Je crois en l'OTAN ", a affirmé Donald Trump jeudi 12 juillet à Bruxelles, en clôture d'un sommet mouvementé entre les 29 alliés. Flanqué de John Bolton, directeur du conseil de sécurité nationale, et de Mike Pompeo, secrétaire d'Etat, le président américain a jugé qu'il n'était " pas nécessaire ", donc, de quitter l'institution. Avant sa rencontre avec Vladimir Poutine le 16 juillet à Helsinki, ce message d'unité ainsi obtenu de la bouche de M. Trump était vital aux yeux des alliés d'Europe et du Canada. Mais il n'a pas levé toutes leurs inquiétudes.
Une rumeur – confondant le désir du président de quitter le siège de l'organisation et l'organisation elle-même… – a enflammé le sommet dans la matinée. Et une réunion, non prévue à l'agenda, a été convoquée en urgence par le secrétaire général de l'OTAN, Jens Stoltenberg, pour traiter de la question du
" partage du fardeau " sécuritaire.
La veille, la déclaration du sommet, signée par tous les alliés, a réaffirmé l'engagement pris en 2014 par chacun de consacrer un effort de 2 % de son PIB à la défense d'ici 2024, et 20 % de son budget à moderniser son armée. L'objectif avait été fixé quand la Russie a annexé illégalement la Crimée, poussant l'OTAN à revenir à sa vocation lors de sa création, en 1949, la sécurité collective euro-atlantique. Les alliés s'y sont tenus mais les déclarations multiples des coulisses du sommet avaient complètement brouillé le message.
Pendant deux jours, M. Trump a développé deux discours dont la simultanéité, électrique, a secoué l'Alliance. L'un, public, sur Twitter, clairement destiné à ses électeurs américains, a vilipendé les Européens. Ils ont été accusés de laisser les Etats-Unis payer pour la défense collective (
" Inacceptable ! "), sommés de dépenser 4 % de leur produit intérieur brut (PIB) dans leur défense, critiqués pour ériger des barrières commerciales, et, dans le cas de l'Allemagne, acheter du gaz à la Russie. L'autre discours, dans les réunions, a conforté l'OTAN, malgré un langage très brutal. Au dîner avec les responsables de l'Union européenne (UE), mercredi soir, le président américain n'a pas jeté d'huile sur le feu. Il a parlé de la Corée du Nord.
Qu'importe qu'il s'en attribue le mérite, le résultat, ont voulu se rassurer les alliés, est une OTAN
" plus forte " grâce à la réforme de ses états-majors et à l'augmentation des budgets de défense : ce sont 87 milliards de dollars supplémentaires depuis 2014, et bientôt 266 milliards de plus en 2024, face à la Russie.
A ce sujet, la déclaration du sommet est claire.
" Les activités et les politiques récentes de la Russie ont fragilisé la stabilité et la sécurité. (…)
Alors que l'OTAN respecte ses engagements internationaux, la Russie a violé les valeurs, les principes et les engagements sur lesquels repose la relation OTAN-Russie " depuis 1997. Elle a
" remis en cause les principes fondamentaux de l'architecture de sécurité tant mondiale qu'euro-atlantique ".
Poutine, " ni ennemi ni ami "L'enjeu cependant, dépasse largement les chiffres. L'alliance des valeurs est fragilisée, s'inquiètent plusieurs pays, dont la France et l'Allemagne.
" Quand on est entre alliés, on ne peut pas laisser un désaccord prospérer (…)
ou alors on participe soi-même au désordre du monde ", a souligné Emmanuel Macron en référence aux attaques proférées par Donald Trump contre la chancelière Angela Merkel. Prorusse durant sa campagne, antirusse pour critiquer une Allemagne
" dominée " au plan énergétique par Moscou, le président américain affirmait jeudi 12 juillet que,
" ni ennemi, ni ami ", Vladimir Poutine pourrait peut-être devenir
" un ami un jour ".
Pour certains, le président américain en reviendrait au contenu de la Stratégie de sécurité nationale (NSS) élaborée à la fin de 2017. Elle énonce que la Russie tente de miner le lien transatlantique et de déstabiliser les institutions en Europe.
Avec la Russie, côté français,
" il y a une volonté d'essayer d'enclencher une désescalade ", d'aller
" vers des progrès " et
" une forme de normalisation ", même s'il
" ne peut pas y avoir de renonciation aux accords de Minsk ", expliquait Emmanuel Macron.
" J'ai dit au président Trump que la discussion qui aura lieu à Helsinki était importante pour (…)
reprendre les discussions sur le traité New Start et sur un ordre multilatéral respectueux d'une stratégie de désarmement. "
Le " drame " bruxellois ne fut qu'une scène d'ouverture de la rencontre Trump-Poutine, craint Constanze Stelzenmüller de la Brookings Institution.
" Le sujet n'est pas les dépenses de défense ou les pipelines. Trump veut redessiner l'ordre international, et l'OTAN est en travers du chemin. Trump est clairement plus intéressé par un alignement sur les autocrates et les autoritaires, en Russie, en Hongrie, en Pologne, en Italie ", relève cette analyste.
Nathalie Guibert, et Jean-Pierre Stroobants
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