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dimanche 17 juin 2018

En Hongrie, les passeurs du " camion de la honte " condamnés à vingt-cinq ans de prison


16 juin 2018

En Hongrie, les passeurs du " camion de la honte " condamnés à vingt-cinq ans de prison

Le chef afghan du réseau avait ordonné au conducteur de laisser mourir 71 migrants

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Quatre passeurs, accusés en Hongrie d'avoir provoqué la mort par suffocation de soixante et onze migrants, en  2015, ont été condamnés en première instance, jeudi 14  juin, à vingt-cinq ans de prison ferme.
Après près d'un an de procédure, la cour de la ville de Kecskemet a reconnu coupable le responsable afghan du réseau, Samsoor L., ainsi que le conducteur de la camionnette frigorifique, un copilote et un autre organisateur, tous bulgares. D'autres personnes impliquées ont, elles, été condamnés à des peines comprises entre trois et douze ans de prison ferme. Trois des prévenus sont en fuite.
Le parquet hongrois a fait appel, le verdict lui paraissant trop clément, alors que les passeurs répondaient d'homicide, avec circonstance aggravante de cruauté. Il avait requis la perpétuité.
Le véhicule, portant la marque d'une société slovaque de transformation de volaille, avait été retrouvé, le 27  août 2015, dans l'est de l'Autriche. Ce " camion de la honte ", symbole pour certains élus et ONG des conséquences d'une politique de l'asile trop répressive, jetant les migrants dans les mains de passeurs peu scrupuleux, avait pris la route la veille, depuis la frontière entre la Hongrie et la Serbie, en vue de se rendre en Europe de l'Ouest. Ses passagers clandestins étaient morts à peine trois heures après son départ.
Cadavres en décompositionLes cinquante-neuf hommes, huit femmes et quatre mineurs n'avaient eu que 14 mètres carrés et 30 mètres cubes d'air pour respirer. Lorsqu'ils comprirent qu'ils allaient mourir, ils firent tanguer si fort leur compartiment hermétiquement fermé que, pris de panique, leur conducteur demanda par téléphone à sa hiérarchie s'il pouvait leur ouvrir.
Samsoor L., qui avait déjà empoché entre 1 000 et 1 500  euros par tête, payé ses hommes entre 500 et 2 000  euros, et qui s'apprêtait à envoyer l'argent à son frère en Afghanistan, avait alors répondu de " les laisser plutôt mourir ". " C'est un ordre, avait-il même ajouté, selon des écoutes téléphoniques. S'ils meurent, il faudra les décharger dans une forêt en Allemagne. " Avant de devenir bourreau, cet homme fluet fut un migrant lui aussi. Entré en Hongrie illégalement en  2013, il jouissait jusqu'ici de la protection accordée aux personnes exposées à des menaces dans leur pays d'origine.
Le sort réservé à ses " clients " avait suscité une vive émotion en Europe qui avait poussé la chancelière allemande, Angela Merkel, alors présente en Autriche pour participer à un sommet concernant les migrations, à ouvrir en très grandes les frontières jusqu'ici hermétiques de son pays. Depuis, les " 71 de Parndorf ", du nom du petit village autrichien où leurs cadavres en décomposition avaient été retrouvés, ont tous été identifiés, sauf un. Certains d'entre eux reposent désormais dans la terre qu'ils espéraient fouler vivants.
L'universitaire Jérôme Segal, engagé auprès des réfugiés, se souvient de l'enterrement de neuf personnes au cimetière musulman de la capitale autrichienne, le 16  octobre 2015. " C'était très dur d'assister à cette cérémonie religieuse, se remémore-t-il. Il s'agissait de sept Afghans et de deux Syriens. Parmi les Afghans, il y avait une famille comptant trois enfants, dont un bébé âgé de 10  mois.  Seul le cousin de la maman avait pu venir à l'enterrement, parce qu'il vivait dans le Land de Salzbourg. Pour l'inhumation des deux Syriens, un frère avait fait le voyage depuis l'Espagne, et il y avait déjà un cousin à Vienne, un docteur en philosophie islamique, devenu gérant d'un petit hôtel. "
Hans Peter Doskozil, le chef de la police qui avait supervisé la découverte du camion, estime que, face à la gravité des accusations, la peine prononcée paraît plutôt clémente. " Pour un tel crime, je m'attendais à la peine maximale ", a-t-il réagi dans la presse autrichienne, se disant encore hanté aujourd'hui par les conditions dans lesquelles sont morts ces migrants, fauchés par la cupidité au cœur de l'Europe, après avoir échappé aux bombes du Proche-Orient ou à la répression des talibans.

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