Il fallait voir la retenue du -patron de la SNCF, le 27 février, lors de la présentation des -résultats 2017 du groupe. Et le triomphe modeste du PDG d'Air France, deux semaines plus tôt, quand il évoquait une année " encore loin d'être extraordinaire ". On peut les comprendre, ils étaient à la veille de grèves qui s'annonçaient très dures. Guillaume Pepy ne voulait pas donner aux cheminots l'impression que le géant remis sur les rails pouvait échapper à des réformes structurelles ; et Jean-Marc Janaillac pas davantage laisser croire aux pilotes et aux hôtesses qu'il avait enfin du " grain à moudre ".
L'année 2017 avait bien été celle du redressement. L'accélération de la croissance avait rempli les trains et les avions, tandis que l'attentisme marquant l'interrègne entre François Hollande et Emmanuel Macron faisait retomber les tensions sociales de 2016. Pour SNCF Mobilités, l'embellie s'est traduite par une hausse de 4,2 % du chiffre d'affaires et un bénéfice net de 679 millions d'euros. Chez Air France (hors KLM, plus rentable), le résultat d'exploitation a été de 590 millions, après les pertes accumulées entre 2009 et 2015.
Rien n'est pourtant acquis dans ce retour à meilleure fortune, d'autant que la grève va effacer les efforts de redressement des deux entreprises consentis par les salariés eux-mêmes (meilleure productivité, réductions d'effectifs…). Air France évalue la perte à 24 millions d'euros par jour, soit 170 millions pour les sept journées de grève entre le 22 février et le 11 avril ; accepter les revendications salariales (+ 6 %), ce serait siphonner les trois quarts des bénéfices. La SNCF l'estime à
" une centaine de millions d'euros " ; elle pourrait dépasser 700 millions si les cheminots font les trente-six jours de grève annoncés d'ici au 28 juin.
Du terrain perduDe plus, leurs parts de marché risquent de s'éroder au profit de transports alternatifs et de sociétés concurrentes, leur image en lente amélioration se dégrader de nouveau.
" Un conflit long affaiblirait le train ", prévenait M. Pepy dès février. A la SNCF, le statu quo n'est pourtant plus possible. La dette (55 milliards d'euros) s'alourdit de près de 3 milliards par an. En inscrire une partie au compte de l'Etat ou d'une caisse de défaisance n'est acceptable, selon M. Macron, que si la compagnie se prépare à la libéralisation du marché (qui n'est pas la privatisation de la
" société nationale ").
La fermeté de M. Janaillac se fonde sur des préoccupations assez proches : pas question, en lâchant trop de lest salarial, de
" sacrifier l'avenir d'Air France " ni de
" compromettre ses atouts " face à ses concurrents. La compagnie opère sur un marché autrement plus dur que la société ferroviaire. Malgré les économies dégagées ces dernières années, elle reste, selon lui,
" nettement moins rentable que Lufthansa ou British Airways ". Sans même parler des transporteurs d'Asie ou du Golfe.
Quoi qu'il arrive dans les prochaines semaines, la SNCF et Air France auront perdu du terrain. Elles devront le regagner, et ce sont finalement les grévistes d'aujourd'hui qui se coltineront la tâche.
Jean-Michel Bezat
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