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mardi 15 mai 2018

CAC 40 : les grands profits des actionnaires ........" La montée des inégalités s'impose comme une préoccupation "......


15 mai 2018

CAC 40 : les grands profits des actionnaires

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 Une étude de l'ONG Oxfam sur le partage des profits des entreprises du CAC 40 depuis 2009 montre que les actionnaires sont, de très loin, les principaux bénéficiaires
 Les actionnaires ont reçu l'équivalent de 67,5 % des bénéfices sur cette période, contre 5 % pour les salariés. La part pour l'investissement représente 27,5 %
Depuis 2009, les salaires des PDG ont augmenté deux fois plus vite que la moyenne des salaires de leurs entreprises, note Oxfam
cahier éco - page 3
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15 mai 2018

Les actionnaires, enfants de plus en plus gâtés du CAC 40

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 Une étude d'Oxfam, publiée lundi 14 mai, montre l'évolution d'un capitalisme donnant toujours plus la priorité aux actionnaires
Sur 100 euros de bénéfice, le CAC 40 a alloué 5 % à la participation des salariés, 27,5 % aux investissements et 67,5 % aux actionnaires
La montée des inégalités s'impose comme une préoccupation, note Chloé Morin, de la Fondation Jean-Jaurès
Page 3
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15 mai 2018

CAC 40 : la priorité aux actionnaires contestée

Dans un rapport, l'ONG Oxfam dénonce un partage des profits devenu très défavorable aux salariés

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Les actionnaires de LafargeHolcim peuvent être rassurés. Le groupe a beau avoir perdu 1,7  milliard de francs suisses (1,5  milliard d'euros) en  2017, lancé un plan pour comprimer les coûts, et se trouver au cœur d'un scandale pour avoir versé de l'argent à l'organisation Etat islamique en Syrie, ils ne seront pas privés de dividendes pour autant. Ce mercredi 16 mai, ils toucheront, comme l'année précédente, 2 francs suisses par action. Qu'il aille bien ou mal, le champion du ciment reste généreux. En  2015, le PDG avait déjà annoncé simultanément une perte record et une hausse du dividende. Si bien qu'en cinq ans ce groupe suisse du CAC 40 a gagné seulement 1,2 milliard de francs, mais distribué à ses propriétaires presque deux fois plus d'argent. Quitte à puiser pour cela dans ses réserves.
LafargeHolcim n'est pas un cas unique. En France, en Europe, le capitalisme évolue depuis des années vers un modèle qui donne la priorité aux actionnaires, toujours gagnants ou presque. Un mouvement puissant, mais contesté. Témoin, le rapport sur les profits du CAC 40 publié conjointement, lundi 14 mai, par l'organisation non gouvernementale Oxfam et le Bureau d'analyse sociétale pour une information citoyenne (Basic).
" C'est  le monde à l'envers "Entre les dividendes et les rachats d'actions, les groupes du CAC 40 ont, depuis 2009, transféré à leurs actionnaires l'équivalent de 67,5 % de leurs bénéfices, montre cette étude. On est loin de la " règle des trois tiers " préconisée en  2009 par Nicolas Sarkozy, peu après son élection comme président de la République : " Sur 100 de bénéfices, il devrait y en avoir 33 qui reviennent aux salariés, 33 qui vont directement dans la poche de l'actionnaire et 33 qui servent à être réinvestis dans l'entreprise ", avait-il déclaré, sans justification autre que politique.
Aujourd'hui, les salariés récupèrent non pas 33  %, mais 5  % du total sous forme d'intéressement et de participation, et la part disponible pour les investissements ne dépasse guère 27,5  %, selon les calculs du Basic et d'Oxfam.
" Les richesses n'ont jamais été aussi mal partagées entre les différentes parties prenantes du CAC 40 ", affirme le rapport. " Les actionnaires sont les premiers servis, et touchent des sommes importantes quoi qu'il arrive, commente Christophe Alliot, du Basic. L'investissement est devenu une variable d'ajustement, ce qui peut fragiliser les entreprises. "
Jugeant que ces choix " nourrissent une véritable spirale des inégalités ", Oxfam et le Basic formulent des recommandations pour une répartition plus équilibrée. Ils proposent en particulier que les dividendes ne puissent pas dépasser le niveau des bénéfices redistribués aux salariés. Ils souhaitent aussi qu'au sein d'une entreprise, la rémunération la plus haute ne représente jamais plus de vingt fois la rémunération médiane.
Cette prise de position rejoint des critiques venant de l'intérieur même du système. " Les actionnaires s'efforcent de préserver coûte que coûte dividendes et rendement du capital, et demandent aux salariés de porter sur leurs épaules une part croissante des risques économiques ", déplore ainsi l'économiste Patrick Artus, membre du comité exécutif de la banque Natixis et du conseil d'administration de Renault, dans son livreEt si les salariés se révoltaient ?, coécrit avec Marie-Paule Virard (Fayard, 176 pages, 15 euros). C'est " le monde à l'envers ! ", s'exclame-t-il.
Larry Fink, le patron de BlackRock, le premier investisseur au monde, se montre lui aussi inquiet. Depuis la crise de 2008, " ceux qui détiennent du capital ont récolté d'énormes bénéfices ", tandis que " beaucoup de personnes à travers le monde " voient leurs revenus baisser et leurs systèmes de retraite menacés, soulignait-il en janvier. De quoi faire monter la frustration, l'anxiété et le ressentiment à l'égard des grands groupes, s'alarmait-il.
Dans leur rapport remis au gouvernement, en mars, Nicole Notat (Vigeo Eiris) et Jean-Dominique Senard (Michelin) plaident également pour une vision de l'entreprise " qui ne soit pas exclusivement orientée par la valeur de court terme pour l'actionnaire ".
De fait, les chiffres montrent un partage des revenus de plus en plus favorable aux détenteurs du capital. " Entre 2000 et 2010, les groupes du CAC 40 distribuaient en moyenne de 30 % à 40 % de leurs profits annuels sous formes de dividendes, explique Eric Galiègue, président de Valquant, un bureau d'analyse financière. Depuis, ce taux fluctue plutôt entre 45 % et 60 %. Pour les actionnaires, c'est une période dorée ! "
Et encore, ces données n'intègrent pas les rachats de titres, un autre moyen de choyer les actionnaires. Au total, ceux-ci récupèrent en moyenne les deux tiers des bénéfices. Mais certains groupes, tels que Lagardère, leur versent bien plus. Parfois même davantage que la totalité de leurs profits, comme cela a été le cas ces dernières années pour LafargeHolcim, mais aussi ArcelorMittal, Engie ou Veolia.
" Ce capitalisme actionnarial va trop loin, car il rompt une forme d'équilibre et peut mettre en péril certains groupes ", estime le président de Valquant. Tout se passe comme si les actionnaires avaient pris le pouvoir au détriment des autres acteurs de l'entreprise, en s'appuyant sur des dirigeants chargés de " créer de la valeur " avant tout pour les propriétaires du capital, et payés en conséquence.
" Choix de court terme "" Depuis 2009, les salaires des PDG du CAC 40 ont augmenté environ deux fois plus vite que la moyenne des salaires de leurs entreprises, souligne le rapport d'Oxfam. Ils gagnent à présent 119 fois plus que la moyenne de leurs salariés. " Surtout, " la part de leur rémunération directement liée au cours de la Bourse atteint désormais 54,5 %, ce qui les encourage à aligner leurs intérêts sur ceux des actionnaires et à privilégier les choix de  court terme visant à maximiser leur rémunération ".
En conclusion, Patrick Artus fait un constat très noir : " Dès lors que ces actionnaires trouvent légitime d'encaisser un rendement de 13 % ou 15 % quand le coût de l'argent est à 2 %, il n'est guère d'autre solution pour un dirigeant que de faire feu de tout bois, de s'endetter sans mesure, d'étrangler les salariés, les fournisseurs, les partenaires de toutes sortes, d'émettre du CO2 sans payer, de brûler les ressources naturelles sans considération pour les dégâts occasionnés, et aussi d'organiser régulièrement de lucratives opérations de rachat d'actions ", écrit-il. Une diatribe qui vise avant tout le capitalisme américain. Mais pourrait, un jour, s'appliquer au capitalisme français, si le rééquilibrage visé par le rapport Notat-Senard ne se concrétise pas.
Denis Cosnard


15 mai 2018

Aux Etats-Unis, la folie des rachats d'actions

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Cent milliards de dollars (soit 84 milliards d'euros) ! C'est le montant spectaculaire du plan de rachat d'actions qu'Apple a officialisé le 1er mai. La plus grosse opération du genre jamais lancée, et un symbole de la folie actuelle des rachats d'actions aux Etats-Unis. Selon JPMorgan, les rachats effectués par les groupes du S&P 500 pourraient atteindre 800 milliards de dollars en  2018, un record absolu, contre 520 milliards en  2017. Une façon pour les ténors de Wall Street d'utiliser les fonds placés à l'étranger que la réforme fiscale de Donald Trump les incite à rapatrier, et dont ils n'ont pas un usage immédiat.
Les champions américains s'apprêtent ainsi à transférer davantage d'argent à leurs actionnaires sous forme de rachat d'actions que de dividendes, comme c'est déjà le cas depuis plusieurs années. En France, les rachats restent plus marginaux. Depuis 2010, ils représentent en moyenne 16 % des sommes totales destinées aux actionnaires du CAC 40. Total, Sanofi et BNP Paribas y ont particulièrement recours.
" Contre nature "A la fois financiers et enseignants à HEC, Pascal Quiry et Yann Le Fur y voient un comportement " logique " de la part de mastodontes arrivés à maturité. " Ils génèrent des capitaux propres importants, que leur faible croissance rend inutiles en leur sein ",expliquent-ils dans La Lettre Vernimmen qu'ils publient ensemble. A leurs yeux, si Total ou Sanofi n'ont pas de projets très rentables en vue, " il est plus sain " de reverser ces liquidités à leurs actionnaires " que de les gaspiller en surinvestissements ou en placements oisifs ". Charge à ceux qui reçoivent cet argent d'en faire bon usage, en l'apportant à des groupes qui en ont davantage besoin.
Cette théorie est néanmoins contestée. Plutôt qu'un recyclage économique vertueux, certains voient dans les rachats massifs une aberration destinée avant tout à satisfaire la gloutonnerie des actionnaires. " Quand une société s'endette pour racheter ses propres actions, c'est totalement contre nature ! ", estime ainsi l'analyste indépendant Eric Galiègue. C'est " une impasse ", affirme pour sa part Patrick Artus (Natixis).
De. C.
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15 mai 2018

" La montée des inégalités s'impose comme une préoccupation "

Chloé Morin, de la Fondation Jean-Jaurès, estime que les citoyens sont désormais davantage attachés à la justice qu'à l'égalité

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Chloé Morin est directrice de l'Observatoire de l'opinion au sein de la Fondation Jean-Jaurès. Elle fut la conseillère chargée de l'opinion publique dans le cabinet des premiers ministres Jean-Marc Ayrault, puis Manuel Valls, de 2012 à 2016.


Les Français sont-ils sensibles aux thématiques que soulève le rapport Oxfam ?

Oui. Le rapport d'Oxfam ne va faire que conforter des constats qui sont déjà largement partagés dans l'opinion : l'idée que les riches s'enrichissent, que le travail est moins valorisé que le capital, et que la politique menée, loin d'encadrer les dérives du système économique, les accroît.


Emmanuel Macron, accusé par l'opposition d'être le " président des riches ", peut-il pâtir de ce sentiment d'injustice ?

La politique du président de la République est jugée injuste par 71 % des Français et pourtant, depuis un an, elle satisfait 40 % à 45 % d'entre eux. A cela, j'ajoute une gauche qui fait de la solidarité et de l'égalité son combat, mais ne cesse de reculer, situation qui, d'ailleurs, n'est pas propre à la France. Si l'on n'explique pas ce paradoxe, on passe à côté du sujet.


Comment l'expliquez-vous ?

Les institutions et solutions collectives sont largement décrédibilisées. On juge que le système fiscal et l'école accroissent les inégalités – ce qui est faux s'agissant du système fiscal –, que les instruments de la solidarité favorisent les nantis et les assistés, que globalement l'Etat n'est pas efficace et que le service rendu n'est pas à la hauteur de ce que l'on paie. Dans ce contexte, quand la gauche dit " solidarité ", on entend souvent " assistanat ". Quand la gauche dit " taxer les riches ", on entend " matraquage fiscal des classes moyennes ".


Ce serait donc la fin de la solidarité ?

La France demeure un pays pétri d'égalité. La demande de justice et d'égalité est loin d'avoir disparu. Mais la solidarité se déploie désormais de plus en plus à petite échelle : on s'engage à la carte, on choisit ses causes, on décide qui mérite d'être aidé… On croit de moins en moins à une solidarité qui s'exercerait dans le cadre de la communauté nationale. Emmanuel Macron, je vous le rappelle, n'a pas été élu sur une promesse de justice.


Y a-t-il une autre manière d'expliquer ce paradoxe ?

Bien sûr. Emmanuel Macron a parié sur la remise en marche du pays et, dès l'origine, très peu de gens (moins de 20 %) pensaient bénéficier personnellement de sa politique ! A la différence de François Hollande, président de gauche traditionnelle qui promettait le redressement dans la justice, ou même de Nicolas Sarkozy, élu en partie sur la promesse de valoriser travail et mérite, Emmanuel Macron n'a pas trahi.


Finalement, les Français privilégient l'efficacité par rapport à la justice ?

Les mandats de Nicolas Sarkozy et François Hollande ont sans doute aidé les Français à penser qu'entre efficacité et justice, il fallait choisir. Le projet d'Emmanuel Macron repose sur l'idée que l'on a trop longtemps reporté les réformes indispensables, et que désormais on ne peut plus se permettre de privilégier la justice par rapport à l'efficacité.
Près de la moitié des Français juge ses réformes " indispensables ". Le président de la République a réussi à faire en sorte de disqualifier les alternatives à sa politique, considérée comme la seule voie " efficace " (moins de 15 % des Français pensent que ses concurrents, quels qu'ils soient, feraient mieux que lui). Cela signe une défaite idéologique de la gauche.


Ce constat doit-il interpeller les partis de gauche ?

Oui et pas qu'en France. Partout depuis la crise de 2008, la montée des inégalités s'est imposée comme une préoccupation, mais souvent, les partis qui mettent le combat contre les inégalités au cœur de leur projet politique sont en difficulté. La gauche propose l'égalité, alors que les gens veulent la justice… Ce n'est pas pareil. Il y a toutefois une spécificité française. Tout un pan de la théorie économique y est devenu inaudible.


C'est-à-dire ?

Certaines idées et théories économiques – et je ne parle pas des Economistes atterrés - une association créée en  2011 - – sont totalement inaudibles dans l'opinion. Tout se passe comme si l'on -considérait qu'en matière économique, il n'y a pas d'alternative. Prenez l'impératif de la maîtrise du budget, par exemple : il est désormais partagé par une grande partie de l'opinion. Il n'y aurait qu'un seul choix, le choix efficace. Or les choix économiques sont aussi des choix politiques…


Cet état de fait qui profite à Emmanuel Macron est-il durable ?

Il y a toujours un moment où l'on assiste à la reconfiguration des priorités. L'entourage du président réfléchit au second souffle du quinquennat. Ce second souffle devra probablement concerner davantage les aspirations de justice à long terme des Français que l'urgence économique.
propos recueillis par, Virginie Malingre
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