Un coup de tonnerre. " C'est ce que veut créer Jean-Luc Mélenchon lors de l'élection législative partielle dans la 8e circonscription de Haute-Garonne les 11 et 18 mars. Venu mercredi 21 février à Saint-Gaudens soutenir Philippe Gimenez, le candidat de La France insoumise (LFI), l'ancien prétendant à l'Elysée a martelé ce message devant une salle bondée de plusieurs centaines de personnes : " Il faut une victoire claire et nette de l'opposition populaire. "
Ce scrutin revêt une importance particulière pour LFI : le sortant est un député socialiste, Joël Aviragnet. C'est la circonscription de Carole Delga, aujourd'hui présidente de la région Occitanie. Bref, ce sont des terres de gauche, populaires et rurales, où le Front national enregistre de très bons scores : la candidate frontiste aux législatives de juin 2017, Marie-Christine Parolin, était arrivée en troisième position, juste devant M. Gimenez.
Un laboratoire parfait pour tester les idées " insoumises ".
" Ici, à l'élection présidentielle, si on cumule les scores de Jean-Luc Mélenchon et de Marine Le Pen, cela fait 45 % des suffrages. Ces scores montrent qu'il y a un vote contestataire, souligne Philippe Gimenez.
On fait une campagne offensive contre la politique d'Emmanuel Macron.On veut permettre à toute une population qui souffre de relever la tête. C
'est la France d'en bas qui va donner un coup de pied au derrière de l'Elysée. "
" A quoi ça sert de voter PS ? "LFI a saisi l'importance de l'enjeu. La plupart des " pontes insoumis " ont défilé ou défileront en Haute-Garonne d'ici au premier tour. François Ruffin est venu mi-février, Jean-Luc Mélenchon était là mercredi. Bientôt arriveront Clémentine Autain puis Alexis Corbière…
" Nous ne négligeons aucune élection. On ne croit jamais que l'on va perdre. Et, à force, on va gagner, veut croire M. Mélenchon.
Personne ne viendra jamais à bout de nous. Plus personne ne peut dormir tranquille ! "
Surtout, une victoire du candidat " insoumis " dans le Comminges
serait la preuve ultime que LFI est devenu le
" vote utile " face à l'exécutif. Cela permettrait aussi au mouvement de M. Mélenchon de porter l'estocade à un Parti socialiste mal en point, dans l'un de ses fiefs qui plus est.
" Ici, c'est une terre populaire. On ne supporte pas le flou, le “je ne sais pas”. Il faut une réponse claire, un refus net et sans bavures des règles du jeu de ce monde pourri ", a ainsi lancé le chef de file de LFI, visant son ancienne formation politique, qu'il donne pour morte.
" Si un électeur socialiste veut envoyer un signal à Macron, pas sûr que voter PS soit le meilleur moyen de le faire, abonde Manuel Bompard, homme fort du mouvement.
Le PS n'est pas une force d'opposition très active. On ne les entend pas, alors que les gens souffrent. " Alexis Corbière est encore plus lapidaire :
" Franchement, à quoi ça sert de voter PS aujourd'hui ? A gauche, il y a nous et le néant. Le reste est en voie de quasi-disparition. La France insoumise est un point de résistance. " Le député de Seine-Saint-Denis juge qu'
" un cycle se referme. C'est un phénomène profond, il y a à la fois une décomposition et un rejet des anciennes formations ".
Autre dimension de cette stratégie du
" vote utile " : tout est fait pour présenter
l'
" opposition populaire " incarnée par LFI comme le seul rempart à l'
" opposition bourgeoise " détenue par Les Républicains. Et dire qu'in fine, seuls les " insoumis " combattent vraiment Emmanuel Macron et son monde.
Au-delà du cas de la Haute-Garonne, LFI place beaucoup d'espoir dans l'autre élection partielle de mars, qui aura lieu en Guyane. Le candidat mélenchoniste, Davy Rimane, avait échoué de quelques voix en juin 2017. Et LFI compte bien prendre sa revanche, les 4 et 11 mars. La preuve : M. Mélenchon fera aussi le déplacement là-bas.
Pour LFI, ces partielles constituent une aubaine pour s'installer comme
" première force d'opposition " face à la majorité. Les stratèges du mouvement espèrent
" au moins " une victoire sur les huit législatives partielles prévus en mars.
" Notre but, c'est d'abord de progresser. Mais si on avait deux victoires, ce serait parfait ! ", espère Eric Coquerel, député de Seine-Saint-Denis. Pour cela, LFI compte sur, outre un tassement du vote La République en marche, un report des voix socialistes vers leurs candidats.
Résoudre un paradoxeRien de moins sûr à la vue des deux partielles de janvier où les binômes " insoumis " stagnent ou progressent peu par rapport à juin alors que, dans le même temps, le PS s'effondre. Le défi pour LFI est donc d'arriver à résoudre un paradoxe : comment incarner à la fois la radicalité et attirer à soi un électorat plus modéré, pas forcément séduit par la révolution citoyenne prônée par M. Mélenchon et son mouvement, ni par ses formes d'action ?
Une chose est sûre : gagner une ou plusieurs batailles électorales permettrait à La France insoumise de prendre un petit bol d'air. Depuis plusieurs semaines, elle multiplie, en effet, les déconvenues. Le mouvement social n'a pas pris à la rentrée de septembre. A tel point que M. Mélenchon lui-même avait reconnu qu'Emmanuel Macron avait remporté
" le point ".
LFI avait ensuite jeté toutes ses forces dans l'opposition à la réforme de l'accès à l'université, aussi bien à l'Assemblée nationale – où les députés ont bataillé – qu'en essayant de mobiliser les lycéens et les étudiants. Sans succès. Le dernier espoir concernant la mobilisation sociale réside dans la journée du 22 mars à laquelle M. Mélenchon appelle à participer,
" pour ne pas avoir été tondu sans n'avoir rien dit, ni rien fait ". En somme, un baroud d'honneur.
Abel Mestre
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