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dimanche 17 juin 2018

En Colombie, la droite fait front contre Petro


16 juin 2018

En Colombie, la droite fait front contre Petro

Malgré sa percée, le candidat de gauche reste loin derrière le conservateur Ivan Duque

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Le second tour de la présidentielle colombienne est une première. Jamais un candidat de gauche n'avait passé la barre du premier tour. Ce dimanche 17  juin, le très à droite Ivan Duque, 41 ans, qui promet de baisser les impôts, de réduire les dépenses publiques et d'attirer les investisseurs étrangers, affrontera le candidat de la gauche indépendante Gustavo Petro, 58 ans qui parle redistribution des terres, environnement et droits des minorités sexuelles. Trente-six millions de Colombiens sont appelés aux urnes pour les départager. Et décider du sort de la paix.
Ivan Duque entend " revoir " les termes de l'accord signé en  2016 avec la guérilla des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC). Il souhaite empêcher les chefs guérilleros démobilisés d'entrer au Congrès, comme convenu. Gustavo Petro promet, lui, de mettre en œuvre l'accord conclu entre l'actuel président Juan Manuel Santos et les FARC.
" L'accord de paix avec les FARC reste une des lignes de fracture de la politique colombienne ", explique le commentateur politique Carlos Lemoine. Mais il n'explique pas à lui seul la dynamique électorale. Pour M. Lemoine, " M.  Petro a su introduire de nouveaux thèmes de campagne. Il est le favori des 18-30 ans et de la plupart des grandes villes tandis que M.  Duque est majoritaire chez les plus de 40 ans, dans les petites villes et dans les campagnes. "
Les derniers sondages (publiés le 10  juin) donnaient tous Ivan Duque gagnant, avec une avance de 6 à 20 points sur Gustavo Petro. En position de force, le candidat de la droite a refusé tout débat télévisé avec son rival. Ivan Duque, souriant et chaleureux, passe bien à la télévision. Mais il a des raisons de craindre les attaques de Gustavo Petro, remarquable orateur.
Gestion autoritaire de la capitaleIvan Duque n'a d'autre expérience politique que d'avoir été élu sénateur en  2014, après avoir passé douze ans aux Etats-Unis. Il est arrivé au Congrès et s'est lancé dans la campagne présidentielle dans le sillage de l'ancien président à poigne Alvaro Uribe (2002-2010). Les " uribistes " sont la principale force au Congrès où la droite est majoritaire.
Gustavo Petro a, lui, appartenu un temps à la petite guérilla urbaine du M-19 (démobilisée en  1990) avant de devenir parlementaire et maire de Bogota. Sa gestion autoritaire à la tête de la capitale lui a valu des ennemis au sein de son propre camp. Ni Ivan Duque ni Gustavo Petro n'apparaissaient dans les sondages il y a encore un an. " Les deux candidats sont, chacun à leur façon, des outsiders ", résume M. Lemoine. Le désistement télévisé d'Ivan Duque exaspère et ravit les - " pétristes " qui veulent y voir la preuve que leur candidat a ses chances. " Depuis des mois, les médias affirment que Gustavo Petro a atteint son plafond de verre. Or, il ne cesse de progresser, malgré les attaques et les mensonges dont il a été victime ", considère Blanca Duran, directrice de la campagne.
Réseaux sociaux aidant, le candidat de gauche a été présenté comme un dangereux castro-chaviste désireux d'exproprier à tour de bras et de fermer les églises. Des abeilles " tueuses " ayant assailli un meeting électoral le 10  juin, des proches d'Ivan Duque ont dénoncé sur Twitter " l'attaque bio terroriste " ourdie par les partisans de Gustavo Petro, avant d'admettre leur erreur.
Les " fake news " se sont également multipliées. Gustavo Petro fut accusé d'avoir refusé de reconnaître la paternité d'une fille mais la photo apportée à l'appui de cette accusation s'est avérée être celle d'une actrice porno.
Allié des conservateurs et des évangéliques, Ivan Duque a remporté le premier tour du 27  mai, avec 39,1  %. Il a reçu depuis l'adhésion des principales personnalités de la droite traditionnelle, corrompus compris. " Ivan Duque qui avait mis en avant sa jeunesse pour se poser en rénovateur de la politique se retrouve en candidat de l'establishment ", souligne la chercheuse Eugénie Richard. Mais fort de ces soutiens, le candidat de la droite n'a pas trop d'inquiétudes à se faire.
Gustavo Petro est arrivé loin derrière lui, avec 25,3  % des voix, talonné par le candidat du centre Sergio Fajardo qui a obtenu 25,1  %. Mathématicien de formation, chantre de l'éthique en politique, M.  Fajardo a refusé de se prononcer pour le second tour. Un certain nombre de ses électeurs ont, comme lui, fait le choix de voter blanc pour exprimer " leur refus des extrêmes ".
Mais M. Fajardo a été lâché par ses alliés du Parti vert qui ont passé alliance avec Gustavo Petro. Pour rallier au centre, le candidat de gauche a accepté de modérer son programme et d'oublier son projet de constituante. Nombre d'intellectuels, d'universitaires et d'artistes qui avaient voté pour Sergio Fajardo au premier tour ont pris parti pour le candidat de la gauche afin d'éviter le retour de l'uribisme au pouvoir.
En retour, la peur de Gustavo Petro a réconcilié toutes les factions de la droite. Les investisseurs et hommes d'affaires se frottent les mains. " La victoire annoncée d'Ivan Duque les rassure. Elle est une garantie de continuité et de stabilité ", souligne Sergio Guzman, analyste de la société Control Risk. Mais Ivan Duque n'aura pas la tâche facile." Le score de Gustavo Petro confirme que le pays bouge politiquement et que les citoyens entendent faire entendre leur voix  et défendre leurs droits, considère M. Guzman. La majorité au Congrès ne fait pas  tout. "
Marie Delcas

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