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samedi 21 juillet 2018

Affaire Benalla : l'Élysée mis en cause


20 juillet 2018

Affaire Benalla : l'Élysée mis en cause

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 Le parquet de Paris a ouvert jeudi une enquête pour violences et usurpation de fonction, visant Alexandre Benalla, un proche d'Emmanuel Macron
 " Le Monde " a révélé que ce chargé de mission à l'Elysée, coiffé d'un casque des forces de l'ordre, a frappé un manifestant à terre, le 1er mai, à Paris
 Ce collaborateur s'est vu infliger une suspension de quinze jours par l'Elysée pour son " comportement manifestement inapproprié "
 Le porte-parole de la présidence, Bruno Roger-Petit, a jugé que cette sanction était " la plus grave jamais prononcée contre un chargé de mission "
 L'Elysée se retrouve dans la tourmente, alors que l'affaire enflamme l'ensemble du monde politique français
Pages 8-9



20 juillet 2018

Un proche de Macron mis en cause pour violences

Alexandre Benalla, chargé de mission à l'Elysée, a frappé à terre un manifestant, le 1er mai à Paris

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Une mise à pied de quinze jours et toujours un bureau à l'Elysée… C'est la simple sanction que s'est vu signifier, dans la plus grande discrétion, Alexandre Benalla, un proche collaborateurdu président de la République, après s'être livré, le 1er  mai, à des violences restées inconnues jusqu'ici. Une sanction répétée publiquement, jeudi 19  juillet, par le porte-parole de l'Elysée, Bruno Roger-Petit, après les informations publiées la veille par LeMonde. Aussitôt les faits révélés par notre journal, en revanche, le parquet de Paris a ouvert, jeudi dans la matinée, une enquête pour chefs de violences par personne chargée d'une mission de service public, usurpation de fonctions, usurpation de signes réservés à l'autorité publique.
Tout se passe il y a deux mois, le 1er  mai. Ce jour-là, un chargé de mission d'Emmanuel Macron, équipé d'un casque à visière des forces de l'ordre, s'en est pris à un jeune homme qui se trouvait à terre lors d'une manifestation qui se tenait place de la Contrescarpe, dans le 5e  arrondissement de Paris. Il s'est vite éloigné, de peur d'être reconnu.
Selon la chronologie des faits, reconstituée par Le  Monde, tout commence par un appel à  rassemblement lancé sur Facebook. " Alors que la grève risque de s'essouffler chez les cheminots, alors que les facs occupées tombent les unes après les autres, alors que les hôpitaux seront réformés courant mai, écrivent les instigateurs de cet “apéro militant”. Pas question de se contenter du trajet court, déjà vu mille fois” ", entre Bastille et place d'Italie.
Le Comité d'action inter-lycéen, proche de la mouvance autonome, propose de " passer un moment convivial en partageant un apéro sur la place de la Contrescarpe, à la fin de la manif - du 1er-Mai - , vers 18  heures ". L'invitation est notamment relayée par le syndicat étudiant UNEF et par le parti La  France insoumise (LFI). Près de 260  personnes répondent qu'elles y  participeront. A l'heure dite, ils sont en fait moins d'une centaine sur cette place très touristique, entourée de cafés. Les jeunes sont assis par terre, les CRS, postés en haut de la rue Mouffetard, quand, d'un coup, la situation dégénère.
Sur les images d'une vidéo largement partagée sur Facebook et postée par un militant de LFI (mais aussi sur des films d'autres militants, non partagés, que Le Monde s'est procurés), un homme portant un casque et un sweat-shirt clair tire par le cou une jeune fille aux cheveux châtains, puis revient s'en prendre violemment à un jeune homme, déjà à terre, entouré par des CRS. Dans l'une des vidéos, on entend le jeune homme le supplier de se calmer : " Je vais vous expliquer ", lui crie-t-il. En vain. L'homme casqué, visiblement hors de lui, le traîne au  sol, le saisit violemment au cou par-derrière, puis le frappe à plusieurs reprises.
" Scène d'une grande violence "Les témoins de la scène sont convaincus qu'il s'agit d'un policier en civil, son casque est orné d'un écusson, et les CRS, présents en nombre, le laissent agir. " C'était une scène d'une grande violence, qui semblait sans raison et hors sol, raconte un manifestant, Jérémie Ferrer-Bartomeu, chercheur en histoire à l'université de Nanterre, spécialiste de la Renaissance et des guerres de religion. Les policiers ne visaient pas des manifestants encagoulés en noir, ils étaient d'ailleurs quasi inexistants. Pas non plus des anarchistes coutumiers de ce genre de manifestations. "
" Ce garçon et cette fille, personne ne les connaissaitEtaient-ils tout simplement attablés à la terrasse de l'un des cafés ?On avait l'impression d'une scène de théâtre dont on ne comprenait pas l'intrigue ", poursuit M. Ferrer-Bartomeu.
Le Monde n'a pas pu retrouver leur trace, mais les images confirment la violence de la séquence. Sur la vidéo, on entend la voix outrée d'un témoin qui lance à propos de l'agresseur : " Regardez bien sa tête ! Il l'a tabassé par terre ! " Sans doute par crainte d'être reconnu, l'homme casqué  disparaît. Personne sur la place ne l'a identifié. Ni les organisateurs ni les militants, pas davantage les réseaux sociaux, où la vidéo est pourtant largement diffusée. Il s'agit en fait d'Alexandre Benalla, un homme que M.  Macron connaît bien puisqu'il a  participé, comme responsable de la sécurité, à sacampagne présidentielle. M.  Benalla a par la suite été recruté à l'Elysée en tant que chargé de mission, adjoint au chef de cabinet du président, François-Xavier Lauch.
Sollicité par Le Monde, mercredi 18  juillet, M.  Benalla a refusé d'infirmer ou de confirmer sa présence place de la Contrescarpe. Mais ledirecteur de cabinet de M.  Macron, Patrick Strzoda, nous a, lui, confirmé que M. Benalla était bien l'homme de la vidéo, impliqué dans les violences du 1er  mai.
Comment un collaborateur de l'Elysée, très proche du président, a-t-il pu se retrouver ce jour-là dans une manifestation, et agir de la sorte ? M.  Strzoda livre l'explication suivante : " Alexandre Benalla m'avait prévenu deux jours plus tôt qu'il souhaitait participer à une intervention auprès de la Préfecture de police pour voir comment se gérait une grande manifestation, à l'occasion du 1er-Mai. Il m'en a demandé l'autorisation, je la lui ai donnée, mais en précisant bien qu'il y allait en observateur. Le lendemain de la manifestation, j'ai été avisé par un collaborateur que M. Benalla avait été reconnu sur le terrain en train de participer à des opérations de maintien de l'ordre. J'ai vu les vidéos, je l'ai convoqué le jour même, je lui ai demandé si c'était lui. "
Suspension temporaireLe directeur de cabinet prévient aussitôt le président de la République, alors en déplacement en Australie. " Si les faits sont avérés, il faut prendre des sanctions ", lui -répond M. Macron. Devant M. Strzoda, M. Benalla reconnaît être l'homme casqué. Le préfet rédige alors une lettre à son attention. Dans ce courrier, que Le Monde a consulté, le directeur de cabinet évoque un " comportement manifestement inapproprié " ayant " porté atteinte à l'exemplarité qui est attendue, en toutes circonstances, des agents de la présidence de la République ". Le courrier restera dans son dossier et en cas de nouvel écart, il sera licencié.
La lettre annonce aussi la sanction : une simple suspension temporaire, du 4 au 19  mai. Le délai de deux semaines s'écoule sans que l'information " fuite ". M.  Benalla, " réserviste de la gendarmerie ", selon l'Elysée,reste dès lors chargé de mission auprès du président de la République, quoique désormais affecté à un poste administratif, où il s'occupe de la sécurité d'événements organisés " à l'intérieur du palais ", comme des rencontres avec des entreprises, mais aussi la célébration de la victoire des Bleus au Mondial, lundi 16  juillet, sur les Champs-Elysées, ou encore pour le 14-juillet, à Paris, place de la Concorde – deux manifestations qui se tenaient à distance du Palais. Selon nos informations, le procureur de la République de Paris n'aurait été saisi de l'affaire (au titre de l'article  40 du code de procédure pénale) ni par la hiérarchie policière ni par l'Elysée.
Ariane Chemin
© Le Monde



20 juillet 2018

Le goût pour les démonstrations de force d'Alexandre Benalla

Peu connaissent ce proche du chef de l'Etat, mais son caractère ne passe pas inaperçu à l'Elysée

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C'est la règle pour les " chargés de mission " auprès de la présidence de la République : leur nom n'a pas besoin d'être publié au Journal officiel (JO). Alexandre Benalla, l'homme qui a frappé, le 1er  mai, un jeune manifestant place de la Contrescarpe, à Paris, coiffé d'un casque de policier – ce qui lui a valu une mise à pied de quinze jours –, n'apparaît pas dans l'organigramme officiel de l'Elysée.
Rares sont ceux, hormis les chargés de la sécurité de ministres, les journalistes, les conseillers et le personnel de l'Elysée – où il dispose d'un bureau – qui connaissent le visage, voire l'existence, de " l'adjoint au chef de cabinet " d'Emmanuel Macron. Les premières armes politiques d'Alexandre Benalla remontent à 2011. " Il était tout jeune, 20  ans à peine, se souvient Eric Plumer, ancien responsable du service d'ordre national du PS. Il avait fait la sécurité de plusieurs artistes, il en voulait, il était intelligent et compétent, dans mon souvenir, posé. Nous sommes en pleines primaires socialistes, je le charge de la protection de Martine Aubry. Puis je le prends dans mon service d'ordre durant la campagne 2012 de François Hollande. "
Il se met ensuite au service d'Arnaud Montebourg, avant d'être " viré  manu militari "par ce dernier : " Le SPHP - le Service de protection des hautes personnalités - me l'avait proposé comme chauffeur en  2012, raconte au Monde l'ex-ministre du redressement productif. Je m'en suis séparé au bout d'une semaine après une faute professionnelle d'une première gravité : il avait provoqué un accident de voiture en ma présence et voulait prendre la fuite. "
On retrouve enfin ce jeune homme au JO au printemps 2015. Par arrêté du premier ministre de François Hollande, ce titulaire d'un master de droit est admis dans la quarantaine d'étudiants et de professionnels de moins de 35 ans autorisés à suivre la session " jeunes " de l'Institut des hautes études de la sécurité et de la justice, une semaine de formation de haut niveau organisée à l'école des officiers de la gendarmerie à Melun.  Un an et demi plus tard, il rejoint la campagne de M.  Macron, où il est nommé responsable de la sécurité du candidat, pour un salaire de 3 500  euros net.
Pistolets, Flash-Ball et boucliersSelon des indiscrétions delettres confidentielles, La Lettre A et Maghreb Confidentiel, il a  travaillé plusieurs années pour le groupe Velours, spécialisé dans la sécurité privée et fondé par d'anciens policiers. D'après le registre du commerce marocain, il devient le codirigeant d'une antenne montée par l'entreprise à Casablanca, en octobre  2015, qui cesse vite son activité avant d'être dissoute en  2017.
Comme l'entourage du nouveau chef de l'Etat,son nom apparaît ensuite à plusieurs reprises dans les " MacronLeaks ", les courriels et documents internes d'En marche ! dérobés par des hackeurs anonymes et postés sur WikiLeaks à l'été 2017. Durant la campagne présidentielle, plusieurs conseillers proches de M.  Macron s'interrogent. Par exemple, lorsque M. Benalla, du moins selon les " MacronLeaks ", fait établir pour son équipe un devis pour deux pistolets lanceurs de balles en caoutchouc, un Flash-Ball et des boucliers antiémeute.
" Je n'ai jamais entendu dire que les partis politiques avaient des vigiles armés, je trouve même ça dangereux ", rétorque alors par e-mail Cédric O., trésorier de la campagne et aujourd'hui conseiller à l'Elysée chargé des participations de l'Etat et de l'économie numérique.
Le responsable de la sécurité du candidat Macron ne manque en effet pas d'imagination. Le 17  avril 2017, 20 000  personnes sont réunies à l'AccorHotels Arena de Paris, le plus gros meeting de la campagne. On craint une opération terroriste. M.  Benalla a une idée. " Une trappe avait été sciée, racontera à Midi Libre, Ludovic Chaker, coordinateur des meetings. En cas de tir, le pupitre devait basculer et M.  Macron, se retrouver dans la partie creuse de la scène où avaient été placés un kit de secours et un gilet pare-balles. "
Même les professionnels de la sécurité privée connaissent mal M. Benalla. En avril  2016, le consultant a pourtant créé une Fédération française de la sécurité privée avec une connaissance, Vincent Crase, lui aussi présent lors des violences place de la Contrescarpe le 1er mai. Cet officier de réserve de la gendarmerie de 45 ans, basé dans l'Eure et reconverti dans la sécurité privée serait, selon les " MacronLeaks ", l'un des prestataires du service de sécurité de la campagne présidentielle. C'est avec lui que M.  Benalla commande les pistolets qui inquiétaient Cédric O.
" La commande a été refusée par la direction d'En marche ! ", confie au Monde Vincent Crase. Cette association, selon les statuts déposés à la Préfecture de police de Paris, se voulait " un lieu d'échange entre les différents acteurs de la sécurité privée " et entendait régler " tous les différends entre les professionnels du secteur et les pouvoirs publics ou les clients ". Les activités de cette fédération n'ont laissé aucune trace : elle a  vite été dissoute.
A l'Elysée, en revanche, le caractère d'" Alexandre " et son goût pour les démonstrations de force ne passent pas inaperçus. Lors d'un meeting à Caen du candidat Macron, le 4  mars 2017, des témoins se souviennent l'avoir vu soulever de terre et évacuer manu militari un photographe local, qui s'était approché trop près à son goût de l'ancien ministre de l'économie.
Et, à l'occasion d'un déplacement de M.  Macron dans un centre de formation des apprentis de Tours, le 15  mars, le " M.  Sécurité " du président s'en était pris à un commissaire de police en tenue, accusé de ne pas libérer assez vite le passage au chef de l'Etat. " Alexandre, faut pas l'embêter ", avait soufflé un proche de M.  Macron qui assistait à la scène.
Ar. Ch., François Krug, et Cédric Pietralunga
© Le Monde


20 juillet 2018

L'opposition dénonce un " scandale d'Etat " et un " climat d'impunité "

La droite, LFI et le PS s'étonnent que l'Elysée n'ait pas transmis les faits à la justice

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L'ELYSÉE JUSTIFIE SA POSITION
Le porte-parole de la présidence de la République, Bruno Roger-Petit, a été contraint jeudi à 9 h 30 de réagir en urgence depuis l'Elysée. Il a confirmé qu'Alexandre Benalla avait été autorisé à se rendre à la manifestation du 1er mai. " Cette autorisation lui a été donnée puisqu'il agissait dans le cadre d'un de ses jours de congés et qu'il ne devait avoir qu'un rôle d'observateur. Il a largement outrepassé cette autorisation ", a commenté M. Roger-Petit avant de justifier la sanction prise.
Alexandre Benalla a été mis à pied pendant quinze jours avec suspension de salaire. Il a été démis de ses fonctions en matière d'organisation de la sécurité des déplacements du président. Cette sanction vient punir un comportement inacceptable qui est un dernier avertissement avant licenciementC'estla sanction la plus grave jamais prononcée contre un chargé de mission. "
VERBATIM

Monsieur, J'ai été informé de votre participation aux opérations de maintien de l'ordre, aux côtés des effectifs de la préfecture de police, lors des manifestations qui se sont déroulées à Paris le 1er mai dernier. Votre initiative ne peut en aucune manière se rattacher à la mission qui vous a été confiée au sein des services de la présidence de la République. A cette occasion, vous avez eu un comportement manifestement inapproprié. Votre comportement a porté atteinte à l'exemplarité qui est attendue, en toutes circonstances, des agents de la présidence de la République. En conséquence, j'ai décidé de vous suspendre de vos fonctions, à compter du 4 mai 2018, pour une durée de quinze jours. Vous reprendrez vos fonctions le 19 mai 2018. Je vous invite à tirer toutes les conséquences de ces incidents et de faire preuve, à l'avenir, d'un comportement exemplaire. A défaut, je mettrai fin définitivement à votre collaboration au sein des services de la présidence de la République. Je vous prie d'agréer, Monsieur, l'expression de ma considération distinguée. "
Patrick Strzoda directeur de cabinet du président de la -République, dans une lettre adressée à Alexandre Benalla, chargé de mission, adjoint au chef de cabinet, présidence de - la République. A Paris, le 3 mai.
Scandale d'Etat "" honte ", " impunité ". Depuis queLe Monde a révélé mercredi soir l'identité du conseiller d'Emmanuel Macron frappant un manifestant le 1er mai, les responsables politiques de tous bords ont fait part de leur -indignation.
La France insoumise est très vite montée au créneau. "Ces faits sont scandaleux et méritent sanction. C'est un délit pénal ", estime Alexis Corbière qui dénonce " deux poids deux mesures ". " En Seine-Saint Denis, la justice n'est pas clémente avec ceux qui enfreignent la loi, mais quand on est proche du président de la République, on est intouchable ", poursuit le député La France insoumise du département.
Même approche pour le premier secrétaire du Parti socialiste : " On ne peut pas vouloir une République exemplaire et considérer qu'un collaborateur du président de la République n'a pas à répondre des mêmes règles que n'importe quel Français ", a critiqué Olivier Faure, jeudi, sur France 2. L'un de ses secrétaires nationaux, Sébastien Denaja, a été plus loin sur Twitter, en évoquant " un scandale d'Etat " et en réclamant la démission d'Alexandre Benalla.
La droite n'est pas en reste. Sur Europe 1, Laurent Wauquiez a demandé officiellement " à Emmanuel Macron de s'exprimer  pour faire la lumière sur ces faits ". Et le président du parti Les Républicains (LR) de s'interroger : " Qui était au courant à l'Elysée ? Y a-t-il eu des manœuvres pour étouffer cette affaire ? Aujourd'hui on a le sentiment que l'Elysée se croit au-dessus de tout ", a pointé le responsable. Sur Twitter, le député LR des Alpes-Maritimes Eric Ciotti a abondé : "La justice doit se saisir de toute urgence de cette affaire qui abîme l'Etat de droit ".
" Inquiet pour la démocratie "Les membres du gouvernement ont défendu l'Elysée tout en condamnant le comportement de M. Benalla. Interrogée à l'Assemblée pendant le débat sur la réforme constitutionnelle, la garde des sceaux, Nicole Belloubet, a dénoncé des " gestes absolument inadaptés ". " C'est un comportement inacceptable. Des sanctions ont été prises immédiatement : une mise à pied et un changement de sanction. Il n'y a pas d'impunité ", a déclaré Julien Denormandie, secrétaire d'Etat, sur France Inter. Une ligne qui semble déjà contestée par des membres de la majorité, comme le député La République en Marche, Laurent Saint-Martin : " Ne me demandez pas de lui trouver une excuse, il n'y en a aucune. Après un tel comportement, à mon avis, on ne peut plus travailler auprès du Président de la République ", tacle l'élu du Val-de-Marne.
Nombreux sont ceux qui s'étonnent que les faits, qui étaient connus de la présidence de la République, n'aient pas été transmis au procureur de la République au titre de l'article 40 du code de la procédure pénale. Celui-ci prévoit que " Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit est tenu d'en donner avis sans délai au procureur de la République ".
En ne saisissant pas le Parquet, on dissimule des faits", accuse Benoît Hamon, chef de file de Génération.s qui se dit " inquiet pour la démocratie française et le climat d'impunité que cette affaire révèle ".
L'ancien candidat à la présidentielle espère " que le Parlement se saisisse et qu'une enquête parlementaire soit ouverte ". " C'est une évidence que le procureur de la République aurait dû être saisi ", abonde M. Corbière qui parle de faits " d'une extrême gravité ".
Le Rassemblement national (RN) est resté d'abord discret sur cette affaire. Marine Le Pen n'a pas réagi. Le parti s'est contenté d'envoyer un communiqué de l'un de ses porte-parole, Julien Sanchez, dénonçant " l'instauration d'un régime autocratique bafouant les règles de droit " et les " dérives " du gouvernement. Le député RN du Nord, Sébastien Chenu, a quant à lui observé sur Twitter " une déconnexion totale entre Macron, sa cour et les Français " et ajouté que cette vidéo " porte atteinte à l'image des forces de l'ordre ".
Astrid de Villaines
© Le Monde


20 juillet 2018

Le parquet ouvre une enquête préliminaire

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L'affaire " Benalla ", révélée mercredi 18 juillet par Le Monde, a trouvé un prolongement judiciaire avec l'ouverture d'une enquête, jeudi matin, par le parquet de Paris. Cette enquête pour " violences par personne chargée d'une mission de service public ", " usurpation de fonctions " et " usurpation de signes réservés à l'autorité publique ", a été confiée à la Brigade de répression de la délinquance contre la personne (BRDP), a déclaré au Monde le parquet de Paris.
En marge des cortèges du 1er mai, une centaine de personnes s'étaient rassemblées pour manifester place de la Contrescarpe, dans le 5e arrondissement de Paris. La situation avait dégénéré, et une vidéo, largement partagée sur Facebook, montrait un homme portant un casque s'en prendre violemment à un jeune homme à terre, entouré par des CRS. Cet homme a été identifié par Le Monde comme étant Alexandre Benalla, chargé de mission, adjoint au chef de cabinet du président de la République. Une information confirmée par ledirecteur de cabinet d'Emmanuel Macron, Patrick Strzoda.
Après avoir reconnu les faits devant Patrick Strzoda, qui en avait référé au président de la République, Alexandre Benalla s'était vu infliger une simple sanction administrative : une mise à pied de quinze jours. Le chargé de mission, qui a depuis retrouvé un bureau à l'Elysée, est toujours chargé de mission auprès de la présidence de la République, mais il a été muté à des fonctions administratives puisqu'il s'occupe désormais de la sécurité d'événements organisés au Palais de l'Elysée.
La ministre de la justice, Nicole Belloubet, a commenté l'affaire, jeudi, à l'Assemblée nationale. Interpellée dans l'hémicycle par Eric Ciotti (LR) lors des débats sur la révision constitutionnelle, la ministre a affirmé que " les éléments qui ont été révélés par les films qui ont été diffusés témoignent effectivement de gestes absolument inadaptés ", ajoutant que " si cela paraît nécessaire, le procureur prendra de sa propre initiative les décisions qui s'imposent ".
Toutefois, l'enquête ouverte par le parquet ne vise pas de faits de non-dénonciation. Les membres du cabinet de l'Elysée ayant eu connaissance des actes de violence commis par M. Benalla auraient pourtant dû, au titre de l'article 40 du code pénal, en informer le parquet. Cet article précise en effet que " toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit est tenu d'en donner avis sans délai au procureur de la République ".
Cependant, explique au Monde une source judiciaire, les cas de non-dénonciation sanctionnés pénalement concernent uniquement les crimes ou les mauvais traitements sur personne vulnérable.
Soren Seelow
© Le Monde

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