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lundi 18 juin 2018

Carrefour : le chèque signé à l'ex-PDG fait polémique


17 juin 2018

Carrefour : le chèque signé à l'ex-PDG fait polémique

Le Haut Comité de gouvernement d'entreprise demande des explications à la direction du distributeur

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LECLERC ASSIGNÉ EN JUSTICE PAR BERCY
Le ministère de l'économie et des finances a assigné, vendredi 15 juin, Galec, la centrale d'achat du groupe Leclerc, devant le tribunal de commerce de Paris pour avoir imposé des remises qu'il considère comme "  illégales  "à ses fournisseurs, lui réclamant le paiement de 108 millions d'euros. La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes a constaté que, de 2013 à 2015, Galec imposait une remise additionnelle de 10  % à une vingtaine de fournisseurs pour les produits qui étaient, l'année précédant les négociations, "  également commercialisés par une enseigne de “hard discount” concurrente  ", précise-t-elle dans un communiqué. Le PDG de l'enseigne, Michel-Edouard Leclerc, a réagi avec ironie à cette assignation qu'il qualifie de "  politique  ", disant sur son blog y voir un "  effet d'annonce (qui) permet aux politiques de mettre en scène leur pouvoir de gendarme contre le méchant distributeur  ".
Georges Plassat devrait prochainement toucher près de 17  millions d'euros. Réunis en assemblée générale, vendredi 15  juin, à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), les actionnaires du groupe Carrefour ont approuvé la résolution accordant plus de 12,7  millions d'euros à l'ancien PDG du groupe français de distribution, au titre de ses éléments de rémunération fixes, variables et exceptionnels attribués pour l'exercice 2017. Cette résolution a été adoptée par 68  % des actionnaires présents et représentés.
En sus, les actionnaires ont approuvé une convention qui accorde 3,98  millions d'euros d'indemnité pour respect d'une clause de non-concurrence de dix-huit mois à celui qui, à l'âge de 68 ans (il en a désormais 69), a fait valoir ses droits à la retraite. A ce titre, il touchera 517 810  euros de retraite supplémentaire par an.
Au cours de l'assemblée générale, les organisations syndicales ont toutes dénoncé ce pactole " et cette "incohérence " alors que Carrefour, premier employeur privé de France, traverse une crise sans précédent. En  2017, le groupe aux 78,8  milliards d'euros de chiffre d'affaires affiche des pertes nettes de 531  millions d'euros.
En janvier, Alexandre Bompard, successeur de Georges Plassat, a annoncé un vaste plan de réduction de coûts qui prévoit la suppression de 7 000 emplois dans le monde, dont 2 400 en France. Pour crédibiliser ce plan de départs volontaires à boucler d'ici à l'automne, cet ancien patron du groupe Fnac-Darty ne manque jamais l'occasion de pointer les erreurs du passé. Parmi elle, figurent le retard pris par Carrefour sur le marché du e-commerce et le rachat à prix fort du réseau de l'enseigne Dia en France, en  2014, trois ans après sa scission. Depuis, les élus du personnel du groupe sont vent debout.
La CFDT avait notamment dépêché à Aubervilliers plus d'une centaine de ses élus, actionnaires salariés, pour bruyamment manifester son opposition aux plans de suppressions d'emplois, alerter les petits actionnaires de Carrefour de la grande faiblesse du reclassement des quelque 2 100 salariés des 245 ex-magasins Dia appelés à fermer et dénoncer le package de près de 13  millions d'euros " de son ancien PDG.
Comment se fait-il que Georges Plassat soit récompensé au titre des résultats 2017 dont la nouvelle direction dit qu'ils sont mauvais et justifient la mise en place d'un plan de sauvegarde de l'emploi ? ", s'agace aussi Philippe Allard, délégué syndical au sein du groupe Carrefour, élu de la CGT qui avait appelé à une manifestation aux abords du centre de séminaire d'Aubervilliers où, sous bonne escorte des CRS, se tenait l'assemblée générale.
Alexandre Bompard, PDG du groupe, s'attendait visiblement à cette polémique. Il a rappelé que les conditions de départ de M. Plassat avaient été décidées lors des assemblées générales d'actionnaires précédentes. Et, probablement pour éviter d'être interrompu par les huées, Thierry Breton, le président du comité des rémunérations du groupe, avait choisi de présenter les détails de la rémunération de M. Plassat par le biais d'une longue vidéo préenregistrée. Il n'en fut pas moins passablement sifflé.
Car, dans l'assemblée, les élus du personnel ne sont plus les seuls à se mobiliser pour dénoncer les conditions de départ de M.  Plassat. Dépités par la dévalorisation boursière de Carrefour – le titre a terminé vendredi à 15,49  euros à la Bourse de Paris, soit 30  % de moins que lors de l'arrivée de M. Bompard en juillet  2017 –, les petits porteurs sont venus gonfler les rangs des mécontents.
Seuls 68  % des actionnaires présentés ou représentés ont voté favorablement la résolution. C'est fort peu ", analyse Loïc Dessaint, directeur général de Proxinvest, cabinet de conseil de vote auprès des investisseurs lors des assemblées générales de groupes cotés. De fait, une forte proportion de petits actionnaires et de gestionnaires d'actifs se seraient opposés à la résolution, soutenue par les actionnaires de référence du groupe, la famille Moulin, héritière des Galeries Lafayette, Groupe Arnault, véhicule d'investissement de Bernard Arnault, PDG du groupe LVMH, et Abilio Diniz, milliardaire brésilien.
Méthodes " moches "A eux trois, ces actionnaires représentent 29  % du capital et 40  % des droits de vote. Dès lors, on peut estimer que deux tiers des petits actionnaires ont voté contre ",calcule M. Dessaint. De fait, lors de la séance de questions-réponses qui anime les assemblées générales d'actionnaires de groupe cotés en Bourse, plusieurs d'entre eux ont interpellé les administrateurs et les dirigeants sur les rémunérations de M. Plassat et de son successeur, Alexandre Bompard.
Selon eux, les montants accordés seraient décorrélés de la situation de l'entreprise "et les méthodes " moches ", voire inadmissibles ". Tous avaient été alertés par des avis publiés en amont de l'assemblée générale. Deux semaines avant sa tenue, Proxinvest avait souligné cette même incohérence " et appelé à voter " non " à la batterie de résolutions relatives à la rémunération de l'ancien PDG et son successeur. Elles ont finalement toutes été adoptées. Au titre de 2017, M.  Bompard a touché un salaire fixe de 750 000  euros bruts et 1,24  million d'euros bruts de rémunération variable.
Mais c'est surtout l'indemnité pour non-concurrence de M. Plassat qui cristallise les critiques. " C'estune indemnité de départ déguisée  versée à M. Plassat. Elle contrevient au code AFEP-Medef ", juge M. Dessaint. C'est aussi l'avis du Haut Comité de gouvernement d'entreprise (HCGE), gardien du respect de l'application de ce code. Michel Rollier, son président, a pointé vendredi combien les modalités de détermination de la rémunération " de ses dirigeants constituent des déviations sérieuses aux recommandations du code AFEP-Medef ". Le HCGE a estimé " qu'il appartient au groupe Carrefour de répondre à ces interrogations dans les plus brefs délais ".
Déjà, le jeune PDG du géant de la distribution a allumé des contre-feux, répondant notamment à ceux qui exigent davantage de transparence. Lors de l'assemblée générale, M.  Bompard a dit avoir demandé que 80  % de sa rémunération variable "soit attribuée en fonction d'éléments quantitatifs ". Et promis qu'il présentera aux administrateurs et membres du comité de rémunérations des propositions " pour que ses propres indemnités de départ ne fassent pas débat.
Juliette Garnier
© Le Monde

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