Lu dans le DL du lundi 16 juillet 2018
LE BILLET
PAR GILLES DEBERNARDI
Et que les rabat-joie
aillent se faire voir !
À l’incrédule qui jugeait sa passion excessive, le mythique entraîneur
de Liverpool répondit un jour : « Le football n’est pas une question de
vie ou de mort.
C’est beaucoup plus important que ça. »
À voir la folie
douce que suscite le Mondial en Russie, Bill Shankly avait raison.
Le
jeu qui consiste à pousser le ballon dans les filets d’en face a dépassé
le cadre sportif.
Chaque pays semble vouloir y mettre ses émotions
intimes, sa culture propre, sa fierté nationale, son désir de reconnaissance
voire de suprématie.
Pourtant, avec ou sans coupe, la Croatie
retrouvera demain ses problèmes d’hier.
Ni le chômage, ni la corruption,
ni la précarité ne vont quitter Zagreb par la grâce d’un but marqué
à Moscou.
Chez nous, de la même manière, une percée de Mbappé
n’ira pas abolir les inégalités sociales ou régler la crise identitaire.
Voilà le refrain des intellos rabat-joie qui, non sans argument,
tiennent le foot pour « l’opium du peuple ».
Mais personne, aujourd’hui,
n’a envie de les écouter.
Partout, sur les chemins et sur les routes,
résonne une autre ritournelle reprise à l’unisson : « On a gagné ! ».
La
victoire, en chantant, nous ouvre les barrières de l’illusion d’un avenir
meilleur.
Cette liesse française vaut de l’or.
Elle permet, l’espace d’une
fête, de se rêver en nation fraternelle et unie.
Les enfants du siècle
connaissent enfin l’extase mystérieuse qui, en 1998, déposa leurs
parents sur un nuage éphémère.
Ils se seront fabriqués, cette nuit, des
souvenirs précieux pour les mille ans qui viennent.
Quand un bonheur
passe, mieux vaut le ramasser.
Car telle est la vie des hommes, disait
Pagnol, « quelques joies bien vite effacées par d’inoubliables chagrins.
»
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