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vendredi 23 février 2018

Tractations à Bruxelles en vue des européennes


23 février 2018

Tractations à Bruxelles en vue des européennes

Les dirigeants de l'UE sont partagés sur le mode de nomination du président de la Commission

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Le grand mercato des postes européens est lancé. L'un des principaux sujets au menu du sommet informel  des chefs d'Etat et de gouvernement, vendredi 23  février à Bruxelles, sera une discussion sur la très sensible désignation des futurs dirigeants de l'UE. Aucun nom n'est encore officiellement avancé pour l'ensemble des postes à pourvoir (Commission, Conseil, haut représentant pour les affaires étrangères, Banque centrale européenne, Eurogroupe…). Même si les rumeurs vont bon train, évoquant pêle-mêle la Danoise Margrethe Vestager, les Français Michel Barnier et Christine Lagarde, voire le premier ministre irlandais Leo Varadkar, pour remplacer Jean-Claude Juncker à la tête de la Commission.
M. Juncker a lui-même lancé la course aux plus hauts postes de l'UE en annonçant, mercredi 21 février, que son directeur de cabinet, le très influent Allemand Martin Selmayr, serait le secrétaire général de la Commission européenne. Pour la suite, il conviendra de discuter équilibres (politique, géographique, hommes-femmes…) et de mécanique. A savoir de la procédure dite des " Spitzenkandidaten " (ou têtes de liste), imposée par le Parlement de Strasbourg lors des élections européennes de 2014 pour la désignation du président de la Commission. Et que les eurodéputés entendent à nouveau sécuriser pour le scrutin de mai  2019 : ils veulent imposer aux chefs d'Etat – qui renâclent – l'un ou l'une de ceux qui conduiront la liste de leur famille politique.
Le principe du " Spitzenkandidat ", censé traduire une avancée démocratique et rendre l'élection plus politique, consistait initialement à faire du dirigeant de la liste arrivée en tête du scrutin le dirigeant du collège européen. Le Luxembourgeois Jean-Claude Juncker, qui emmenait la liste du Parti populaire européen, fut le premier à être désigné de cette manière après avoir été préféré à M. Barnier par Angela Merkel.
" Spitzenkandidat "Certains en ont déduit que le principe allait désormais s'appliquer de manière automatique. Le traité européen ne l'affirme pas exactement, indiquant seulement que le Conseil (repré-sentant les chefs d'Etat et de gouvernements) désigne un candidat " en tenant compte du résultat de l'élection " et après avoir mené " les consultations appropriées ". A charge ensuite, pour les parlementaires, de ratifier cette désignation.
Du côté des dirigeants européens, pas question de parler d'" automaticité ". " Nous pourrions désigner le gagnant, mais il est hors de question de se laisser imposer un nom. Nous avons la possibilité de choisir quelqu'un d'autre que le premier Spitzenkandidat ", résume un ambassadeur. Les services juridiques de la Commission et du Conseil divergent sur cette question. Pour celui du Conseil, la seule vraie légitimité est celle des chefs d'Etat.
La chancelière allemande, déjà réticente en  2014, campe sur cette ligne, comme Emmanuel Macron. Le président français est cependant desservi par le fait qu'il n'est pas encore rattaché à l'une des grandes " chapelles " politiques européennes, ce qui limite sa capacité à imposer des noms pour les postes à pourvoir. Il attend le résultat des élections italiennes et la fin du suspense autour de la mise en place de la grande coalition allemande pour arrêter sa stratégie en vue du scrutin de 2019 et lancer, éventuellement, un mouvement La République en marche à l'échelle de l'Union.
Vendredi 23  février, le président et ses homologues se garderont de torpiller le principe même d'un processus perçu comme plus démocratique qu'un marchandage à huis clos. Mais ils voudront éviter de se lier les mains en entérinant une procédure qui les obligerait à accepter, en bout de ligne, une personnalité qui ne leur conviendrait pas.
Ils trouveront d'autres éléments pour tenter de convaincre qu'ils se soucient de la légitimité démocratique des institutions. M.  Macron continuera ainsi à défendre son idée de listes transnationales pour 2019, malgré le fait qu'elle a été sèchement rejetée par Strasbourg début février. " Si on veut renforcer la démocratie, les listes transnationales sont cohérentes avec les Spitzenkandidaten. Il est paradoxal que certains soient favorables à ces derniers, mais pas aux listes ", s'étonne-t-on à l'Elysée. Officiellement, le principe de listes de candidats issus de toute l'Union n'est pas enterré, mais il est jugé impra-ticable avant 2024, dit-on dans l'entourage de Donald Tusk, le président du Conseil.
M.  Macron entend aussi faire le point avec ses homologues sur ses " conventions démocratiques ". Considérée initialement comme une sorte de gadget par ses pairs, cette idée d'organiser des consultations dans toute l'Union pour déterminer quelle Europe veulent les citoyens prend forme. Paris a réussi à convaincre vingt-cinq pays membres (seuls les Pays-Bas et la Hongrie ont décliné), qui se sont engagés à organiser de tels événements, même si certains redoutent que les populistes s'emparent des discussions pour les torpiller. M.  Macron devrait profiter de sa visite au Parlement européen, le 17  avril, pour lancer le projet.
Cécile Ducourtieux, et Jean-Pierre Stroobants
© Le Monde

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