne.
Le dirigeant autrichien prône des " plates-formes de retour " dans les " pays tiers ",destinées aux migrants qui auraient été déboutés du droit d'asile en Europe, où ces personnes seraient placées en attendant de rentrer dans leur pays d'origine. Et M.  Kickl insiste pour que le droit d'asile soit sous-traité hors de l'UE : plus aucun migrant ne devrait pouvoir demander l'asile sur le sol européen.
Problèmes juridiquesLes conclusions du Conseil européen du 28  juin évoquent certes la solution de " plates-formes régionales de débarquement " sur les côtes africaines, pour les bateaux de migrants secourus en Méditerranée, mais en partenariat avec le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) et l'Organisation internationale pour les migrations (OIM). Pour les Français et la Commission, ces " plates-formes " devraient être des centres de tri où les migrants sauvés en mer pourraient déposer leurs demandes d'asile.
Ces idées autrichiennes posent de sérieux problèmes juridiques. " Il est théoriquement possible d'externaliser notre politique de l'asile ou de créer des centres de retour dans des pays tiers, mais à condition que ces pays appliquent les mêmes standards en termes de droits humains, juridiques, etc. que l'UE ", souligne Yves Pascouau, chercheur à l'université de Nantes et spécialiste des migrations. " Et si on renvoie ces gens dans des centres de détention, cela semble difficilement compatible avec la Convention européenne des droits de l'homme ", ajoute le chercheur.
Mais si ces plates-formes consacrées aux " retours " ont pour l'instant été repoussées par les partenaires de Vienne, c'est surtout parce que aucun pays tiers ne s'est manifesté pour héberger ces prisons à ciel ouvert. La Tunisie, le Maroc et l'Albanie ont clairement dit non. Jeudi matin, encore, le ministre macédonien des affaires étrangères, Nikola Dimitrov, a repoussé fermement la proposition.
Et dans le huis clos de la réunion ministérielle, les vues autrichiennes ont de nouveau été évoquées, même si elles n'ont pas été au centre des discussions. " Quelques ministres seulement les ont soutenus ", précise une source proche des discussions. Le seul officiel à vraiment s'indigner fut le ministre luxembourgeois, Jean Asselborn : l'idée de ces centres hors d'Europe " ne devrait pas être discutée entre des Européens civilisés ".
Quant à l'externalisation totale de l'asile, les pays africains, premiers intéressés mais pas officiellement conviés à la table des discussions, n'en veulent absolument pas, assure un diplomate proche des discussions. Ils seraient d'accord pour discuter, mais d'une responsabilité partagée des débarquements, après les sauvetages en mer. " Ils n'avanceront pas sur ces centres de débarquement tant que les Européens n'auront pas avancé sur ces centres contrôlés dans l'UE que le Conseil évoque aussi ", ajoute cette source.
Qu'espère la présidence autrichienne de l'Union, alors que, comme l'a souligné de nouveau le ministre français, Gérard Collomb, jeudi, " nous sommes dans une situation paradoxale : jamais l'UE n'avait connu aussi peu de flux migratoires " ? " Au lieu d'avoir des images de migrants débarquant sur des plages, ce que nous voulons, c'est pouvoir montrer des photos de policiers et de gardes-côtes européens aux frontières de l'Union ", confiait un officiel autrichien, il y a quelques jours à Vienne.
Médecins sans frontières tirait le signal d'alarme, jeudi, assurant que " 600 personnes tentant de traverser la Méditerranée centrale se sont noyées au cours des quatre dernières semaines, y compris des bébés et des petits enfants ". Pour l'ONG, " ces tragédies, qui représentent la moitié du nombre total de morts dans la zone en  2018, se sont produites car il n'y avait plus de bateaux de sauvetage d'organisations non gouvernementalesactives en Méditerranée centrale ". Une façon de souligner la gravité de la décision prise par l'Italie de fermer ses ports aux bateaux d'ONG.
Cécile Ducourtieux
© Le Monde

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