Translate

vendredi 20 avril 2018

Syrie : trois firmes belges auraient violé l'embargo sur les armes chimiques


20 avril 2018

Syrie : trois firmes belges auraient violé l'embargo sur les armes chimiques

La justice enquête sur des livraisons ayant eu lieu entre mai 2014 et décembre 2016

agrandir la taille du texte
diminuer la taille du texte
imprimer cet article
La justice belge a décidé de lancer des poursuites contre trois entreprises flamandes qui ont exporté vers la Syrie des produits pouvant servir à la fabrication d'armes chimiques, dont du gaz sarin. Selon les douanes belges, ces firmes – A.A.E. Chemie Trading, Annx Customs et Danmar Logistics – n'ont pas sollicité les licences, nécessaires depuis juillet  2013, pour l'exportation, entre mai  2014 et décembre  2016, de 24 livraisons de composants chimiques. Soit 168 tonnes d'isopropanol, 219 tonnes d'acétone, 77 tonnes de méthanol et 21 tonnes de dichlorométhane.
C'est surtout la quantité massive d'isopropanol qui inquiète les autorités. Ce produit intervient dans la phase finale de production du sarin, le gaz qui a notamment été utilisé le 4  avril 2017 à Khan Cheikhoun par l'aviation du régime syrien, causant la mort de dizaines de personnes. Les douanes belges affirment ne pas disposer d'indications quant à l'utilisation des produits qui ont été exportés, dont une partie est arrivée au -Liban. L'isopropanol, soulignent-elles, est aussi utilisé dans la fabrication de produits de peinture, de refroidissement ou d'imprimerie.
Dossier embarrassantSelon le magazine néerlandophone Knack, qui évoque diverses enquêtes, dont celles des Nations unies, la Belgique aurait, en tout cas, été le seul pays européen à poursuivre ses exportations de produits suspects vers la Syrie après 2013. Un accord entre les Etats-Unis et la Russie visait, à l'époque, à démanteler totalement l'arsenal syrien, sous l'autorité de l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC). Lors de l'opération de destruction d'armes chimiques menée par l'OIAC en Syrie en  2014, 120 tonnes d'isopropanol ont été détruites.
Selon Knack, la citation devant le tribunal d'Anvers comporte toutefois un élément troublant : les douanesreprochent aux entreprises de ne pas avoir fait de demande d'autorisation " après " les exportations litigieuses. Or, s'interroge l'hebdomadaire, " les douanes n'auraient-elles pas dû agir de manière proactive ? " – à savoir contrôler, avant leur envoi, de telles cargaisons pour faire appliquer l'embargo décrété par l'Union européenne en  2013.
Un porte-parole du ministère belge des finances indique que le service des douanes a, en fait, débusqué l'affaire après une " analyse de risques ", les entreprises concernées n'ayant jamais sollicité les licences nécessaires. La Sûreté de l'Etat (les services de renseignement) enquête également sur ce dossier, embarrassant pour un pays qui a, le premier, expérimenté le danger des armes chimiques – lors de la bataille de l'Yser, pendant la première guerre mondiale – et se veut à la pointe de la lutte pour leur interdiction.
Interrogé, un porte-parole d'A.A.E Chemie a affirmé que l'entreprise a agi de bonne foi et dit tout ignorer de l'usage qui pouvait être fait de produits exportés, de manière légale selon lui, avec l'assentiment des services belges. C'est après un contrôle des douanes néerlandaises, en janvier  2017, que leurs homologues belges, apparemment peu au courant des règles en vigueur, auraient en fait enclenché des procédures contre les trois firmes.
Anex Customs et Danmar Logistics, responsables de l'acheminement des cargaisons, indiquent quant à elles que les services belges ont bien été informés de l'intégralité des opérations qu'elles ont menées. Ils ne se seraient jamais opposés aux exportations vers la Syrie. Les deux sociétés disent aussi ne pas avoir été mises au courant de la nécessité d'obtenir des licences, ce qui sous-entend que les autorités de contrôle elles-mêmes n'étaient pas bien informées.
L'affaire est jugée " incroyable " par le ministre des finances, Johan Van Overtveldt, qui exerce la tutelle sur les douanes. Il met en cause la version des sociétés concernées, mais indique aussi qu'une enquête interne aurait déjà mis en évidence des irrégularités au sein des services douaniers. Le ministère des affaires étrangères estime, pour sa part, qu'il ne lui revient pas de contrôler un embargo. L'opposition francophone s'est emparée de l'affaire pour exiger des explications rapides du gouvernement.
Jean-Pierre Stroobants
© Le Monde

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire