Pour Renault, les assemblées générales se suivent mais ne se ressemblent pas. Vendredi 15 juin, c'est dans un climat apaisé que les actionnaires du premier groupe automobile français, réunis au Palais des congrès de la porte Maillot, à Paris, ont reconduit pour quatre ans le mandat de Carlos Ghosn, en tant que PDG de la firme au losange, et approuvé sa rémunération au titre de 2017 et de 2018. Un actionnaire a bien interpellé le président Ghosn, lors de la séance de questions, mais c'était pour réclamer que celui-ci parle des voitures à hydrogène plutôt que des véhicules à batteries.
Le climat était fort différent de celui des assemblées générales de 2017, 2016 et 2015, lorsque le salaire du patron de Renault mais aussi, à l'époque, de Nissan et de l'Alliance des deux entreprises, déclenchait un tollé dans l'opinion publique et faisait l'objet d'un bras de fer avec l'Etat français, son premier actionnaire. Celui-ci a refusé plusieurs années de suite de voter la rémunération du " big boss " de la firme au losange. La controverse avait même poussé le gouvernement à renforcer l'arsenal législatif sur la gouvernance des sociétés, rendant obligatoire le vote de l'assemblée générale des actionnaires (et plus seulement du conseil d'administration) sur les éléments de rémunération des principaux dirigeants d'entreprise.
Bercy a donc voté la rémunération de Carlos Ghosn au titre de l'année en cours, et par voie de conséquence, l'assemblée générale a approuvé à une forte majorité (87,89 %) les éléments de salaire pour 2018. En revanche, l'Etat n'a pas voté la rémunération 2017, conservant une cohérence avec sa décision de l'an dernier. Les actionnaires de Renault ont donc entériné à une courte majorité de 56,5 % le versement de 7,4 millions d'euros à Carlos Ghosn au titre de l'année 2017, qui se sont ajoutés aux 9,2 millions d'euros touchés au titre de ses fonctions chez Nissan.
Changement d'ambiancePourquoi un tel changement d'ambiance ? En premier lieu parce que le salaire versé l'an prochain à Carlos Ghosn sera réduit fortement, d'environ 30 %. C'est certes la conséquence logique de la montée en puissance de Thierry Bolloré, nommé directeur général adjoint du groupe au losange le 15 février dernier, soit numéro deux du groupe, mais cela atténue considérablement les crispations.
Et puis, les relations de Renault avec l'Etat actionnaire se sont apaisées. Elles étaient électriques, il y a quelques années. M. Ghosn et Emmanuel Macron, alors ministre de l'économie, s'étaient accrochés, en 2015, sur la question de l'influence de la puissance publique au sein de l'ex-régie nationale. Depuis plusieurs mois, les signes de bonne entente se sont multipliés, sur le dossier GM & S, par exemple, cette usine de composants automobiles dans la Creuse qu'il a fallu sauver de la faillite, ou, tout récemment, sur l'annonce d'un investissement de plus de 1 milliard d'euros d'ici à 2022 dans les usines françaises afin d'y développer un pôle industriel national du véhicule électrique.
L'Etat a besoin de l'homme fort de Renault. Ce dernier a promis de mettre à profit ses quatre années supplémentaires à la tête du groupe pour renforcer l'alliance avec Nissan et Mitsubishi, et garantir ainsi la pérennité de l'édifice qu'il a bâti, une fois qu'il aura pris sa retraite.
" Nous avons déjà bien progressé dans cette réflexion. On arrivera à converger assez vite ", assurait-il dans une interview au
Figaro publiée au matin de l'assemblée générale. Le mandat de M. Ghosn court sur quatre ans, mais il souhaite que la gouvernance future de l'Alliance soit annoncée
" bien avant la fin du mandat, et même plutôt au début ".
Le sujet d'une intégration plus poussée entre Renault et Nissan reste sensible, en France comme au Japon. Renault possède 43,4 % de Nissan, qui détient à son tour 34 % de Mitsubishi et 15 % de Renault, mais sans droits de vote dans les décisions du français.
" Quel que soit le schéma final, il sera agréé par les conseils de chaque entreprise, ajoutait Carlos Ghosn dans
Le Figaro.
Rien ne se fera dans le dos de l'une ou l'autre, d'un actionnaire ou d'un autre. "
Éric Béziat
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