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mercredi 16 mai 2018

Chez les députés LRM, la grogne, pas encore la fronde


16 mai 2018

Chez les députés LRM, la grogne, pas encore la fronde

Une trentaine d'élus macronistes réclament toujours une inflexion plus sociale, mais peinent à s'organiser

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Sur le buffet ce soir-là, il y avait de la charcuterie et du vin. Delphine Bagarry, députée (La République en marche, LRM) des Alpes-de-Haute-Provence, avait pris les rênes de l'organisation. Réserver un salon de la questure, l'une de ces salles de réception à la disposition des parlementaires à l'Assemblée nationale ; convier les uns et les autres, et même Richard Ferrand, le patron du groupe LRM. Un moment de convivialité et de diplomatie dans un contexte moins festif. Ce mercredi d'avril, après l'apéritif, les élus s'apprêtaient à vivre leur troisième soirée de débat sur le projet de loi asile-immigration au cours de laquelle une vingtaine de " marcheurs " allaient minutieusement s'opposer à l'essentiel du texte présenté par le ministre de l'intérieur Gérard Collomb.
Sous les lustres de la questure, une partie de ces contes-tataires étaient là. Delphine Bagarry, donc, mais aussi, Martine -Wonner, députée du Bas-Rhin, chevelure blonde électrique, et Stella Dupont, élue du Maine-et-Loire, lunettes rondes et carré court. Parmi eux, Sonia Krimi, celle par qui le vent de la contestation s'est levé, quand, dès le mois de décembre, la députée de la Manche a interpellé le ministre de l'intérieur dans l'Hémicycle sur la -future loi. Un des rares hommes de la bande, Jean-Michel Clément, le doyen et seul élu sortant (Vienne), a également participé aux agapes, tout comme -Sandrine Mörch (Haute-Garonne) ou encore Florence Granjus (Yvelines).
De relatifs anonymes dans cette majorité pléthorique, qui quelques jours plus tard, allaient se faire un nom en s'abstenant lors du vote du projet de loi. Autour du buffet, tous savaient que M. Clément voterait contre, provoquant sa mise à l'écart du groupe majo-ritaire, la ligne rouge fixée par -Richard Ferrand à ses premiers -récalcitrants.
Aujourd'hui, ils font figure d'affranchis à la parole libérée, au-delà même de la question migratoire. " Avant on était là, dans l'Hémicycle, mais on ne faisait que lever la main pour voter ", résume Sonia Krimi. Après des semaines à dire publiquement leur hostilité au texte de Gérard Collomb, ils n'ont pas de mal à exprimer les réserves partagées par une partie de la majorité qui trouve que le début de quinquennat penche trop à droite. " On a l'impression qu'on n'a pas une politique sociale offensive ", glisse ainsi Delphine Bagarry, ancienne du PS. " Ce n'est pas vrai que l'on fait une politique que pour les -riches, mais on n'en voit pas encore les effets ", s'inquiète pour sa part Martine Wonner.
Avenir dans la majoritéChacun a en tête un prochain texte sur lequel il pourrait mieux faire entendre cette voix " sociale ". Après la loi logement, au cours de laquelle elle défendra fin mai les droits des sans-abri, la députée du Bas-Rhin vise déjà le futur projet de loi de financement de la Sécurité sociale qui sera examiné à l'automne. A cette occasion, elle verrait bien la promesse présidentielle de rembourser les lunettes et les prothèses auditives et dentaires tenue. " Surtout pour les retraités qui ont vu leur pouvoir d'achat diminuer ", confie-t-elle. Stella Dupont, attend, elle, le plan sur la santé et la vieillesse. " Ça, c'est un marqueur qui sera très révélateur de la volonté d'action sociale du gouvernement ", lance l'élue du Maine-et-Loire.
Mercredi 16  mai, à 8  heures, ces députés retrouveront un autre groupe où ils peuvent questionner la politique du gouvernement. Tous prennent part au " pôle social ", petit collectif d'une trentaine d'élus rassemblés autour de la présidente de la commission des affaires sociales, Brigitte Bourguignon. Cette dernière multiplie, par voie de presse, les critiques sur le manque d'équilibre politique des réformes. Dans son dernier entretien, le 13  mai dans le Journal du dimanche, elle invitait l'exécutif à " faire plus et plus vite pour ceux qui ont moins ". Mais depuis son lancement à l'automne dernier, le " pôle social " du groupe LRM laisse rêveurs beaucoup de membres de la majorité qui s'inter-rogent sur l'absence de traduction politique au-delà des décla-rations de son instigatrice. Et le dernier bras de fer a entretenu l'ambiguïté : contrairement à ses partisans, Brigitte Bourguignon a voté en faveur du projet de loi asile-immigration.
" Il faut qu'on soit mieux organisés, souhaite Sonia Krimi. On ne peut pas se contenter de faire des tribunes et des prises de parole pour dire il faut être plus humain et plus ouvert. Il faut aussi bosser, écrire des amendements, travailler sur les textes bien en amont. " A la faveur de la loi asile-immigration, les députés contestataires ont -expérimenté une organisation à eux : discussions communes, partage de leurs collaborateurs pour rédiger des amendements, échanges sur la meilleure stratégie médiatique… C'est pour toutes ces raisons et pour remercier les " collabs " de la somme de travail abattue que les agapes avaient été organisées à la questure en avril.
" On a partagé une vision commune mais aussi une réflexion, c'est à reproduire ", se félicite Delphine Bagarry. Une méthode de travail en petit groupe qui les convainc bien plus que les " grands-messes à 300 " députés, décrites par Martine Wonner lorsqu'elle évoque les réunions hebdomadaires de la majorité. Et toutes souhaitent travailler avec d'autres collègues. " Il y a des perles dans cette majorité ", estime Sonia Krimi, qui voit" deux minorités à En marche ! : d'un côté, les faux nouveaux qui sont un peu partout pour vendre les éléments de langage du gouvernement, et de l'autre une minorité silencieuse qui vient vraiment de la société civile. Je pense qu'on peut donner la parole à tout le monde ".
A part Jean-Michel Clément, le banni volontaire, toutes les " affranchies " voient encore leur avenir dans la majorité. Elles y ont essuyé des critiques parfois difficiles à avaler, mais y ont aussi trouvé un ciment dans l'adversité.
Les échos venus de leurs circonscriptions ont contribué à les encourager dans leur démarche. " Je n'en revenais pas du nombre de personnes qui me disaient “c'est bien ce que vous avez fait, continuez à faire selon vos convictions” ", rapporte Martine Wonner, élue dans un territoire pourtant plutôt ancré à droite. Dans les Alpes-de-Haute-Provence, Delphine Bagarry a entendu des marcheurs lui dire : " On en avait marre d'entendre dire que vous étiez des godillots. " Dans ce -contexte, " on n'a pas envie de partir, conclut-elle, on se sent plus forts pour faire bouger les lignes de l'intérieur ".
Manon Rescan

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